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Terrorisme

Témoignages posthumes contre Moussaoui

A la demande des familles de victimes, la juge Leonie Brinkema n'a autorisé la diffusion de l'enregistrement audio des 30 dernières minutes du vol 93 de United airlines que dans l'enceinte du tribunal.(Source : AFP)
A la demande des familles de victimes, la juge Leonie Brinkema n'a autorisé la diffusion de l'enregistrement audio des 30 dernières minutes du vol 93 de United airlines que dans l'enceinte du tribunal.
(Source : AFP)
L’accusation, qui réclame la peine de mort, a clos mercredi sa présentation des circonstances aggravantes en diffusant l’enregistrement sonore de la lutte entre passagers et pirates de l’air du vol 93 de United Airlines. L’appareil, qui devait sans doute être lancé contre le Capitole à Washington, s’est écrasé dans un champ de Pennsylvanie grâce à des passagers héroïques aux yeux des Américains. Leurs voix sont aujourd’hui devenues des témoins à charge contre celui qui revendique un rôle dans les attentats du 11-Septembre.

Voici l’un des drames que Zacarias Moussaoui a rendu possibles par son silence et ses mensonges. C’est le message adressé par l’accusation aux jurés du tribunal fédéral d’Alexandria (Virginie) chargé de dire si le Français doit être condamné à mort ou à la prison à vie pour complicité dans les attentats du 11-Septembre. En diffusant l’enregistrement audio des trente dernières minutes du vol 93 de la United Airlines qui devait, ce 11 septembre 2001, relier Newark, dans le New Jersey, à San Francisco en Californie, les procureurs fédéraux ont frappé un grand coup.

A la demande des familles des victimes, les seules à avoir déjà entendu les bandes-son, la juge Leonie Brinkema n’en a autorisé la diffusion que dans l’enceinte du tribunal, même si une version écrite à été distribuée à la presse. Il s’agit des échanges enregistrés dans le cockpit par l’une des boîtes noires du Boeing. Les procureurs ont fait projeter, en parallèle, un film d’animation représentant le parcours et les mouvements de l’avion. Une demi-heure qui a saisi d’émotion les jurés, le public et les journalistes, tandis que Zacarias Moussaoui restait impassible, souriant toutefois à de nombreuses reprises.

« Mesdames et Messieurs, ici le commandant, s'il vous plait asseyez-vous et restez assis. Nous avons une bombe à bord. » Ce sont les premières paroles du chef du commando, Ziad Jarrah, prononcées après avoir pris le contrôle du vol 93 de United Airlines, le dernier appareil qui allait s’écraser en Pennsylvanie (est), alors que les trois premiers venaient de percuter les deux tours du World Trade Center et le Pentagone.

Pirates armés de couteaux ou de cutters

Durant 32 minutes, le tribunal a entendu des cris, des supplications, des bruits de lutte ponctués d’injonctions en arabe : « Asseyez-vous, asseyez-vous ! Au nom d’Allah le miséricordieux ! ». « Je ne veux pas mourir », gémit une voix masculine, suivie peu après des hurlements d’une femme : « Pitié, pitié, ne me faites pas de mal, je ne veux pas mourir ». Un des pirates, qui dit ensuite en arabe « tout va bien, j’ai fini », vient probablement d’égorger les deux pilotes et une hôtesse.

Pendant le détournement, plusieurs passagers apprennent, grâce à leurs téléphones portables, que trois autres avions détournés se sont écrasés contre les tours jumelles et le ministère de la Défense. Ils décrivent à leurs interlocuteurs au sol les pirates armés de couteaux ou de cutters, et portant des bandanas rouges.

Certains passagers décident alors de résister et de tenter, pour reprendre le contrôle de l’appareil, d’entrer de force dans le cockpit en utilisant, en guide de bélier, un chariot de service des repas. « Faites-le rouler ! Si nous ne le faisons pas, nous allons mourir ! », ordonne quelqu’un, sans doute Todd Beamer, un homme devenu un mythe aux Etats-Unis pour ses derniers mots, « Let’s roll ! » (On y va !), souvent repris dans ses discours par le président Bush. Tandis que l’avion tangue de plus en plus violemment, et dans une grande confusion sonore, les pirates invoquent Allah. L’appareil plonge ensuite à la verticale. A 10h03, il s’écrase dans un champ isolé.

Mépris pour les victimes

Aux yeux des Américains, les 40 passagers et membres d’équipage du Boeing 757 sont des héros : par leur courage, ils ont épargné Washington, la capitale fédérale. Un film intitulé « Vol 93 » doit d’ailleurs sortir le 28 avril aux Etats-Unis. L’accusation a donc probablement marqué de nombreux points dans sa stratégie visant à obtenir la condamnation à mort de Zacarias Moussaoui. Selon les procureurs fédéraux, le prévenu, qui avait été arrêté quelques semaines avant les attentats, n’a pas révélé le complot terroriste. Il en est donc complice. Aidés dans leur démonstration par un Moussaoui à l’attitude suicidaire, tour à tour insultant, indifférent ou moqueur, et par plusieurs jours d’auditions poignantes de familles des victimes, ils rendent désormais la tâche de la défense extrêmement ardue.

A partir de ce jeudi, les avocats du Français prennent à leur tour la parole pour présenter les circonstances atténuantes qui, selon eux, doivent lui épargner l’injection létale et convaincre le jury d’opter pour la prison à perpétuité. C’est la seule alternative de ce procès, Moussaoui ayant plaidé coupable. Ce dernier aura le droit de s’exprimer. Si c’est, comme le 27 mars dernier, pour revendiquer à nouveau un rôle dans les attentats, s’en réjouir et manifester du mépris pour les victimes, la mission de ses avocats pourrait s’avérer impossible.


par Philippe  Quillerier

Article publié le 13/04/2006 Dernière mise à jour le 13/04/2006 à 17:11 TU