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Agriculture

OGM : la résistance des Européens

Des études scientifiques supplémentaires devraient rassurer certains pays membres, toujours opposés à la culture des OGM, et notamment à celle du maïs.(Photo: 2003-2005 image*after)
Des études scientifiques supplémentaires devraient rassurer certains pays membres, toujours opposés à la culture des OGM, et notamment à celle du maïs.
(Photo: 2003-2005 image*after)
La Commission de Bruxelles annonce un renforcement des études scientifiques avant la mise sur le marché de plantes génétiquement modifiées. Plusieurs Etats membres de l’Union européenne conservent une attitude prudente face aux organismes génétiquement modifiés en agriculture. Peu sont prêts à les voir arriver dans leur assiette tandis que de grands pays agricoles concurrents se sont lancés sans a priori dans ces cultures nouvelles.

Avant d’autoriser la culture de plantes génétiquement modifiées en Europe, il y  aura des études scientifiques supplémentaires. La Commission de Bruxelles vient de le décider pour répondre à l’inquiétude d’un grand nombre de pays membres. « Nous voulons augmenter la confiance des Etats membres et de l’opinion publique dans la procédure d’autorisation des OGM », a déclaré Philip Tod, le porte-parole du commissaire européen à la Santé, Markos Kyprianou. Deux associations écologistes, Greenpeace et les Amis de la Terre, se sont immédiatement félicités de ce « pas positif » de la Commission. Ces organisations en ont profité pour demander plus à l’instance dirigeante des 25. Ces associations voudraient que des autorisations données pour commercialiser des produits génétiquement modifiés en Europe soient également revues, qu’elles entrent dans le champ de ces études complémentaires. Car si la culture de plantes OGM n’est toujours pas entrée dans les faits sur le sol européen, la fin du moratoire, en 2004, a donné lieu à plusieurs autorisations de commercialisation. Il s’agit essentiellement de maïs génétiquement modifié, destiné soit à l’alimentation du bétail, soit à la consommation humaine. En tout, 10 variétés sont concernées. La Commission a répondu non aux associations écologistes sur ce point. 

Une agence gagnée à la cause de la Commission

Les ministres européens de l’Environnement sont globalement toujours réservés sur l’arrivée des OGM en agriculture. Lors de leur dernière réunion, en mars, plusieurs d’entre eux avaient reproché à l’organisme chargé de donner le feu vert aux mises en culture de dire systématiquement oui à chaque demande. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a, jusqu’à présent, toujours autorisé la culture de plantes OGM à l’intérieur de l’Union européenne. Le problème s’est encore rarement posé depuis la fin du moratoire. Mais, sur le principe, les ministres n’acceptent pas que l’agence européenne ne tienne pas compte de l’avis des agences nationales : plusieurs d’entre elles ont donné une réponse négative à ce desserrage de la position européenne.

En décidant de renforcer les études avant la mise en culture de plantes OGM, la Commission de Bruxelles demande donc à cette toute jeune agence européenne, créée en 2002 et installée à Parme, au nord de l’Italie, de « détailler les raisons pour lesquelles elle rejette les objections scientifiques des autorités nationales ». Les missions de l’agence sont renforcées. Désormais, elle devra également approfondir les risques potentiels des OGM sur le long terme pour la santé humaine. L’impact de ces cultures sur la biodiversité, sur les milieux naturels, devra également être étudié. Là encore les écologistes sont satisfaits car ce sont des recherches supplémentaires qu’ils souhaitaient.

L’EFSA avait déjà été mise en cause en 2004, au moment où le moratoire européen avait pris fin. Des scientifiques français avaient estimé que l’agence n’avait pas assez tenu compte d’une étude réalisée sur des rats. Un maïs génétiquement modifié mis au point par la firme américaine Monsanto avait eu des effets négatifs sur leur santé.

Des clauses de sauvegarde bien pratiques

Pour Bruxelles, le renforcement des études scientifiques concernant l’impact des organismes génétiquement modifiés sur la santé humaine et animale, ne représente « qu’une amélioration pratique » de la législation européenne sur les OGM, déjà la plus stricte au monde. Si les chercheurs sont invités à faire plus et mieux, la demande de Bruxelles n’est cependant pas fondée sur la générosité pour préserver la santé des habitants de l’Union. En fait, un camp d’irréductibles composé de six pays (Allemagne, Autriche, France, Grèce, Hongrie et Luxembourg) joue la prudence pour répondre à l’inquiétude des opinions publiques face à l’arrivée des OGM dans leur assiette. Ce groupe, depuis la fin du moratoire censé préserver de toute trace intempestive d’OGM dans l’alimentation, a fait jouer des clauses de sauvegarde. Elles contraient le feu vert donné par la Commission à l’arrivée de certains maïs ou colza génétiquement modifiés. L’argument mis en avant était le contenu de nouvelles études mettant toujours en doute l’innocuité de ces nouvelles substances.

L’EFSA avait réagi à ces interdictions déguisées en les jugeant scientifiquement infondées, estimant « qu’il n’y a aucune raison de croire que la mise sur le marché des cinq OGM étudiés est susceptible de causer des effets négatifs sur la santé humaine, animale ou sur l’environnement ». Car entre temps, l’agence avait donné un avis positif à trois variétés de plantes génétiquement modifiées, une pomme de terre et deux variétés de maïs.

En début de semaine, l’Autriche, dans le camp des opposants et dirigeant actuel de l’Union, relançait la bataille contre ces autorisations. Le ministre autrichien de l’Agriculture, Josef Pröll, jugeait « incompréhensible » la levée des interdictions, reprochant à l’EFSA son feu vert. Il pourrait permettre à la Commission d’essayer de passer en force. Le ministre autrichien a mis en avant un vote des ministres européens de l’Environnement de 2005. « Une majorité claire et démocratique » avait empêché toute évolution de la position européenne sur la culture d’OGM sur les terres de l’Union.

« Nous avons entendu les demandes pour plus de transparence dans l’évaluation scientifique», a encore indiqué le porte-parole du commissaire européen à la Santé. Car la Commission essaie de faire disparaître le blocage. Si les Etats sont à l’écoute de leur population, méfiants face aux OGM dans l’alimentation, Bruxelles est sous pression. En 2003, les Etats-Unis, le Canada et l’Argentine ont porté plainte devant l’Organisation mondiale du commerce, pour entrave à la concurrence. Le moratoire décidé unilatéralement par l’Union européenne était encore en vigueur et a, depuis, été levé. Mais les mesures de restrictions prises par plusieurs pays instaurent une sorte d’embargo sauvage sur l’importation d’OGM. L’OMC a rendu un avis assez compliqué sur la requête de ces trois grands pays agricoles non européens et cet avis devrait être éclairci dans les semaines à venir. Dans ce jugement de février dernier, la commission d’arbitrage ne condamnait pas totalement les mesures de restrictions européennes. Mais que ce soit en Amérique du Nord ou du Sud, en Chine ou en Inde, en Afrique, la montée des cultures génétiquement modifiées semble inexorable. L’Europe aura bien du mal à résister. 

Le 8 avril dernier, en France, en Italie, en Bolivie, et même aux Etats-Unis, des manifestations ont eu lieu pour protester contre l’utilisation des OGM en agriculture. Les opposants protestent contre ces manipulations génétiques qui consistent à insérer un gêne étranger dans une plante (pour lui donner des propriétés insecticides par exemple). L’opération pose peut-être problème pour l’environnement et pour la santé humaine. Les scientifiques n’ont pas tranché.

Devant l’opposition des Européens, les quelques groupes internationaux ayant mis au point des plantes OGM sont partis à la recherche de terres moins difficiles à conquérir. Ce nouveau type de plante n’est peut-être pas si facilement accepté. Le ministère mexicain de l’Environnement vient d’annoncer que du coton génétiquement modifié avait été planté illégalement dans l’Etat de Sonora. Le groupe américain Monsanto a pourtant une autorisation mais elle ne concerne pas cette zone du Mexique.


par Colette  Thomas

Article publié le 13/04/2006 Dernière mise à jour le 13/04/2006 à 17:07 TU