Europe/Etats-Unis
Le nucléaire iranien au cœur de la tournée de Rice
(Photo : AFP)
Quelques heures avant son départ pour l’Europe, Condoleezza Rice estimait devant une commission du Sénat américain que « l’Iran représente la principale menace » pour le monde à l’heure actuelle. C’est dire l’importance que revêt, aux yeux de Washington, cette tournée en Europe de la secrétaire d’Etat américaine consacrée essentiellement à l’épineux dossier du programme nucléaire de Téhéran. « Pendant cette tournée, a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Condoleezza Rice consultera des alliés européens clés sur une série de défis communs, y compris l'Iran, auxquels les Etats-unis répondent avec leurs partenaires transatlantiques. »
Le programme iranien, officiellement à usage civil, est soupçonné par la communauté internationale de dissimuler un volet militaire. Mercredi soir, en dépit des divergences au sein des cinq membres permanents, le Conseil de sécurité des Nations unies, qui examine l’affaire depuis le 8 mars, a adopté à l'unanimité une déclaration donnant 30 jours à Téhéran pour suspendre son programme d'enrichissement de l'uranium. A ce stade, la déclaration n'est assortie d'aucune menace. La Russie et la Chine, deux des cinq membres permanents dotés d’un droit de veto - et partenaires économiques importants de l’Iran - ont toujours, jusqu'à présent, refuser de menacer Téhéran de sanctions, tandis que les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne sont favorables à une approche plus ferme.
Moscou maintient la pression
En début de semaine, des diplomates avaient fait état de progrès après l’atténuation de certains passages du texte visant à donner à Téhéran un certain délai pour se conformer à ses obligations à l’égard de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), notamment en cessant toute activité liée à l’enrichissement d’uranium. Le projet demandait notamment au directeur de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, de faire rapport au Conseil des gouverneurs de l'AIEA « et parallèlement » au Conseil de sécurité, dans les 30 jours après l'adoption du texte, sur la manière dont l'Iran aura appliqué ses dispositions. Selon l’ambassadeur américain à l’ONU John Bolton, les membres du Conseil tentaient « de trouver un accord pour faciliter la tâche des participants à la réunion de Berlin. »
C’est en effet dans la capitale allemande, la première étape de Condoleezza Rice avant Paris et Londres, que le dossier iranien sera au centre des débats. Outre une rencontre avec la chancelière Angela Merkel, elle participera à un déjeuner des ministres des Affaires étrangères des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, auxquels se joindra leur homologue allemand, Frank-Walter Steinmeier. Même s’il n’est pas question, pour les Etats-Unis, d’imaginer que ce rendez-vous puisse en lui-même aboutir à dénouer la crise, il pourrait déboucher sur des progrès. Il s’agit en tout cas, selon une source diplomatique onusienne, d'exprimer « les graves préoccupations de la communauté internationale mais aussi son unité » dans son approche envers l'Iran.
En attendant, Moscou maintient la pression en renouvelant son opposition à toute menace de sanctions. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré mercredi que tout « règlement par la force ou la contrainte » du dossier nucléaire iranien serait « extrêmement contre-productif ». Pékin semble plus conciliant : un porte-parole chinois voit dans la rencontre de Berlin « un élément important des efforts de la communauté internationale pour résoudre correctement la question nucléaire iranienne à travers la négociation ».
« Un sujet cher au président Chirac »
A Paris, Condoleezza Rice ne manquera pas d’évoquer, avec le président français Jacques Chirac, la crise du nucléaire iranien et de dresser un premier bilan du rendez-vous berlinois. Mais c’est surtout du Proche-Orient qu’il sera question, après les élections israéliennes et palestiniennes. Les relations entre la Syrie et le Liban prendront aussi une place importante dans les entretiens, Washington et Paris étant d’accord sur une ligne de fermeté face à Damas. C’est « un sujet cher au président Chirac », a précisé un diplomate du département d’Etat.
Enfin, selon le porte-parole du Quai d'Orsay, Jean-Baptiste Mattéi, pourraient également être abordés les dossier de l'Ukraine à la suite des élections législatives de dimanche et de la Biélorussie après la réélection contestée du président Alexandre Loukachenko, dont Mme Rice a déclaré mardi qu’il était « en dessous de tout comparé à tout autre gouvernement en Europe. »
Troisième et dernière étape de la secrétaire d’Etat américaine, la Grande-Bretagne. Outre l’examen des affaires diplomatiques, cette visite lui permettra de découvrir l’Angleterre profonde. Elle accompagnera le secrétaire au Foreign office Jack Straw à Liverpool et à Blackburn (nord-ouest de l’Angleterre), sa circonscription électorale. La diplomate américaine risque d’y être un peu chahutée ; des pacifistes ont prévu dans ces deux villes des manifestations contre la guerre en Irak. En octobre 2005, c’est le chef de la diplomatie britannique qui s’était rendu dans l’Amérique rurale à l’invitation de Condoleezza Rice. Il était allé en Alabama, Etat dont elle est originaire et qui venait d’être touché par l’ouragan Katrina.
par Philippe Quillerier
Article publié le 29/03/2006 Dernière mise à jour le 29/03/2006 à 17:50 TU