France-Côte d'Ivoire
Charles Konan Banny en VRP de la Côte d’Ivoire
(Photo : Cape)
Muni d’un opuscule de huit pages où son effigie en quadrichromie affiche «Les signes de l’espoir», le Premier ministre de transition, Charles Konan Banny, entend convaincre bailleurs de fonds et investisseurs de la capacité ivoirienne à consolider «la dynamique de paix», même si tout reste à faire en matière de désarmement ou d’enrôlement électoral. Charles Konan Banny rappelle donc «qu’il n’y a rien de pire qu’un programme en panne de financement en cours de route». Et de ses entretiens à Paris (10-13 avril), avec le président Jacques Chirac, les ministres de l’Economie et des Finances, Thierry Breton, ou de la Défense, Michèle Alliot-Marie, l’ancien banquier retient surtout l’engagement de la France à le soutenir auprès des bailleurs de fonds internationaux et du Conseil de sécurité, où il va rendre compte le 27 avril, avant de pousser la porte, début mai, de la Banque européenne d'investissement.
«La Côte d’Ivoire a de l’avenir», d’ailleurs, «son VRP lui-même est attractif», sourit Charles Konan Banny, balayant toute éventuelle dénégation de ses rondeurs épanouies. Reste pour le Premier ministre désigné le 4 décembre dernier à réunir les moyens financiers capables de «rendre le processus de paix irréversible». Il s’agit en particulier de démarrer enfin les coûteux programmes de désarmement-démobilisation-réinsertion (DDR), de redéploiement de l’administration sur l’ensemble du territoire et d’identification des habitants de Côte d’Ivoire, avant l’enrôlement des électeurs.
«Les ressources de la Côte d'Ivoire ne permettent pas de faire face» à la totalité de ses dépenses. Mais, Charles Konan Banny assure avoir «un engagement fort de la communauté internationale de nous accompagner, quels que soient les chiffres, étant entendu que nous sommes des gens sérieux qui ne feront pas de surenchère». A l’entendre, le Premier ministre ne doute pas de la validité des promesses internationales. S’il prend son bâton de pèlerin pour faire le tour des donateurs, c’est donc sans doute pour faire valider son propre bilan, celui de ses premiers mois sur la route censée conduire les Ivoiriens aux urnes, d’ici le 31 octobre prochain, conformément à la feuille de route internationale.
Possibles arrangements avec le calendrier électoral
A propos de l’échéance électorale, Charles Konan Banny travaille, dit-il, en fonction du mandat à durée déterminée qui lui a été confié. Certes, il a «une obligation de résultats, mais à chaque jour suffit sa peine» et le Premier ministre se déclare «sans fétichisme» quant à la date de présidentielle déjà reportée d’une année. «Je ne suis ni naïf, ni Dieu», poursuit-il. Il hésiterait à mettre en jeu sa «crédibilité» en certifiant l’échéance d’octobre sûre et certaine. En clair, de petits arrangements avec le calendrier sont toujours possibles, pour peu que les Ivoiriens fassent preuve de bonne volonté. Ce n’est pas à Charles Konan Banny d’en décider, mais c’est sans aucun doute à lui de faire valoir les avancées de son gouvernement, en matière de désarmement et de recensement électoral en particulier
L’opuscule abondamment distribué par ses services portent différents «actes de confiance» au crédit du Premier ministre. Il relève pour principal fleuron de son premier bilan la table ronde du 28 février dernier. Elle avait réuni, à Yamoussoukro, les «cinq grands protagonistes de la crise», lui-même, le chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, l’ancien président Henri Konan Bédié, l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara et le chef politique des Forces nouvelles, Guillaume Soro. A son crédit aussi, «la signature d’une convention d’un montant de 22 milliards de francs CFA», le 17 février dernier, avec la Commission européenne.
Au chapitre des avancées, le document pointe aussi la reprise du dialogue entre les états-majors des forces gouvernementales et des ex-rebelles, le 1er avril. Il affiche également la «détermination d’un gouvernement solidaire» qui s’est enfin retrouvé au complet, sur un plateau de télévision, pour célébrer les 100 premiers jours du Premier ministre. Quant aux «pesanteurs», qui empêchent depuis trois ans le démarrage des opérations de désarmement et d’identification, elles sont imputées «pour partie, à la personnalisation des débats».
Redevenir un pays sans armes
En finir avec l’insécurité, c’est-à-dire, «redevenir un pays sans armes» permettrait de «restaurer la confiance» des investisseurs et des bailleurs de fonds, mais aussi celle des Ivoiriens entre eux. «Tous ceux qui se battent ne sont pas des militaires et tous ne seront donc pas intégrés dans l’armée régulière», explique Charles Konan Banny pour qui «l’insécurité provient, au fond, de la pauvreté grandissante» qui concerne les jeunes au premier chef, les incitant à entrer dans les milices et les groupes d’autodéfense. Attaquer le mal à la racine, dit-il, «c’est réfléchir à des solutions structurelles pour que des opportunités soient données aux jeunes».
Charles Konan Banny veut le croire, «cette fois, le désarmement va se faire». De passes d’armes en retard, le Premier ministre note «des acquis matériels et psychologiques, surtout du côté des militaires qui ont signé des accords». L’identification des électeurs traîne elle-aussi en longueur. Mais «elle doit être incontestable» et requiert donc méthode et technologie. Au total, refusant de se prononcer sur de quelconques ingérences étrangères, le Premier ministre «acceptable par tous» estime que la Côte d’Ivoire est essentiellement en proie à des démons internes, qui ont provoqué «une crise de société et une crise de confiance».
Selon Charles Konan Banny, le défi, c’est d’aider les Ivoiriens «à retrouver leur cohésion et leurs repères dans une société conviviale et fraternelle qui a déjà existé». Encore faut-il que chacun puisse trouver sa place dans une Côte d’Ivoire enfin retombée sur ses pieds. Charles Konan Banny s’en fait le voyageur de commerce, se prévalant d’une accalmie qu’il s’agit de confirmer dans la durée.
par Monique Mas
Article publié le 12/04/2006 Dernière mise à jour le 12/04/2006 à 19:48 TU