Proche-Orient
Le Hamas tente de desserrer l’étau international
(Photo: AFP)
La communauté internationale exerce des pressions de plus en plus fortes sur le nouveau gouvernement palestinien issu du Hamas afin qu’il réponde à ses trois principales exigences : renonciation à la violence, reconnaissance de l'existence d'Israël et respect des accords israélo-palestiniens précédemment signés. Considéré par les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) comme une organisation terroriste, le mouvement islamiste prône toujours officiellement la destruction de l’Etat hébreu.
Vendredi, franchissant un nouveau palier, l’UE a fait savoir qu’elle mettait à exécution sa menace de suspendre son aide à l’Autorité palestinienne, la décision devant être officialisée lundi, lors d’une réunion à Luxembourg des ministres des Affaires étrangères. L'aide annuelle de la Commission européenne aux Palestiniens est d'environ 250 millions d'euros par an. Quelque 250 autres millions sont par ailleurs versés directement par les Etats membres de l'UE.
Or, l’Autorité palestinienne affronte une profonde crise financière que le boycott international ne peut qu’aggraver. Israël, notamment, refuse de reverser au gouvernement Hamas 200 millions de dollars dus au titre des taxes et droits de douane sur les marchandises transitant sur son territoire. Le Premier ministre Ismaïl Haniyeh a reconnu mercredi que son gouvernement avait hérité de caisses vides et éprouvait des difficultés à payer les salaires des fonctionnaires. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a exprimé jeudi son inquiétude pour le système de santé palestinien, mettant en garde contre un « déclin rapide » qui pourrait mener à un « possible effondrement ».
« C’est un double langage »
Le déficit est tel que le ministre des Finances, Omar Abdelrazeq, a appelé jeudi à une aide d'urgence pour payer les salaires de mars et annoncé des mesures pour réduire les dépenses publiques « Nous attendons des aides de pays arabes, islamiques et amis. Nous avons reçu des promesses d'aide de près de 80 millions de dollars et j'espère qu'ils vont nous parvenir rapidement car nous n'avons pas d'argent pour payer les salaires. » Aussitôt après l’annonce de l’UE, qu’Israël s’est empressé d’approuver, le gouvernement palestinien qualifiait cette décision de « chantage », affirmant qu’elle ne le ferait pas plier.
Toutefois, par delà l’intransigeance officiellement affichée par le mouvement islamiste, quelques signes semblent trahir, depuis quelques jours, un léger infléchissement de ses positions à l’égard d’Israël. Mardi, le ministre palestinien des Affaires étrangères Mahmoud Zahar, également haut dirigeant du Hamas, évoquait, dans une lettre adressée à l’ONU et rendue publique par l’organisation internationale, une solution fondée sur « deux Etats ». Embarrassé, il démentait peu après, parlant d’une « erreur ».
Ce vendredi, dans un entretien publié par le quotidien britannique The Times, le même Mahmoud Zahar évoque, sous conditions préalables, l’éventualité d’un référendum sur la question de la reconnaissance d’Israël, et sur la possibilité de la coexistence de « deux Etats ». Hypothèse rapidement écartée par Shimon Peres, probable futur vice-Premier ministre israélien du gouvernement d’Ehud Olmert. « C’est un double langage. Il a dit d’abord qu’Israël devait accepter toutes les conditions du Hamas, et seulement après on est prêt à ouvrir le référendum. C’est un diktat, pas des négociations. »
Vendredi encore, le journal israélien Haaretz rapporte que le mouvement islamiste a proposé à Israël une trêve officieuse, le Hamas s’engageant à un arrêt des attaques aussi bien en provenance de sa branche armée que des autres groupes. En échange, les Israéliens s’abstiendraient de toute opération offensive en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza. Selon le journal, des responsables israéliens ont rejeté cette offre, transmise notamment par l'Egypte, et même si une trêve de facto est observée entre Israël et le Hamas depuis début 2005. Ces responsables politiques et militaires affirment qu'il s'agit d'une manœuvre destinée à gagner du temps et à permettre au Hamas, à l'heure où il fait face à de fortes pressions internationales, de se renforcer en attendant une confrontation future.
Vers une rencontre Olmert-Moubarak
Comment expliquer, en tout cas, ce qui apparaît comme des hésitations, voire parfois des maladresses ? S’agit-il d’un manque d’expérience, comme le laisse supposer cet autre faux pas de Mahmoud Zahar, annonçant mardi qu'il allait se rendre en mai en Chine avant d'essuyer, jeudi, un démenti de Pékin ? « Il y a eu une information peu claire. Il n'y a pas de projet de visite du ministre palestinien des Affaires étrangères Zahar », a corrigé le ministère des Affaires étrangères chinois.
Selon certains analystes, l’affaire de la lettre à l’ONU pourrait être un ballon d’essai destiné à tester les réactions palestiniennes et internationales. Pour d’autres, il s’agit de la manifestation d’une lutte d’influence entre durs et modérés au sein du Hamas. Selon le politologue palestinien Talal Okal, le mouvement islamiste est dans une position délicate. « Il est difficile pour le Hamas de faire un virage à 180 degrés rapidement , a-t-il expliqué à l’AFP. Il faut lui donner du temps. Il ne faut pas s'arrêter à ce que le Hamas dit, mais considérer ce qu’il fait. Il est le seul à respecter le cessez-le-feu depuis un an et le seul à avoir annoncé sa volonté de conclure une trêve de longue durée avec Israël. »
Ce cessez-le-feu, c’est sous les auspices de l’Egypte qu’il avait été négocié. Or le Premier ministre israélien par intérim Ehud Olmert et le président égyptien Hosni Moubarak ont annoncé jeudi qu'ils prévoyaient de se rencontrer une fois que le premier aurait formé son nouveau gouvernement.
par Philippe Quillerier
Article publié le 07/04/2006 Dernière mise à jour le 07/04/2006 à 16:30 TU