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Nigeria

Les projets d’Obasanjo contrariés

Olusegun Obasanjo souhaite «ancrer ses réformes», mais il risque de se heurter à une large opposition.(Photo : AFP)
Olusegun Obasanjo souhaite «ancrer ses réformes», mais il risque de se heurter à une large opposition.
(Photo : AFP)

En revendiquant l’attentat meurtrier de jeudi dans le delta du Niger, les rebelles séparatistes ont signifié leur rejet catégorique du programme de développement proposé deux jours plus tôt par le président nigérian. Olusegun Obasanjo se trouve également bousculé, sur le plan politique, avec la création d’un nouveau parti. A un an de la prochaine présidentielle, le Congrès progressiste des démocrates (ACD, Advanced Congress of Democrats) veut s’opposer à toute idée de troisième mandat pour l’actuel chef de l’Etat.


Olusegun Obasanjo pensait sans doute pouvoir remettre de l’ordre dans le delta du Niger, en proposant un vaste plan de développement de cette région. La zone, comprenant huit Etats et couvrant plus de 25 000 km², abrite de très riches champs pétrolifères. C’est là que sont installées depuis des décennies les grandes compagnies internationales. Le Nigeria est le huitième pays producteur de pétrole au monde, et tire 80% de ses recettes budgétaires de cette région du delta du Niger.

Mais surtout, la zone est le théâtre, depuis plusieurs années, de violences perpétrées par des mouvements de rébellion armés séparatistes qui revendiquent de meilleures conditions de vie et un partage plus équitable des revenus pétroliers. Cette insécurité se manifeste par des enlèvements, des meurtres, des actes de sabotage. Depuis le début de l’année, au moins vingt-quatre membres des forces de l’ordre ont été tués, treize ressortissants étrangers ont été pris en otage puis finalement libérés, et plusieurs oléoducs endommagés. Tout cela inquiète les compagnies pétrolières qui ont vu leur production entravée de 20%. Le cours du baril de pétrole au niveau mondial s’en ressent. D’où la volonté du président nigérian de mettre de l’ordre, en proposant des mesures économiques et sociales.

«Une mise en garde supplémentaire»

Mardi, Olusegun Obasanjo rendait ainsi publiques plusieurs réformes : amélioration des transports, construction de routes, d’écoles, de centres de soins, électrification des villages, mais surtout création d’emplois dans le secteur pétrolier et recrutement massif dans l’armée et les forces de police. La presse locale, à l’instar du quotidien This Day, a comparé l’initiative d’Obasanjo au «Plan Marshall» proposé par les Américains au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour aider à la reconstruction de l’Europe. Mais voilà, ce vaste programme n’a pas franchement suscité l’enthousiasme des populations locales, encore moins celui des rebelles séparatistes. Au contraire !

Mercredi soir, une voiture piégée a explosé dans une caserne militaire de la ville de Port-Harcourt, au sud du pays. Bilan : deux morts et six blessés. L’attaque a été revendiquée par le Mouvement d’émancipation du Delta du Niger (MNED) dans un message électronique adressé aux autorités locales et publié dans la presse : «Cet acte est symbolique plus que stratégique et constitue une mise en garde supplémentaire à l’armée nigériane, aux compagnies pétrolières et à ceux qui tentent de vendre le patrimoine des habitants du delta du Niger pour un bol de porridge». On l’aura compris, par cet attentat meurtrier, les rebelles du MNED rejettent catégoriquement le programme du chef de l’Etat. Première grosse déconvenue pour Olusegun Obasanjo.

Un nouveau parti d’opposition

L’autre motif de contrariété pour le président nigérian vient de l’actualité politique, dans la capitale Abuja. Ce jeudi, plusieurs personnalités dont le vice-président Atiku Abubakar, ont lancé un nouveau parti : le Congrès progressiste des démocrates (ACD, Advanced Congress of Democrats). L’objectif avoué de cette formation est de s’opposer à tout nouveau mandat d’Olusegun Obasanjo lors de la prochaine élection présidentielle. Ce scrutin doit se tenir en 2007. Théoriquement, l’actuel chef de l’Etat, élu en 1999 puis réélu en 2003, ne peut pas se présenter pour un troisième mandat. Or, certains observateurs lui prêtent l’intention de modifier la constitution afin, précisément, de pouvoir se porter candidat et rester au pouvoir. Jusque là, l’intéressé est resté plutôt évasif sur la question, déclarant simplement qu’il souhaitait «ancrer ses réformes».

«Nous ne nous levons pas contre un troisième mandat par haine de quiconque, mais pour sauver notre démocratie du danger», a expliqué Audu Ogbeh, ancien président du Parti démocratique du peuple (PDP, au pouvoir), fondateur de l’ACD. «Nous avons bien vu comment les tripatouillages de constitutions, dans plusieurs pays africains, ont conduit à l’instauration de dictatures», a pour sa part affirmé Atiku Abubakar à la BBC, en prédisant que cela se produirait si l’Assemblée nationale votait l’amendement constitutionnel pour autoriser un nouveau mandat à Obasanjo. En tout cas, Atiku Abubakar a annoncé qu’il serait candidat à la prochaine présidentielle.


par Olivier  Péguy

Article publié le 21/04/2006 Dernière mise à jour le 21/04/2006 à 17:25 TU