Côte d’Ivoire
Reprise d’un dialogue militaire
(Photo : AFP)
Le choix du lieu n’était pas anodin : la ville de Yamoussoukro, d’où est originaire le Premier ministre, Charles Konan Banny. C’est lui qui a visiblement impulsé cette reprise des discussions entre chefs militaires. Pas anodin non plus, le choix de la Fondation Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro. Ce centre de conférence, en marbre et de verre, se veut imprégné de «l’esprit» de l’ancien dirigeant ivoirien, «un esprit de paix», selon les termes employés par Charles Konan Banny à l’ouverture de la réunion.
Il est 11 heures lorsque le Premier ministre fait son entrée dans les lieux, accompagné des ministres de la Défense et de la Sécurité, ainsi que du général Gaston Ouassenan Koné, récemment nommé par le président de la République, coordonnateur du Programme national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (PNDDR). Dans la salle, sont présentes, côte à côte, la délégation des Forces de défense et de sécurité (FDS) dirigée par le général Philippe Mangou, et celle des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) emmenée par le général Soumaïla Bakayoko. Présents également, en simples observateurs, des représentants des troupes des Nations unies (ONUCI) et de la force militaire Licorne.
La dernière rencontre de ce genre remonte au mois de mai 2005. Les différentes parties armées de la crise ivoirienne avaient signé un «chronogramme d’actions pour la refondation et la restructuration de l’armée». Un accord jamais appliqué.
Le début d’un dialogue politique
Depuis, il y a eu, entre autres, la nomination de Charles Konan Banny, en décembre dernier. Le nouveau chef du gouvernement a essayé de remettre sur les rails, un processus de règlement de la crise. Renouer le dialogue entre les parties opposées.
Le volet politique a été marqué par la rencontre organisée le 28 février dernier, à l'initiative du Premier ministre. Autour d’une même table, s’étaient assis les principaux protagonistes : le président de la République Laurent Gbagbo, le leader des Forces nouvelles Guillaume Soro, et les deux chefs de l'opposition, l'ex-chef d'Etat Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara.
Un pas supplémentaire a été accompli avec l’acceptation par Guillaume Soro de venir à Abidjan, le 14 mars dernier. Pour la première fois depuis seize mois, le chef de la rébellion acceptait de participer au Conseil des ministres. Il s’agit d’une «évolution positive du processus de paix», avait alors commenté le président de la République. Laurent Gbagbo considérait également que «la guerre est finie, mais la crise, conséquence de la guerre continue et doit être jugulée avec la participation de tous».
La participation des militaires
«La participation de tous»… cela doit inclure les forces armées. C’est donc l’étape supplémentaire du dialogue qui se rétablit. Et cette étape a été franchie ce week-end, grâce à la rencontre, à Yamoussoukro, des chefs des différents états-majors.
S’adressant aux délégations des forces loyalistes et des rebelles, le Premier ministre a insisté sur la nécessaire marche vers la paix et la réconciliation : «votre présence est la manifestation concrète de votre volonté commune d’aller à la paix (…) Ayez conscience que vous êtes frères, et plus encore, des frères d’armes ». Après la séance d’allocutions, les deux délégations se sont retrouvées à huis clos. Que s’est-il dit, loin des micros ? Rien n’a filtré, seulement un communiqué commun transmis aux journalistes. Le communiqué, co-signé par les généraux Philippe Mangou pour les FDS-CI et Soumaïla Bakayoko pour les FAFN indique que «les chefs d’états-majors se retrouveront le mardi 4 avril à Bouaké pour le début des travaux».
Cette réunion a donné lieu à de nombreuses analyses et commentaires dans la presse ivoirienne. Le quotidien Le Nouveau réveil évoque de «chaleureuses retrouvailles (…) dans une atmosphère conviviale et détendue». Le Patriote se félicite «qu’après dix mois de rupture, les belligérants de la crise ivoirienne (aient) décidé de se parler à nouveau, de regarder dans la même direction et d’aller, ensemble, à la paix. Il était temps». Pour sa part, le journal Fraternité Matin insiste sur les propos du Premier ministre qui a précisé que «la route de la paix passe par le désarmement, la démobilisation et la réforme de l’armée».
Le chantier est de taille. D’autant qu’une sortie de crise passe également par un processus d’identification des populations en vue de l’établissement des listes électorales. Alors, faut-il désarmer avant de recenser les populations ou faire l’inverse ? Les clivages entre les partisans de Laurent Gbagbo et les rebelles persistent sur ce point crucial. Il faudra bien que les militaires, d’une part, et les hommes politiques, d’autre part, parviennent trouver un terrain d’entente pour donner un réel crédit au dialogue qu’ils semblent vouloir rétablir.
par Olivier Péguy
Article publié le 03/04/2006 Dernière mise à jour le 03/04/2006 à 18:39 TU