Energie
Du gaz russe pour la Chine
(Photo : AFP)
(Carte : S Bourgoing/RFI)
Ce n’est pas le pétrole mais le gaz russe qui a eu la vedette ce mardi, à Pékin, à l’occasion des entretiens entre Vladimir Poutine et Hu Jintao. Les présidents de ces deux grands pays voisins se sont mis d’accord pour renforcer leur coopération dans le domaine de l’énergie. Les deux leaders, avec à leur côtés ceux qui connaissent le potentiel de leur pays, ont négocié ces accords qui concernent des entreprises d’Etat.
Le responsable chinois de la planification énergétique Zhang Guobao a regretté la lenteur avec laquelle avancent les nouveaux projets de pipeline russe. Cette lenteur est « regrettable », a commenté celui qui connaît les besoins en énergie de son immense pays. Zhang Guobao a également critiqué la réticence de Moscou à soutenir les efforts de la Chine pour investir dans le secteur russe de l’énergie. Cette attitude de la Russie n’est pas nouvelle. La semaine dernière, Vladimir Poutine a encore refusé à l’Union européenne, qui cherche à sécuriser son approvisionnement en gaz, de prendre des parts dans la société publique Gazprom. L’opposition semble identique aux investissements chinois. Avec le monopole exercé par Gazprom, l’Etat russe garde la main sur cette ressource stratégique. Il a fait de même dans le secteur pétrolier, cherchant à ramener dans le giron de l’Etat un secteur qui avait été partiellement privatisé.
Du gaz contre des investissements
Le face à face entre celui qui a les ressources naturelles et celui qui en a besoin, les président Poutine et Hu Jintao, a permis d’annoncer la construction de deux gazoducs. Ils fourniront à la Chine 60 à 80 milliards de mètres cubes de gaz par an. Le premier viendra de Sibérie occidentale. Les livraisons pourraient commencer dans cinq ans. Le second gazoduc fournira à la Chine du gaz en provenance de l’île de Sakhaline et peut-être aussi d’un gisement en Sibérie orientale. « Nous parlons de 30 à 40 milliards de mètres cube par an pour chacun des gazoducs. Le projet de Sibérie occidentale sera le plus rapide à réaliser », a expliqué Alexeï Miller, le patron de Gazprom. C’est lui qui a signé l’accord avec la compagnie China National Petroleum Corp. (CNPC). Le PDG de la compagnie russe n’a pas dit combien coûterait la réalisation de ces deux gazoducs ni quel serait le montage financier de l’opération. Alexeï Miller a cependant précisé que le prix du gaz vendu à la Chine serait indexé, comme en Europe, sur les cours mondiaux des produits pétroliers.
Cet accord bilatéral sur la construction de deux gazoducs a été annoncé peu après la publication d’un communiqué commun annonçant des investissements dans le secteur de l’énergie des deux pays. En Chine, le numéro un chinois du pétrole CNPC va construire une raffinerie en partenariat avec la compagnie russe Rosneft. Les deux sociétés vont également chercher de nouveaux gisements de pétrole en Russie. Une entreprise commune sera créée. Elle pourrait lancer un réseau de stations-service. Par le passé, les Russes avaient indiqué ne pas vouloir être seulement des fournisseurs de matières premières mais qu’ils attendaient également des Chinois des investissements en Russie, notamment dans la partie extrême-orientale du pays. La participation d’entreprises étrangères semble souhaitée pour développer cette partie encore pionnière du pays.
« La coopération dans ce domaine favorisera la croissance économique des deux pays et renforcera la sécurité énergétique de la région Asie Pacifique et du monde en général », a indiqué un communiqué commun à l’issue de la rencontre entre les deux chefs d’Etat.
Jusqu’à présent, le flux des exportations de gaz russe allait en totalité vers l’Europe de l’Ouest. L’annonce de la construction de ces deux nouveaux gazoducs en direction de la Chine montre que la Russie diversifie ses clients. La semaine dernière, des experts indiquaient que Gazprom, dans l’état actuel de ses réserves, ne pourrait bientôt plus satisfaire la demande.
Pas d’avancée sur le pétrole
La Chine, avec la visite de Vladimir Poutine, risque pourtant de rester sur sa faim. Malgré les déclarations officielles, les négociations n’ont pas avancé sur le projet d’oléoduc. Pour la Chine, devenue deuxième consommateur mondial de pétrole, les perspectives d’augmenter son approvisionnement en pétrole russe restent lointaines. Il existe un projet d’oléoduc Sibérie Pacifique. D’une longueur de 4 118 kilomètres, il reliera la Sibérie centrale au port de Nakhodka, situé à côté de Vladivostok. Tokyo a promis de financer la moitié de ce gigantesque chantier et s’est opposé à la création d’une branche allant vers la Chine. Le tuyau russe va pourtant longer la frontière chinoise sur une grande partie de son tracé. La construction de cet ouvrage s’est compliquée récemment avec l’alerte lancée par les protecteurs du lac Baïkal. Alors que les études techniques liées au chantier vont se terminer en avril, les opposants critiquent le tracé du nouvel oléoduc. Il passe trop près du lac Baïkal. Site naturel classé au patrimoine de l’Unesco, le lac représente aussi l’un des plus grands réservoirs d’eau douce de la planète. Comme l’oléoduc passera en zone sismique et pas très loin du lac, il représente un risque de pollution aux hydrocarbures en cas de tremblement de terre. Etant donné les coûts du projet, les spécialistes ne veulent pas changer le tracé de l’oléoduc Sibérie Pacifique pour l’éloigner du Baïkal.
Les experts estiment qu’en 2030, la Chine dépendra à 72% de l’extérieur pour satisfaire ses besoins en pétrole. Pour éviter la pénurie, Pékin a passé des accords avec des pays pétroliers comme le Soudan, le Venezuela, l’Iran. Ces accords ne sont pas bien vus par les Etats-Unis. Avoir accès à plus de pétrole russe simplifierait l’approvisionnement de la Chine. Pour le moment, 45% de l’or noir consommé par cette économie en plein boum vient du Moyen-Orient.
par Colette Thomas
Article publié le 21/03/2006 Dernière mise à jour le 21/03/2006 à 17:59 TU