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France - Côte d'Ivoire

730 jours sans nouvelles du journaliste Kieffer

Le 16 avril 2004, Guy-André Kieffer est enlevé en plein centre d’Abidjan sur le parking d’un supermarché.(Photo : www.guyandrekieffer.org)
Le 16 avril 2004, Guy-André Kieffer est enlevé en plein centre d’Abidjan sur le parking d’un supermarché.
(Photo : www.guyandrekieffer.org)

16 avril 2004 – 16 avril 2006 : cela fait deux ans que le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer est introuvable. La dernière fois qu’il a été vu vivant, c’était à Abidjan. Depuis, ses proches se mobilisent pour que l’enquête progresse. Ainsi, ce rassemblement organisé ce dimanche à Paris. L’occasion de maintenir une forme de pression médiatique sur les autorités ivoiriennes et françaises, même si la famille de Guy-André Kieffer reproche à Paris et à Abidjan de «ne pas mettre beaucoup de bonne volonté» pour élucider cette disparition.


Sur le site internet consacré à la disparition de Guy-André Kieffer, un bandeau indique quotidiennement le nombre de jours écoulés depuis la disparition du journaliste. Et ce dimanche, c’est le chiffre 730. Cela fait très précisément deux ans que Guy-André Kieffer n’a pas donné signe de vie. Deux ans que ses proches, sa famille, se démènent pour savoir ce qui a pu advenir de celui qu’ils surnomment «GAK».

La dernière fois qu’il a été aperçu vivant, c’était le 16 avril 2004. L’homme se trouvait sur le parking d’un supermarché d’Abidjan. Ce journaliste de nationalité franco-canadienne, âgé de 54 ans, résidait en Côte d’Ivoire, où il travaillait en «free-lance», autrement dit, de manière indépendante. Il collaborait pour différentes publications dont le journal confidentiel consacré à l’Afrique, La Lettre du Continent. Spécialiste des matières premières, Guy-André Kieffer enquêtait entre autres, sur des malversations dans la filière cacao. La dernière personne à l’avoir vu vivant est Michel Legré, beau-frère de Simone Gbagbo, l’épouse du président ivoirien.

Deux enquêtes sont en cours, l’une côté français, l’autre côté ivoirien. Mais aucune de ces deux procédures n’a permis de déterminer précisément les conditions de la disparition de Guy-André Kieffer. Plusieurs personnes ont été interpellées, mais elles ont quasiment toutes été écartées des pistes de travail des enquêteurs. Michel Legré, inculpé en mai 2004 par la justice ivoirienne pour «complicité d’enlèvement» et «séquestration», et en octobre 2004 par la justice française pour les mêmes motifs, a passé plusieurs mois en prison, avant d’être relâché. Il se trouve actuellement en résidence surveillée à Abidjan. Le juge français Patrick Ramaël, chargé de l’enquête, a demandé à pouvoir interroger Michel Legré sur le sol français. Aucune réponse ne lui a été fournie.

«Une deuxième année d’opacité»

Les proches de Guy-André Kieffer ont le sentiment que l’enquête piétine. En cause : «la mauvaise volonté évidente de la présidence ivoirienne» et «la passivité jusqu’à présent déroutante de la diplomatie française», selon les termes de Bernard Kieffer, le frère du journaliste disparu. La famille de «GAK» a été reçu encore récemment par le ministre français des Affaires étrangères. Philippe Douste-Blazy a dit suivre cette affaire «avec la plus grande attention». Mais pour Bernard Kieffer, «Paris ne veut pas envenimer ses relations pour le moins complexes avec la Côte d’Ivoire.» Et de regretter «la passivité des autorités françaises (qui) confine à la complaisance». La femme de Guy-André Kieffer, Osange Kieffer, interrogée sur RFI, indique ne pas comprendre «pourquoi, en France, les politiques n’interviennent pas (dans ce dossier)».

Les reproches sont aussi adressés à l’encontre du régime ivoirien. Bernard Kieffer dénonce ainsi le «mur du silence» dressé, selon lui, par les autorités d’Abidjan, relevant que «des proches du couple présidentiel Gbagbo sont impliqués». Pour sa part, l’association de défense de la liberté de la presse, Reporters sans frontières, a fait paraître un communiqué à l’occasion du deuxième anniversaire de la disparition de Guy-André Kieffer. «Alors qu’une deuxième année d’opacité se termine, il est grand temps qu’Abidjan et Paris multiplient des efforts concrets dans cette affaire», indique ce communiqué.

En Côte d’Ivoire, la presse se fait relativement peu l’écho de cette disparition et de la lenteur de la procédure d’enquête. Le quotidien Fraternité Matin, dans son édition de ce samedi, a reproduit quelques extraits d’interviews du frère de Guy-André Kieffer, sous le titre «Kieffer : son frère accuse Paris et Abidjan». De son côté, Le Patriote a consacré plusieurs articles sur le sujet. Notamment un reportage sur «les déboires des journalistes» en Côte d’Ivoire. Pour ce journal, proche de l’opposition, «les journalistes ont souffert le martyr, sous Laurent Gbagbo. Quand ils ne sont pas tués, ils sont traqués, bastonnés». Et de rappeler que depuis le 16 avril 2004, «Guy-André Kieffer n’a plus donné souffle de vie».


par Olivier  Péguy

Article publié le 16/04/2006 Dernière mise à jour le 16/04/2006 à 15:41 TU

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Osange Kieffer

L'épouse du journaliste disparu en Côte d'Ivoire, Guy-André Kieffer

«Nous ne comprenons pas pourquoi en France les politiques n’interviennent pas [dans l’affaire de la disparition de Guy-André Kieffer].»

[16/04/2006]

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