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Changements climatiques

Blair, médiateur

Tony Blair se pose en rassembleur de la lutte contre les changements climatiques.(Photo : AFP)
Tony Blair se pose en rassembleur de la lutte contre les changements climatiques.
(Photo : AFP)
En tournée en Australie et en Nouvelle-Zélande, Tony Blair propose de rechercher un accord avec les pays qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre et qui ne sont pas dans le Protocole de Kyoto. Il demande aux Etats-Unis, à la Chine et à l’Inde d’entrer dans ce nouveau système, afin d’établir « un cadre plus réaliste » à la lutte contre les changements climatiques.

En se rendant en Australie, Tony Blair, le Premier ministre britannique, le savait : ce pays, comme les Etats-Unis, a finalement refusé de ratifier le Protocole de Kyoto. Ce traité international, signé en 1997, impose aux pays industrialisés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de les ramener, en 2012, à leur niveau de 1990. Le but est de freiner le réchauffement de la planète et de moins rejeter dans l’atmosphère de gaz carbonique, principal accusé des changements climatiques.

Si les Etats-Unis et l’Australie ont refusé de s’engager à mettre en œuvre concrètement les objectifs du Protocole, ces deux pays ne se sont pas retirés de la Convention climat, signée en 1992 à Rio. Et il y a quelques mois, pour répondre aux attentes de leurs opinions publiques, inquiètes de la montée des catastrophes naturelles, dues probablement aux effets du réchauffement, ces pays ont mis en place une nouvelle structure pour essayer de lutter à leur manière contre le réchauffement de la planète.

Ils étaient six, à cette réunion de Sydney, en janvier dernier, à décider qu’ils allaient prendre leurs propres initiatives pour freiner leurs rejets dans l’atmosphère (Etats-Unis, Australie, Inde, Chine, Japon et Corée du Sud). A travers sa visite, Tony Blair cherche à jouer les intermédiaires entre ces six pays et les autres, qui ont adhéré au système de lutte organisé depuis le début dans le cadre des Nations unies. A Canberra, le Premier ministre britannique a donc commencé par dire que toutes les initiatives visant à lutter contre le réchauffement de la planète auraient, ensemble, un effet bénéfique sur l’environnement et dans le monde des entreprises. Se positionnant comme l’ambassadeur du Protocole de Kyoto, Tony Blair a déclaré : « Je pense que ces initiatives actuelles allant toutes dans la même direction constituent un signe positif, et non pas négatif. Nous ne considérons en aucune manière qu’il s’agit d’une initiative dirigée contre nous ».

La Grande-Bretagne, bonne élève

Le Premier ministre britannique est particulièrement bien placé pour prendre ce genre d’initiative. Son pays est traditionnellement un allié des Etats-Unis. Et contrairement à de nombreux pays industrialisés, la Grande-Bretagne est bien partie pour remplir les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto. Elle doit réduire ses émissions de 12,5% d’ici six ans, pour revenir au niveau de référence de 1990. « Non seulement nous atteindrons (l’objectif de Kyoto), mais nous sommes en course pour faire bien mieux dès 2010 », indiquait, à Londres, la ministre britannique de l’Environnement, au moment où le chef de son gouvernement jouait les intermédiaires en Australie. En principe, les Britanniques ont décidé de faire mieux que le Protocole en réduisant plus fortement leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais l’objectif d’une diminution de 20% à l’échéance prévue ne sera certainement pas atteint. La ministre, Margaret Beckett, a cependant expliqué qu’elle n’avait pas l’intention de renoncer à cet objectif plus ambitieux. Pour y parvenir, les industries se verront imposer de nouvelles réductions de leurs émissions. La réglementation dans la construction devrait changer, les biocarburants seront encouragés et la lutte contre le gaspillage de l’énergie va s’accentuer.

Auréolé de cette image positive, le Premier ministre britannique se pose en rassembleur de la lutte contre les changements climatiques. Avec l’expérience de son pays, il a des politiques concrètes à proposer à ces partenaires, ceux qui se sont retirés du Protocole, comme les Etats-Unis et l’Australie, et aux autres, non concernés par ce traité, notamment la Chine et l’Inde dont les émissions de gaz à effet de serre explosent en raison de leur spectaculaire croissance économique. « La Grande-Bretagne n’est pas le pays dont l’avenir décidera du sort de la planète et du climat », a déclaré Tony Blair au cours de sa conférence de presse en Australie, relativisant l’importance des efforts faits par son pays par rapport à l’ensemble des émissions. « Tout dépend de la Chine, de l’Inde et de l’Amérique, ainsi bien sûr que des Européens et du Japon et d’autres pays comme l’Australie. C’est complètement irréaliste de dire que l’on peut avoir un accord sur le changement climatique sans impliquer la Chine et évidemment l’Amérique, et l’Inde ».

Les Etats-Unis et l’Australie avaient refusé de signer le Protocole de Kyoto parce que les pays en développement n’étaient pas soumis à des obligations de réduction de leurs émissions. Le blocage avait été provoqué  par le prévisible développement de pays émergents comme la Chine et l’Inde. Leurs émissions de gaz à effet de serre, suivant leur croissance, allaient s’envoler. La communauté internationale n’avait pas demandé à ces pays de s’engager, puisqu’ils n’étaient pas responsables de la pollution. Depuis, ces pays ont commencé à freiner la dégradation de leur environnement. Ils pourraient être sensibles à l’appel rassembleur de Tony Blair. Le face à face semble également moins tranché qu’il y a une dizaine d’années entre les pays riches, soumis à des efforts, et les pays émergents. Car depuis cette négociation, ces derniers ont marqué des points économiques décisifs.

Rassembler tous les gros pollueurs

« Je ne veux pas avoir sur la conscience le fait qu’on nous avait dit quel était le problème, que nous n’avons rien fait et que mes enfants et leurs enfants ont fini par devoir vivre avec les conséquences (du réchauffement de la planète) », a encore estimé Tony Blair. Le Protocole de Kyoto arrive à échéance en 2012. Les pays industrialisés se sont engagés à réduire de 5% en moyenne leurs émissions. Comme la stratégie dans ce domaine se négocie à long terme, il faut anticiper sur l’après 2012 et chercher à rassembler dans une même stratégie les pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre.

Les Etats-Unis représentent le quart des émissions mondiales et toute politique efficace doit les impliquer dans le processus. En juillet 2005, le G8 de Gleneagles avait montré un léger frémissement de la position américaine. Les Etats-Unis sont d’ailleurs encore dans la négociation climat car ils sont restés dans la Convention de 1992. Les experts estiment que bien avant l’échéance, l’élection présidentielle de 2008 va peser sur la politique américaine concernant le climat.

Pour le moment, Tony Blair cherche à créer des passerelles entre les pays signataires du Protocole de Kyoto et les autres, qui se sont concertés il y a quelques mois en Australie, où le Premier ministre britannique vient de jouer le médiateur. « J’estime que nous ne pouvons pas attendre cinq ans (l’échéance du Protocole) pour avoir un nouvel accord. Je pense que nous devons l’établir plus rapidement », avait-il déclaré lors de sa précédente étape en Nouvelle-Zélande. « Cet accord doit avoir pour noyau de stabiliser le réchauffement climatique », a encore déclaré Tony Blair, estimant que le prochain G8, en juillet, à Saint-Pétersbourg, présente une opportunité de dialogue, comme le G8 élargi qui se tiendra à Mexico en septembre.

Des cyclones plus forts et plus fréquents notamment Katrina qui a touché la Louisiane l’été dernier, le tsunami sur l’Asie de l’hiver 2005, ces évènements climatiques ont fait basculer une partie des sceptiques dans le camp des inquiets. « Il faut admettre que la science est suffisamment claire et, selon moi, établit clairement qu’il serait absolument irresponsable de ne pas agir », a encore déclaré Tony Blair. Distillant ses idées au cours de ses étapes en Nouvelle-Zélande et en Australie, le chef du gouvernement britannique a encore fait cette analyse : « Je pense que ce qui est intéressant, selon moi, dans différentes régions du monde, c’est que la question de l’énergie nucléaire fait son retour sur le devant de la scène. Et c’est une grande partie des discussions que nous avons dans notre pays, dans le reste de l’Europe et du monde », a encore indiqué le Premier ministre britannique. Il y a quelques semaines, il avait indiqué que la Grande-Bretagne allait prendre « une décision difficile », c’est-à-dire recourir au nucléaire pour faire face aux besoins énergétiques de son pays et parce que cette filière n’émet pas de gaz à effet de serre. Les Etats-Unis ont fait la même annonce, mais aucun gouvernement n’a encore pris la décision très politique de programmer la construction de nouvelles centrales.      


par Colette  Thomas

Article publié le 29/03/2006 Dernière mise à jour le 29/03/2006 à 17:13 TU