Proche-Orient
La Jordanie claque la porte au nez du Hamas
(Photo : AFP)
Les autorités jordaniennes ont-elles trouvé un prétexte pour se tirer d’embarras, comme le laisse entendre le Hamas ? Ou bien le mouvement islamiste a-t-il organisé, ou couvert, la préparation en Jordanie d’actes violents, comme l’assure le gouvernement jordanien ? Dans un communiqué publié mardi, ce dernier a affirmé que les services de sécurité avaient « découvert récemment des armes très dangereuses, dont des missiles, des explosifs et des fusils-mitrailleurs chez un groupe du mouvement Hamas. » Les services jordaniens ont, en outre, décelé « plusieurs activités de membres du Hamas en Jordanie, notamment le recensement et la surveillance de lieux stratégiques à Amman et dans d'autres villes. »
Et le communiqué ajoute : « Il est malheureux que, alors que le gouvernement jordanien a montré des signes positifs (envers le Hamas), un groupe de ce mouvement ait introduit et stocké des armes en Jordanie. (…) Cela est en contradiction avec le caractère profond des relations jordano-palestiniennes et avec les assurances du nouveau gouvernement palestinien qu’il (...) n'utilisera pas la Jordanie pour porter atteinte à (sa) sécurité. » En conséquence, le porte-parole du gouvernement jordanien a annoncé que la visite, prévue ce mercredi, du ministre palestinien des Affaires étrangères Mahmoud Zahar était annulée « jusqu'à nouvel ordre, au vu des derniers développements et de la saisie de ces armes. »
Le Hamas dénonce une « provocation »
Mahmoud Zahar est actuellement en tournée dans la région. Il cherche des soutiens financiers pour renflouer les caisses de l’Autorité palestinienne, actuellement au bord de la banqueroute après le gel des aides financières des pays occidentaux, qui exigent du Hamas – considéré par eux comme un mouvement terroriste - la reconnaissance d’Israël. Le ministre devait arriver à Amman en provenance d’Arabie Saoudite, où il a pu obtenir une aide d’urgence de 90 millions de dollars. Il s’était rendu auparavant au Caire, où il a été boycotté par les autorités.
Interrogé dans la ville saoudienne de Djeddah, Mahmoud Zahar a réagi avec prudence. « Nos relations avec la Jordanie ne dépendent pas de l'annulation ou du report d'une visite », a-t-il dit, ajoutant qu'il ne pouvait pas « commenter les raisons » de ce report, et affirmant que « le Hamas ne stocke d'armes dans aucun pays arabe ». Le porte-parole du mouvement radical a été plus direct en dénonçant une « provocation ». « Nous rejetons et condamnons ces accusations (…) et confirmons qu'elles sont sans fondement », a déclaré à Gaza Sami Abou Zohri. « Nous regrettons cette déclaration et l'utilisation d'une telle méthode pour annuler à la dernière minute la visite du ministre des Affaires étrangères » issu du Hamas.
Un hôte encombrantCette affaire est survenue au lendemain de l’attentat suicide qui a fait 9 morts lundi à Tel Aviv. Revendiqué par le Jihad islamique, il n’a été condamné ni par le Hamas ni par le gouvernement palestinien, dont certains ministres ont même parlé d’un « acte d’autodéfense ». Il l’a été, en revanche, par Amman. Un communiqué du Hamas établit un lien de cause à effet et dénonce « les menaces israéliennes et les pressions américaines en raison du refus du Hamas de condamner l'opération ». Le Hamas, poursuite le texte, « regrette beaucoup que la Jordanie soit la seule partie arabe à se comporter vis-à-vis du mouvement et du gouvernement palestiniens de cette manière négative. »
La Jordanie a-t-elle agi sous la pression occidentale ? Y a-t-il eu, ou non, manipulation pour éviter d’avoir à accueillir un hôte encombrant ? En tout cas, les dirigeants jordaniens soutiennent, en privé, les efforts américains et européens pour exclure du jeu un Hamas jugé dangereux pour la stabilité régionale. Et la Jordanie, qui a signé en 1994 un traité de paix avec Israël, n’est pas la seule à avoir infligé un camouflet au ministre palestinien des Affaires étrangères. Même si le boycott égyptien du week-end dernier n’a été que partiel, le chef de la diplomatie palestinienne n’a été reçu ni par son homologue, qui a invoqué un « manque de temps », ni par le président Hosni Moubarak. En outre, les pays membres de la Ligue arabe, dont le siège est au Caire, l’ont exhorté à reconnaître Israël. Selon le programme de sa tournée, Mahmoud Zahar est attendu prochainement au Koweït et à Bahreïn.
par Philippe Quillerier
Article publié le 19/04/2006 Dernière mise à jour le 19/04/2006 à 17:26 TU