Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Nucléaire

Tchernobyl, 20 ans après

Le nombre de cancers provoqués par la catastrophe de Tchernobyl ne sera vraisemblablement jamais précisément connu.(Photo : AFP)
Le nombre de cancers provoqués par la catastrophe de Tchernobyl ne sera vraisemblablement jamais précisément connu.
(Photo : AFP)
Partout dans le monde des hommages ont été rendus aux victimes de la catastrophe. Depuis 20 ans, chaque 26 avril, l’Ukraine commémore cet accident nucléaire, le plus grave qu’ait connu le nucléaire civil. Lors de la conférence internationale sur la sécurité, organisée ce mercredi à Kiev, le président Ioutchenko a appelé à la construction d'un nouveau sarcophage. Et la polémique sur le nombre réel de victimes se poursuit.

Les Nations unies avaient publié, en septembre dernier, un rapport très controversé sur la catastrophe de Tchernobyl. Les auteurs de ce rapport estimaient que, dans les années à venir, 4 000 personnes mourraient « probablement d’un cancer », suite à l’explosion du réacteur numéro 4 de la centrale ukrainienne, le 26 avril 1986. Cette explosion a gravement contaminé le nord de l’Ukraine, le sud de la Biélorussie et la pointe sud-ouest de la Russie. D’autres sources avaient donné un nombre dix fois plus important de victimes, essentiellement dans les trois ex-républiques soviétiques touchées par les retombées radioactives, mais aussi en Europe de l’Ouest, là où les vents ont poussé le nuage dans les jours qui ont suivi l’accident.

« Nous avons commandé TORCH (l’autre rapport sur Tchernobyl) pour contrebalancer les affirmations faites (par l’Onu) qui a minimisé les conséquences mortelles de l’accident et échoué à faire une analyse substantielle de ses effets en Europe et dans le monde ». C’est ainsi que Rebecca Harms a commenté la publication du rapport commandé par le groupe des Verts au Parlement européen et dont le contenu a été rendu public quelques jours avant le 20e anniversaire. Selon ce nouveau rapport, le nombre de morts dû aux cancers provoqués par la dissémination des radioéléments, « selon toute vraisemblance, ne sera jamais totalement connu ». L’étude, commandée par des députés notoirement opposés au nucléaire, donne cependant une fourchette allant de 30 000 à 60 000 cas mortels. L’étude a été conduite sous la direction de deux chercheurs britanniques, Ian Fairlie et David Sumner.

Une épidémie de cancers de la thyroïde

Photo de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, le 26 avril 1986.DR
Photo de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, le 26 avril 1986.
DR

La grande inquiétude des conséquences médicales de Tchernobyl a toujours été les cancers de la thyroïde. Les enfants qui vivaient à proximité de la centrale, et qui n’ont pas été évacués assez rapidement, ont couru le risque de développer cette maladie. Cette glande, la thyroïde, est très sensible à un surplus d’iode. Si un enfant en respire, comme ce fut le cas dans les jours suivants l’accident en raison des radioéléments libérés dans l’atmosphère par le réacteur endommagé, il lui faut alors prendre un antidote pour protéger sa thyroïde. Etant donné la pauvreté de la population et son manque d’information concernant le risque nucléaire, peu d’enfants ont bénéficié de cette protection. En tout cas, les spécialistes ont aujourd’hui suffisamment de recul pour savoir quel est l’état de santé des enfants nés il y a environ 20 ans, peu après ou peu avant la date fatidique. Depuis l’accident, plusieurs instituts européens ont surveillé la santé de ces jeunes. Un institut français, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), indique qu’il y a eu une épidémie de cancers de la thyroïde, mais il ne donne pas de chiffres.

Plusieurs organismes européens ont pu suivre l’évolution de la santé des habitants des régions contaminées. Ils n’ont pas enregistré d’augmentation notable des leucémies comme les spécialistes le craignaient. Et pour les anomalies congénitales à la naissance, « les observations publiées sont contradictoires et leur interprétation est perturbée par l’amélioration de l’enregistrement des anomalies à la suite de l’accident », écrit l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire dans son dernier rapport sur Tchernobyl datant de 2000.

Les "liquidateursé : pas de chiffres, pas d’évaluation

Les chiffres ne sont pas connus non plus sur l’état de santé des liquidateurs. Ils furent 600 000, surtout des militaires, envoyés sur le site par les autorités soviétiques pour éteindre l’incendie du réacteur, dans des conditions de protection rudimentaires. Pendant des mois et des années pour certains, ces hommes venus de républiques plus ou moins lointaines de l’Union soviétique, se sont relayés dans la zone contaminée pour essayer de contenir la radioactivité. Les premiers arrivés y ont perdu la vie. D’autres sont rentrés chez eux. Certains sont certainement tombés malades plus tard. L’URSS s’est dissoute et, là aussi, les chiffres manquent pour savoir combien de liquidateurs sont encore vivants malgré leur intervention à Tchernobyl.

Concernant les liquidateurs ukrainiens, le gouvernement avait décidé d’attribuer une pension à tous ceux qui tomberaient malades. Mais comme la gestion de l’après catastrophe a coûté plusieurs points de produit intérieur brut à l’Ukraine et cela pendant plusieurs années, de moins en moins de cas ont été reconnus. Car il fallait aussi indemniser les familles.

Plus de 2,4 millions d'Ukrainiens affectés

« Les plus importantes concentrations de nucléides volatils et de particules de combustible ont été enregistrées en Biélorussie, en Russie et en Ukraine. Mais plus de la moitié de la quantité totale des particules volatiles de Tchernobyl est tombée à l’extérieur de ces pays », indique le rapport commandé par le groupe des Verts au Parlement européen. Les autorités françaises, on le sait, n’ont pas dit la vérité concernant le nuage de Tchernobyl. Des traces de contamination ont été relevées dans les Vosges, les Alpes et en Corse. Après la mutation rapide de représentants du personnel sanitaire puis deux décennies de silence, la Corse veut maintenant savoir. L’assemblée territoriale a voté à l’unanimité un texte décidant « de faire réaliser, par une structure indépendante, désignée après un appel d’offres européen, une enquête épidémiologique sur les retombées en Corse de la catastrophe de Tchernobyl ». Plusieurs médecins installés sur l’île ont dénoncé l’augmentation considérable des cas de cancer de la thyroïde en Corse, comparée au reste de la France.

Vingt ans après la catastrophe, plus de 2,4 millions d’Ukrainiens, dont 428 000 enfants, souffrent toujours de problèmes de santé liés à l’accident dans la centrale de Tchernobyl, indique le ministère ukrainien de la Santé. La souffrance psychologique a également été grande pour des centaines de milliers de gens. Vivant depuis toujours à la campagne, souvent déplacés dans des villages tout neufs, des Ukrainiens ont du même coup perdu leur emploi et sont tombés malades. Et si l’Ukraine a été aidée par la communauté internationale en raison de la présence de la centrale nucléaire sur son sol, on parle moins des retombées sur la Biélorussie, en particulier dans la région de Gomel, au sud. La deuxième ville du pays n’attire pas la compassion, l’usine aujourd’hui sous cloche étant de l’autre côté de la frontière. 


par Colette  Thomas

Article publié le 24/04/2006 Dernière mise à jour le 24/04/2006 à 12:51 TU

Audio

Roland Desbordes

Président de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité

«Il est beaucoup trop tôt pour connaître l'ampleur sanitaire des conséquences de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. »

[26/04/2006]

Claude Turmès

Député luxembourgois et vice-président des Verts au Parlement européen

«Nous estimons entre 18 000 et 66 000 le nombre de morts à la suite de l'explosion de la centrale de Tchernobyl, alors que le rapport onusien en déclare 4 000.»

[13/04/2006]

André Aurengo

Chef du service central de médecine nucléaire du groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière

«Le rapport qui vient d’être publié montre qu’il n’y a pas de différence dans l’incidence de malformations entre les régions contaminées et les régions qui ne le sont pas.»

[06/09/2005]

Articles

émissions


[12/04/2006]


[22/04/2006]


[26/04/2006]