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Nigeria

Obasanjo veut mettre de l’ordre dans le delta du Niger

Création de 20 000 emplois et amélioration des transports figurent parmi les mesures annoncées par Olusegun Obasanjo pour le développement du delta du Niger.(Photo : AFP)
Création de 20 000 emplois et amélioration des transports figurent parmi les mesures annoncées par Olusegun Obasanjo pour le développement du delta du Niger.
(Photo : AFP)

Ce mardi, le président nigérian Olusegun Obasanjo a présenté un vaste programme de développement pour les Etats du sud du pays, ceux de la région du delta du Niger. Cette zone concentre une grande partie des richesses pétrolières du Nigeria. Elle est aussi le théâtre de violences perpétrées par des mouvements de rébellion armés qui revendiquent de meilleures conditions de vie pour les populations locales. Cette insécurité inquiète les compagnies pétrolières qui voient leur production entravée. Le cours du baril de pétrole au niveau mondial s’en ressent. D’où la volonté du président nigérian de mettre de l’ordre, en proposant des mesures économiques et sociales.


Il y a quelques mois, un rapport commandé par la société Shell estimait que le niveau d’insécurité dans la région du delta du Niger était similaire à celui de la Colombie ou de la Tchétchénie ! Shell et toutes les autres compagnies pétrolières installées au Nigeria sont confrontées depuis des années à des situations de violences qui détériorent leurs conditions de travail. A plusieurs reprises, des agents de sécurité ont été abattus, des employés de ces compagnies, kidnappés. Dernier exemple en date : en février, neuf ressortissants étrangers travaillant dans la région ont été enlevés, retenus en otages durant plusieurs jours puis libérés sans doute contre le versement d’une rançon. Autre problème auquel sont confrontées les compagnies pétrolières : des actes de sabotage de leurs installations. Les spécialistes estiment que cette situation d’insécurité a entraîné ces derniers mois, une baisse d’1/5ème du niveau des exportations de pétrole. Et ces tensions participeraient à la hausse actuelle du cours de l’or noir sur le marché mondial.

Cette insécurité, qui se manifeste dans les neuf Etats du sud du Nigeria, est le fait de groupes rebelles armés. Réunis dans le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (MNED), ils disent se battre pour défendre les intérêts des Ijaws, une des principales ethnies de la région. Ces populations vivent dans une situation de grande pauvreté, et elles accusent les grandes compagnies pétrolières de s’approprier tous les revenus du pétrole que ces dernières exploitent sur leurs territoires. Les rebelles dénoncent aussi, au nom des populations, les effets de la pollution sur l’environnement, du fait de l’exploitation des champs pétrolifères.

C’est un des paradoxes du Nigeria. Ce géant africain regorge des plus grands gisements de pétrole du continent africain. Avec en moyenne 2,5 millions de barils produits chaque jour, ce pays est le sixième exportateur mondial. L’exploitation massive du pétrole nigérian depuis les années 70 aurait permis aux autorités, selon des experts, d’engranger plus de 300 milliards de dollars. Or, dans ce pays, et singulièrement dans la région du delta du Niger, tant convoitée par les multinationales, la population vit dans une situation de sous-développement manifeste. Pourquoi ? Parce que l’argent du pétrole est mal redistribué dans un pays gangrené par la corruption à tous les échelons de la société. Depuis des années, une économie parallèle s’est mise en place, y compris dans le delta du Niger, où des trafiquants sans scrupules sabotent des pipelines et détournent la manne pétrolière. Ce trafic de pétrole aurait ainsi permis de financer les groupes armés qui sévissent dans la région. Enfin, les tensions ethnico-religieuses dans cet immense pays ne font rien pour améliorer les perspectives de développement.

Un «Plan Marshall» encore flou

Sûrement pressé par les compagnies pétrolières étrangères, et sans doute animé d’intérêts politiques (la prochaine présidentielle aura lieu en 2007), Olusegun Obasanjo a décidé de se pencher sérieusement sur le dossier de l’insécurité dans le delta du Niger. Ce mardi, devant les représentants des multinationales, les gouverneurs des Etats du sud du Nigeria, les chefs traditionnels et les responsables et élus des communautés locales, le chef de l’Etat a exposé un vaste plan socio-économique.

Amélioration des transports, construction de routes, d’écoles, de centres de soins, électrification des villages, mais surtout création d’emplois dans le secteur pétrolier et recrutement massif dans l’armée et les forces de police, telles sont les principales mesures annoncées par Olusegun Obasanjo. Ainsi le chef de l’Etat prévoit l’embauche de 20 000 personnes, dans le cadre de ce programme qui s’étale sur plusieurs années. Par ailleurs, le président nigérian compte créer une agence chargée de surveiller les entreprises installées dans la région pour améliorer le quotidien des habitants.

Ces mesures dévoilées ce mardi sont abondamment commentées dans la presse nigériane. Ainsi le quotidien This Day compare l’initiative d’Obasanjo au «Plan Marshall» proposé par les Américains au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour aider à la reconstruction de l’Europe. Le journal The Guardian, à Lagos, voit dans ces mesures, «un nouveau souffle (…) pour la paix et le développement» du delta du Niger. Et d’insister sur le principe de «transparence» exigé par le chef de l’Etat.

Pour autant, plusieurs observateurs restent prudents par rapport aux annonces d’Olusegun Obasanjo. D’abord parce que ces mesures ne sont pas chiffrées précisément. Ensuite parce que rien ne garantit que ces aides parviendront véritablement à leurs destinataires. Enfin, Gani Fawehinmi, un des leaders de l’opposition, a d’ores et déjà considéré que ce plan de développement était «insuffisant» face aux besoins de la région.


par Olivier  Péguy

Article publié le 19/04/2006 Dernière mise à jour le 19/04/2006 à 16:16 TU