Justice internationale
Un chef de guerre congolais devant la CPI
(Photo: AFP)
Depuis sa création en juillet 2002, la Cour pénale internationale (CPI), chargée de juger les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, n’avait encore jamais tenu un procès. Elle tient aujourd’hui sa première affaire qui fait suite à une plainte déposée en 2004 par le gouvernement congolais contre Thomas Lubanga, le chef historique de l’Union des patriotes congolais (UPC). Ce groupe de rebelles avait été créé en 2002 dans l’est de la République démocratique du Congo et bénéficiait, au départ, du soutien de l’Ouganda avant de conclure de nouveaux accords avec le Rwanda.
L’UPC de Thomas Lubanga faisait partie des nombreuses milices nées dans l’est de la RDC à la faveur de la guerre civile dans ce pays depuis 1997. Les différentes milices se sont constituées sur des bases ethniques et se disputaient le contrôle des terres, des mines d’or et autres ressources douanières de cette région du Congo. L’UPC, essentiellement composée de Hemas, disputait le leadership régional aux Lendus. Les affrontements et violences auraient fait plus de 60 000 morts et provoqué le déplacement de plus de 600 000 personnes.
Combattre l’impunité
Les organisations humanitaires et de défense des droits de l’Homme avaient tiré l’attention de la communauté internationale sur les exactions contre les populations civiles perpétrées par des groupes armées qui foisonnent dans l’est de la RDC. Dans cette zone de non-droit, l’organisation Human Rights Watch avait signalé, en mai 2003, que l’UPC avait même installé un gouvernement régional qui prônait la sécession de l’Ituri et l’élimination des Lendus, autre ethnie influente dans la région, constituée elle aussi en milice : Font nationaliste et intégrationniste (FNI). Plusieurs massacres auraient été organisés par Thomas Lubanga et ses miliciens baptisés « effaceurs » à cause de leurs pratiques d’élimination systématique d’hommes, femmes et enfants.
Face à l’engrenage des massacres et des règlements de compte, une force européenne Artémis avait été déployée à Bunia, capitale régionale en juin 2003, pour la rétablir la paix, en même temps qu’un programme de désarmement avait été instauré. Quelques mois plus tard la CPI avait décidé d’ouvrir un dossier sur les « crimes graves » commis dans l’est de la RDC. Par ailleurs, à la faveur de certains accords et des promesses d’intégration à l’armée nationale et au processus de transition et de paix, de nombreux miliciens avaient rendu les armes. La promesse de cette réhabilitation avait poussé Thomas Lubanga à se rendre à Kinshasa où il séjournait dans un grand hôtel en attendant d’être promu général des Forces armées congolaises.
Mais la communauté internationale exerce une grande pression sur les autorités congolaises pour que les crimes commis soient payés. La poursuite des violences en Ituri et le meurtre de neuf casques bleus bangalais en février 2005 avaient convaincu les organisations internationales de l’implication directe de Thomas Lubanga dans les violences en Ituri. C’est alors qu’il fut arrêté à Kinshasa en mars 2005, en même temps que Floribert Ndjabu du FNI et Yves Kawa Mandro, chef du parti pour l’unité et la sauvegarde de l’intégrité du Congo (Pusic). Ce dernier a été jugé et condamné à la réclusion à perpétuité par le tribunal de grande instance de Bunia en janvier 2006.
« L’arrestation de Thomas Lubanga offre un espoir de justice aux victimes des crimes horribles commis en Ituri », a déclaré à l’AFP Richard Dicker de Human Rights Watch qui espère aussi que les juges de La Haye s’intéresseront aux soutiens militaires et politiques de tous les groupes armés qui ont sévi dans l’Ituri et qui selon lui « sont au pouvoir à Kinshasa, Kampala et Kigali ».
par Didier Samson
Article publié le 20/03/2006 Dernière mise à jour le 20/03/2006 à 19:17 TU