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Afghanistan

Offensive de printemps

Deux militaires étrangers, un Américain et un Canadien, ont été tués mercredi matin dans l’attaque d’une base américaine dans le sud du pays, dans la province de Kandahar. Une douzaine d’assaillants ont également été tués au cours de l’opération. Avec la fonte des neiges et l’ouverture des cols, les talibans ont repris une activité militaire soutenue contre l’armée afghane et les forces de la Coalition internationale. Depuis un an en effet les combats se multiplient dans les provinces méridionales du pays de Kandahar et Helmand, limitrophes du Pakistan : routes minées, embuscades, attaques contre l’armée afghane et les éléments de la Coalition internationale. Le 4 mars, les hommes du Commandement des opérations spéciales (COS) auquel appartiennent les forces spéciales françaises basées à Spin Boldak, dans le Helmand, ont perdu un homme, mort au combat. Selon l’état-major français, c’est la première fois qu’un soldat tombe ainsi sous les balles des talibans, signe de la détérioration de la situation dans la région. Reportage avec ces soldats d’élite sur la frontière afghano-pakistanaise, l’un des plus dangereuses du monde.

De notre envoyé spécial dans le sud de l’Afghanistan

Carte de l'Afghanistan.(Carte : C. Wissing/RFI)
Carte de l'Afghanistan.
(Carte : C. Wissing/RFI)

L’homme en treillis couleur sable vérifie que nous n’emportons rien avec nous. Il donne des ordres rapides, puis nous invite à le suivre dans une petite pièce confortable pour « parler un peu », dit-il. Nous venons d’arriver dans le fortin des forces spéciales françaises établies à Spin Boldak, dans le sud de l’Afghanistan, à quelques encablures de la frontière pakistanaise. Une zone sous surveillance permanente, surtout depuis le printemps 2005 et le redoublement des attaques menées par les talibans et les membres d’al-Qaïda contre les forces de la Coalition. C’est là qu’ont eu lieu les combats les plus meurtriers depuis le début de l’intervention de la communauté internationale en Afghanistan, fin 2001. Ces combats ont entraîné la mort de 1 600 personnes en 2005, dont près d’une centaine de Gi’s. Ce sont les pertes les plus importantes de l’armée américaine depuis la chute des talibans. « Les extrémistes se sont réorganisés. Ils possèdent un armement plus sophistiqué qu’avant, des relais dans les villages et surtout, ils disposent de bases arrières au Pakistan », explique le colonel J.

Partis le matin même du camp américain de Kandahar, nous avons suivi un convoi de l’armée afghane, protégé par des forces spéciales de la Coalition. Quelques soldats du COS en cagoule sont installés à l’arrière d’un pick-up de l’armée afghane, au milieu de militaires afghans. En tenue de l’armée afghane, munis de kalachnikovs, ces français sont à peine reconnaissables. Le convoi roule à vive allure à travers le désert qui sépare la ville de Kandahar de Spin Boldak. Depuis juillet 2003, deux cents hommes des forces spéciales françaises ont pour mission de boucler la zone, débusquer les combattants qui cherchent à passer d’un pays à l’autre et faire du renseignement. Mais leur principale mission consiste en fait à trouver l’homme le plus recherché de la planète, Oussama ben Laden. « Par deux fois, les soldats du COS ne sont pas passés loin de lui », nous avait-on confié quelques jours avant à Kaboul. On affirme aussi dans la capitale afghane qu’ils auraient tenu ben Laden au bout de leurs fusils, avant qu’un ordre américain leur demande de ne pas tirer. Une anomalie… Depuis, on a perdu sa trace.

Un adversaire autrement plus déterminé qu’avant

Le fortin des Français se trouve au bout de l’un des innombrables chemins qui jalonnent Spin Boldak, au milieu de nulle part, dans une plaine rocailleuse balayée par des vents de poussière. Quatre tourelles permettent une surveillance de toute la zone, à des kilomètres alentours. Au loin, les montagnes qui séparent l’Afghanistan du Pakistan. Des montagnes où opèrent jour et nuit les hommes du COS. Ils partent en petits groupes et se cachent dans les endroits stratégiques repérés par la brigade des frontières. Ils attendent ensuite que les islamistes franchissent cette limite entre les deux pays pour intervenir.

Le visage caché, les forces spéciales françaises roulent en convoi avec l'armée afghane. Direction : la frontière pakistanaise.(Photo : Emmanuel Razavi)
Le visage caché, les forces spéciales françaises roulent en convoi avec l'armée afghane. Direction : la frontière pakistanaise.
(Photo : Emmanuel Razavi)

« Nous rencontrons parfois un peu de résistance. Nous faisons alors appel aux forces aériennes de la Coalition, qui se trouvent sur l’aéroport de Kandahar », explique-t-il, avant d’ajouter, confiant : « mais d’une manière générale, nous n’avons pas à faire à des combattants très efficaces. Il s’agit plutôt d’embuscades conduites rapidement ou de mines placées sur la route. » Le colonel J. souligne cependant que, depuis quelques mois, les forces françaises de Spin Boldak affrontent un adversaire autrement plus déterminé qu’avant, mieux armé et mieux entraîné. Et à la question de savoir si les extrémistes ont vraiment ouvert un second front après l’Irak, contre les Américains et leurs alliés en Afghanistan, il répond : « Je ne peux pas vous en dire plus. C’est bien possible. Avec ce qui se passe depuis le printemps, je pense que vous avez déjà votre réponse. »


par Eric  de Lavarène

Article publié le 29/03/2006 Dernière mise à jour le 29/03/2006 à 12:48 TU