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Afghanistan

La fin des Taliban ?

Ghazi Nawaz, chef du conseil tribal de Khost, très impliqué dans le processus de réintégration des Taliban dans la société.(Photo : Véronique de Viguerie)
Ghazi Nawaz, chef du conseil tribal de Khost, très impliqué dans le processus de réintégration des Taliban dans la société.
(Photo : Véronique de Viguerie)
Depuis octobre 2003, les autorités afghanes ont établi de discrets contacts avec les Taliban. Les deux partis négocient et le président Hamid Karzaï a offert une amnistie aux combattants qui souhaitent réintégrer la vie civile. Dans la province réputée difficile de Khost, à la frontière pakistanaise, notre envoyé spécial a rencontré d’anciens talibans, aujourd’hui médiateurs entre les deux groupes, et les soldats américains, qui ont changé leur fusil d’épaule pour participer activement à cette réconciliation.
De notre envoyé spécial à Khost

Ramatullah Mansour appartient au Conseil des ethnies de Khost. Ancien taliban, il ne se déplace pas sans ses gardes du corps, qui ont longtemps combattu à ses côtés lorsque les étudiants en théologie tenaient l’Afghanistan. Aujourd’hui réconcilié avec les autorités de Kaboul, Ramatullah Mansour mène une partie des pourparlers entre le gouvernement et les fondamentalistes, en vue d’une réhabilitation de ces derniers et « afin que cessent les hostilités », dit-il. Chef de tribu lui-même, affublé d’un long turban, l’homme affirme : « J’ai entendu l’appel du président Hamid Karzaï et je me suis dit qu’il était temps de retourner dans mon pays, de déposer les armes et de m’engager dans ce processus de paix ».

Début 2002, à l’approche des soldats américains, le mollah Mansour avait fui au Pakistan avec ses hommes pour s’établir à Miranshah, petite ville de la zone tribale semi-autonome du Waziristan, contre la frontière afghane. « Je ne savais pas si je pouvais totalement faire confiance aux forces de la Coalition et au gouvernement, mais comme beaucoup d’anciens Taliban, j’en avais marre de me cacher pour échapper aux militaires pakistanais et je souhaitais revenir en Afghanistan. J’ai pris ce risque. Désormais, je fais régulièrement la navette entre Kaboul, Khost et Miranshah, afin de permettre la réintégration des anciens combattants taliban. »

Engagé secrètement depuis octobre 2003, ce processus commence à porter ses fruits. Acculés, de moins en moins nombreux, fatigués, les Taliban seraient tout prêts de déposer leurs armes et de retourner dans leurs villages. Déjà, mi-février, quatre personnages de « rang intermédiaire »* ont fait allégeance aux autorités afghanes, soulignant qu’après eux, plusieurs dizaines de leurs hommes allaient également se rendre. « Ce que nous ne pouvions entrevoir au début de la guerre survient enfin. Au contraire, nous pensions que la présence de militaires étrangers en terre afghane allait entraîner la venue de milliers de jihadistes, prêts à se battre contre les infidèles. Ce qui arrive aujourd’hui est très encourageant pour l’avenir du pays », confie un expert des Nations unies.

Rencontres discrètes au plais présidentiel

Sur la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan dans la région de Khost sur le district de Tani. Dans cette région, chère aux fondamentalistes, tous les hommes sont des taliban reconvertis.
(Photo : Véronique de Viguerie)
Les premières rencontres entre le président Hamid Karzaï et les Taliban remontent à octobre 2003, à la libération par les Américains, du mollah Wakil Ahmad Muttawakil, ancien ministre des Affaires étrangères taliban. Enfermé depuis 2001, il s’est soumis au gouvernement et a été envoyé dans les zones talibanes comme médiateur, afin de rallier les combattants, leur offrant une amnistie. Depuis, les deux partis se sont très régulièrement rencontrés, toujours très discrètement, au palais du président afghan. Mollahs et chefs de tribus, qui font figures d’autorité dans les villages, ont progressivement été intégrés au processus. « Sur les 1 500 combattants talibans encore actif, nous attendons que plus de 300 d’entre eux se rendent dans les semaines à venir. C’est véritablement la fin du mouvement taliban. Nous avons fait du bon travail, mais ça n’est pas encore terminé », confie Ramatullah Mansour.

Les Américains, engagés depuis fin 2001 dans une traque sans relâche des fondamentalistes, participent activement à ce mouvement. « Nous avons pour ça changé notre façon de travailler en Afghanistan », précise Juanita Chang, porte-parole de Salerno, la principale base américaine sur la frontière pakistanaise, située dans la province de Khost. En ville, les GI’s sont en effet beaucoup plus tranquilles qu’il y a un an. Fusil-mitrailleur à l’épaule, ils prennent la peine de parler avec la population et ne se comportent plus en terrain conquis en braquant leurs armes sur les Afghans. Ils font un travail humanitaire, aident à la reconstruction d’écoles, de puits ou de dispensaires et savent désormais que la paix en Afghanistan s’acquiert également avec une attitude généreuse et non, comme avant, avec un comportement belliqueux.

Au poste-frontière de Gulbakhan, les militaires afghans s’apprêtent à partir en patrouille. Le mois dernier, plusieurs obus ont été tirés sur leur camp, sans faire de dégât. Depuis, ils ont recommencé à quadriller la frontière, mais ils n’ont arrêté personne. « Ce sont les derniers sursauts des rebelles. Ils savent qu’ils ne parviendront plus à récupérer le pays, alors ils mènent des actions désespérées », avance en souriant le commandant du camp installé au sommet d’une montagne qui domine le Pakistan, avant d’ajouter : « Nous distribuons régulièrement des tracts dans les villages, pour faire connaître ce processus de réconciliation. Il y a aussi des appels à la radio. Certains sont déjà venus se renseigner, ici même, et nous leurs avons dit qu’il pouvaient regagner leur village s’ils le souhaitaient et participer enfin à la reconstruction de leur pays ».


par Eric  de Lavarène

Article publié le 01/03/2005 Dernière mise à jour le 01/03/2005 à 16:19 TU

* Abdul Hakim Moudjahed, ancien envoyé spécial auprès des Nations unies, Arsallah Rahmani, ancien vice-ministre de l’Éducation, Rahmatullah Wahidyar, ancien vice-ministre des réfugiés et Habibollah Fawzi, ancien premier secrétaire à l’ambassade d’Afghanistan au Pakistan.