Afghanistan
La fin des Taliban ?
(Photo : Véronique de Viguerie)
Ramatullah Mansour appartient au Conseil des ethnies de Khost. Ancien taliban, il ne se déplace pas sans ses gardes du corps, qui ont longtemps combattu à ses côtés lorsque les étudiants en théologie tenaient l’Afghanistan. Aujourd’hui réconcilié avec les autorités de Kaboul, Ramatullah Mansour mène une partie des pourparlers entre le gouvernement et les fondamentalistes, en vue d’une réhabilitation de ces derniers et « afin que cessent les hostilités », dit-il. Chef de tribu lui-même, affublé d’un long turban, l’homme affirme : « J’ai entendu l’appel du président Hamid Karzaï et je me suis dit qu’il était temps de retourner dans mon pays, de déposer les armes et de m’engager dans ce processus de paix ».
Début 2002, à l’approche des soldats américains, le mollah Mansour avait fui au Pakistan avec ses hommes pour s’établir à Miranshah, petite ville de la zone tribale semi-autonome du Waziristan, contre la frontière afghane. « Je ne savais pas si je pouvais totalement faire confiance aux forces de la Coalition et au gouvernement, mais comme beaucoup d’anciens Taliban, j’en avais marre de me cacher pour échapper aux militaires pakistanais et je souhaitais revenir en Afghanistan. J’ai pris ce risque. Désormais, je fais régulièrement la navette entre Kaboul, Khost et Miranshah, afin de permettre la réintégration des anciens combattants taliban. »
Engagé secrètement depuis octobre 2003, ce processus commence à porter ses fruits. Acculés, de moins en moins nombreux, fatigués, les Taliban seraient tout prêts de déposer leurs armes et de retourner dans leurs villages. Déjà, mi-février, quatre personnages de « rang intermédiaire »* ont fait allégeance aux autorités afghanes, soulignant qu’après eux, plusieurs dizaines de leurs hommes allaient également se rendre. « Ce que nous ne pouvions entrevoir au début de la guerre survient enfin. Au contraire, nous pensions que la présence de militaires étrangers en terre afghane allait entraîner la venue de milliers de jihadistes, prêts à se battre contre les infidèles. Ce qui arrive aujourd’hui est très encourageant pour l’avenir du pays », confie un expert des Nations unies.
Rencontres discrètes au plais présidentiel
Sur la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan dans la région de Khost sur le district de Tani. Dans cette région, chère aux fondamentalistes, tous les hommes sont des taliban reconvertis. (Photo : Véronique de Viguerie) |
Les Américains, engagés depuis fin 2001 dans une traque sans relâche des fondamentalistes, participent activement à ce mouvement. « Nous avons pour ça changé notre façon de travailler en Afghanistan », précise Juanita Chang, porte-parole de Salerno, la principale base américaine sur la frontière pakistanaise, située dans la province de Khost. En ville, les GI’s sont en effet beaucoup plus tranquilles qu’il y a un an. Fusil-mitrailleur à l’épaule, ils prennent la peine de parler avec la population et ne se comportent plus en terrain conquis en braquant leurs armes sur les Afghans. Ils font un travail humanitaire, aident à la reconstruction d’écoles, de puits ou de dispensaires et savent désormais que la paix en Afghanistan s’acquiert également avec une attitude généreuse et non, comme avant, avec un comportement belliqueux.
Au poste-frontière de Gulbakhan, les militaires afghans s’apprêtent à partir en patrouille. Le mois dernier, plusieurs obus ont été tirés sur leur camp, sans faire de dégât. Depuis, ils ont recommencé à quadriller la frontière, mais ils n’ont arrêté personne. « Ce sont les derniers sursauts des rebelles. Ils savent qu’ils ne parviendront plus à récupérer le pays, alors ils mènent des actions désespérées », avance en souriant le commandant du camp installé au sommet d’une montagne qui domine le Pakistan, avant d’ajouter : « Nous distribuons régulièrement des tracts dans les villages, pour faire connaître ce processus de réconciliation. Il y a aussi des appels à la radio. Certains sont déjà venus se renseigner, ici même, et nous leurs avons dit qu’il pouvaient regagner leur village s’ils le souhaitaient et participer enfin à la reconstruction de leur pays ».
par Eric de Lavarène
Article publié le 01/03/2005 Dernière mise à jour le 01/03/2005 à 16:19 TU