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Afghanistan

L’armée américaine sous pression

Après avoir subi plusieurs revers ces dernières semaines, l'armée américaine multiplie les patrouilles pour prévenir les attaques des Taliban.(Photo: AFP)
Après avoir subi plusieurs revers ces dernières semaines, l'armée américaine multiplie les patrouilles pour prévenir les attaques des Taliban.
(Photo: AFP)
La recrudescence ces dernières semaines des violences en Afghanistan, premier front ouvert par les Etats-Unis dans leur guerre contre le terrorisme, a relancé les inquiétudes sur la capacité de Washington à faire régner le calme dans ce pays à l’approche des élections législatives de septembre. Déjà embourbés en Irak avec quelque 130 000 hommes déployés sur le terrain, les Américains, qui dirigent en Afghanistan une coalition de 18 000 soldats, sont confrontés depuis plusieurs semaines à des attaques meurtrières de mieux en mieux organisées, attribuées aux Taliban, au pouvoir jusqu’à la fin 2001, mais aussi aux combattants d’al-Qaïda à propos desquels de nombreux experts militaires affirment qu’ils se sont de nouveau repliés sur l’Afghanistan.

Il y a encore quelques semaines, l’armée américaine se félicitait d’avoir «brisé les reins» des Taliban. Aujourd’hui ses propos sont beaucoup plus mesurés au vu notamment des revers enregistrés ces derniers temps par les troupes de la coalition militaire internationale menée par les Etats-Unis. Au point où certains observateurs, comme l’universitaire pakistanais Riffat Hussein, spécialiste des questions afghanes, n’hésite plus à affirmer que «la campagne militaire américaine dans ce pays pour éliminer, ou du moins affaiblir, les Taliban a complètement échoué». Et pour cause, en quinze jours l’armée américaine a perdu, dans la région de Kunar dans l’est du pays, quatre membres de ses Forces spéciales, tombés dans une embuscade de la guérilla afghane, et seize soldats dépêchés en renfort pour les secourir. L’hélicoptère qui les transportait a en effet été abattu par un tir de roquette aussitôt revendiqué par les Taliban. Avec vingt soldats tués, l’armée américaine a ainsi enregistré ses plus lourdes pertes au cours d’une seule et même opération depuis le déclenchement de sa campagne Enduring Freedom –liberté immuable– en octobre 2001. Et depuis le début de l’année, une cinquantaine de soldats américains au moins ont trouvé la mort.

Déjà fortement éprouvée par ces pertes, l’armée américaine a subi un nouvel affront lundi avec l’évasion de quatre détenus arabes de sa prison haute sécurité de Bagram, située au cœur même de sa principale base militaire en Afghanistan. C’est la première évasion connue de ce centre de détention qui abrite quelque 500 autres prisonniers pour la plupart Taliban. «C’est un problème très grave pour nous», a d’ailleurs reconnu le lieutenant-colonel Jerry O’Hara qui a qualifié les quatre fugitifs de «dangereux combattants ennemis». Une enquête interne a aussitôt été ouverte pour déterminer s’ils avaient reçu une aide de la part du personnel affecté à la surveillance de la prison. Des centaines de soldats américains et afghans, appuyés par des hélicoptères de combat, ont par ailleurs été engagés dans une gigantesque chasse à l’homme pour tenter de retrouver les fugitifs qui seraient de nationalité saoudienne, libyenne, syrienne et koweïtienne. «Ces gens ne représentent pas seulement un danger pour l’Afghanistan mais pour le monde», a expliqué le lieutenant-colonel O’Hara.

Al-Qaïda se regroupe en Afghanistan

Malgré ces revers, l’armée américaine semble avoir le plus grand mal de reconnaître les difficultés auxquelles elle est confrontée depuis plusieurs semaines, allant jusqu’à soutenir que sa dernière opération, au cours de laquelle vingt de ses soldats sont morts, «n’était pas un échec». «Elle a été un succès pour pousser les Taliban hors de cette zone», a ainsi affirmé le colonel James Yonts. Pourtant au cours de cette même opération, dix-sept civils ont été tués dans un bombardement sans qu’aucune victime rebelle n’ait été recensée. «Beaucoup d’opérations se poursuivent dans cette région que l’armée américaine ne quittera pas tant qu’il y aura des mouvements taliban et rebelles», a ajouté le responsable qui a saisi l’occasion pour réaffirmer la détermination de l’armée américaine à «gagner la guerre contre le terrorisme». Cette dernière, qui affirmait, il y a encore quatre mois, que les rebelles étaient «au bord du chaos» et «ne représentaient plus une menace d’importance», se montre désormais plus prudente, ne parlant plus de réduire ses effectifs mais au contraire de renforcer sa présence militaire. Le colonel Yonts a ainsi confirmé qu’un bataillon de l’aviation américaine –entre 500 et 700 hommes– allait arriver «très bientôt» à Kaboul.

Ce renforcement de la présence américaine, à quelques mois des élections législatives de septembre, intervient alors que de plus en plus d’indices laissent penser que des membres de la mouvance al-Qaïda seraient retournés en Afghanistan pour renforcer les rangs des Talibans très actifs dans le sud et le sud-est du pays. Le gouverneur de la province de Kandahar a ainsi récemment assuré qu’après une attaque suicide contre une mosquée de la ville, la police avait trouvé sur le corps du kamikaze des documents prouvant qu’il s’agissait d’un combattant arabe. «Cela prouve bien, a-t-il déclaré, que des équipes d’Arabes d’al-Qaïda sont rentrés en Afghanistan pour planifier des actions terroristes». Une thèse également largement soutenue par le ministre afghan de la Défense. «Nous avons des informations indiquant que les militants d'al-Qaïda se regroupent, qu'ils ont changé de tactique pour se reconcentrer sur l'Afghanistan», a notamment affirmé Abdurrahim Wardak.

Le chef de la mission de l'ONU en Afghanistan, le Français Jean Arnault, avait lui aussi, le 26 juin dernier devant le Conseil de sécurité des Nations unies, noté une aggravation de la situation sur le terrain. Le responsable onusien avait notamment déclaré que les rebelles semblaient «disposer de plus de moyens, d'armes plus destructrices, de meilleurs médias de propagande. Ils emploient des tactiques plus agressives, cruelles et indiscriminées». Depuis le début de l'année les attaques des rebelles ont fait près de 600 morts, contre environ 850 pour toute l'année 2004.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 13/07/2005 Dernière mise à jour le 13/07/2005 à 08:02 TU