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Afghanistan

Exercice délicat pour Hamid Karzaï à Washington

Le président afghan Hamid Karzaï et son homologue américain George W. Bush à la Maison Blanche le 23 mai 2005.(Photo : AFP)
Le président afghan Hamid Karzaï et son homologue américain George W. Bush à la Maison Blanche le 23 mai 2005.
(Photo : AFP)
Le chef de l’Etat afghan doit s’entretenir avec son homologue et allié George Bush dans un contexte rendu sensible par de nouvelles révélations sur des cas de tortures de détenus afghans dans la prison de Bagram. Sa visite officielle aux Etats-Unis intervient, en outre, après de violentes et meurtrières manifestations anti-américaines, déclenchées après la publication d’une information –démentie par la suite– selon laquelle des exemplaires du Coran auraient été profanés sur la base de Guantanamo sur l’île de Cuba.

Le président afghan aurait sans aucun doute préféré se rendre aux Etats-Unis dans un contexte moins tendu. Mais sa première visite officielle à Washington, depuis son élection au suffrage universel en octobre dernier, était prévue de longue date et ne pouvait donc souffrir d’aucun report. Elle intervient cependant à un moment de recrudescence des violences en Afghanistan et où la présence américaine, plus que jamais vitale aux yeux de Hamid Karzaï, est de plus en plus ouvertement contestée par la population. L’affaire Newsweek a en effet mis au grand jour le violent sentiment anti-américain qui prévaut dans le pays. La publication par cet hebdomadaire d’une information concernant une présumée profanation du Coran par des militaires américains à Guantanamo a provoqué des manifestations sans précédent dans plusieurs régions. Ces rassemblements, considérés comme les plus violents depuis la chute des Taliban, ont fait une quinzaine de morts et plusieurs dizaines de blessés.

Autre affaire embarrassante pour le président Karzaï, la publication par le New York Times d’un article mettant en cause des soldats américains dans la mort de plusieurs détenus afghans dans la prison de Bagram. Le quotidien a révélé l’existence d’un rapport de 2 000 pages, rédigé par la branche d’enquête criminelle de l’armée et accablant pour les Etats-Unis. «Ce rapport évoque les sévices infligés à répétition aux détenus par des militaires jeunes et mal entraînés», écrit le journal qui évoque notamment le cas d’un chauffeur de taxi qui a reçu plus de cent coups dans les jambes avant de mourir. «Les porte-parole de l’armée américaine ont maintenu qu’il était mort de causes naturelles, même après que les officiers chargés de l’enquête aient conclu à un homicide», note à ce propos le rapport qui pointe les exemples de mauvais traitements.

Le jihad de Karzaï contre le pavot mis en doute

Face à ce nouveau scandale qui n’a fait que raviver le sentiment anti-américain, Hamid Karzaï pouvait difficilement garder le silence. Accusé par ses détracteurs d’être l’homme de l’administration Bush, le président a donc pris sur lui de hausser le ton contre son puissant allié. «Nous voulons que le gouvernement américain prenne des mesures très, très sévères pour que de tels individus quittent l’Afghanistan. C’est certain, je vais m’occuper de cela lorsque je serai aux Etats-Unis», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse convoquée quelques heures avant son départ. Mais la critique a ses limites et le président afghan s’est également empressé d’affirmer que «le peuple américain est un peuple très aimable», ajoutant qu’«il y a quelques individus mauvais et ce genre d’individus se retrouve dans toutes les sociétés, militaires ou autres, y compris en Afghanistan».

Simple coïncidence ou réponse du berger à la bergère ? Toujours est-il que quelques heures après les critiques, même mesurées du président afghan, Washington haussait à son tour le ton, accusant Hamid Karzaï de lenteur, voire de mauvaise volonté, dans la mise en œuvre de son jihad contre la culture du pavot en Afghanistan. Un rapport rédigé à ce sujet par l’ambassade des Etats-Unis à Kaboul, et révélé sur le site Internet du New York Times, relève en effet que si le programme de lutte contre l’opium, financé par les Etats-Unis, s’est révélé jusqu’à présent inefficace, c’est en grande partie en raison du peu d’empressement des Afghans à l’appliquer. «Bien que le président Karzaï ait été parfaitement au courant des difficultés rencontrées, il s’est montré réticent à clairement le soutenir, y compris dans propre province de Kandahar», déplore notamment le document daté du 13 mai. Ces critiques américaines sont d’ailleurs largement étayées par les récentes informations du Bureau international de contrôle des narcotiques des Nations unies qui vient d'indiquer qu'en 2004 la production de l'opium en Afghanistan avait atteint 4 000 tonnes, soit cinq fois plus que l'année précédente.

 Quoiqu’il en soit et malgré les reproches mutuels, rien ne semble devoir entamer la solidité des liens entre George Bush et Hamid Karzaï. Les deux hommes ont en effet annoncé, à l’issue de leurs entretiens de ce lundi, la signature d'un partenariat stratégique entre leurs deux pays. «C'est un partenariat sur lequel nous travaillons depuis longtemps qui établit des contacts à haut-niveau sur la sécurité politique et les intérêts économiques», a précisé le président américain qui s’est notamment engagé à «consulter l’Afghanistan sur les questions liées à son intégrité territoriale ou si sa sécurité est menacée».


par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/05/2005 Dernière mise à jour le 23/05/2005 à 18:31 TU