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Territoires palestiniens

Fatah et Hamas à fronts renversés

Des militants du Fatah défilaient samedi dans le camp de réfugiés de Jabalia, au nord de la bande de Gaza, pour dénoncer le Hamas «vendu à l'Iran et à la Syrie».(Photo : AFP)
Des militants du Fatah défilaient samedi dans le camp de réfugiés de Jabalia, au nord de la bande de Gaza, pour dénoncer le Hamas «vendu à l'Iran et à la Syrie».
(Photo : AFP)
Du fait des tensions que suscite la suspension de l’aide internationale, les affrontements de ce week-end entre islamistes et membres de l’ancien parti au pouvoir risquent de se reproduire.

De notre correspondant dans les territoires palestiniens

Les incidents du week-end entre le Fatah et le Hamas sont-ils le prélude à un conflit ouvert entre les deux rivaux de la scène politique palestinienne ? Dans les territoires occupés, cette crainte est sur toutes les lèvres. Les pressions de la communauté internationale, arc-boutée sur l’embargo financier du nouveau gouvernement, tout comme les intrigues de certains cadres du Fatah, frustrés par leur défaite aux législatives de janvier et les déclarations boutefeux de la direction du Hamas en exil poussent à une radicalisation de la situation. Par le passé, les affrontements armés entre islamistes et nationalistes ont toujours été très vite contrôlés et le souci de l’unité nationale l’a facilement emporté sur les calculs politiques des uns et des autres. Mais dans le nouveau contexte créé par l’avènement au pouvoir du Hamas et la suspension de l’aide financière à l’Autorité palestinienne, il n’est pas certain que ce système de régulation tacite soit encore suffisant.

C’est l’annonce jeudi par le gouvernement de la création d’une nouvelle force de sécurité qui a mis le feu au poudres. Cette unité est supposée incorporer des militants issus de divers groupes armés, afin, affirme le ministère de l’Intérieur, de juguler l’anarchie qu’ils sèment trop souvent dans les rues des territoires occupés. Son contrôle a été confié à Jamal Abu Samhadana, le patron des Comités des résistances populaire, une milice composée de transfuges du Fatah et du Hamas, connue pour avoir toujours refusé les trêves négociées par les factions palestiniennes. Cette initiative a été qualifiée le lendemain par la présidence d’ « illégale » et d’ « anticonstitutionnelle ». Selon un proche de Mahmoud Abbas, qui a promulgué un décret visant à l’annuler, la création de la nouvelle force constitue « une violation claire et vise à transformer les groupes armés du Hamas et ses alliés en une force légale de l'Autorité palestinienne, ce qui ouvrirait la porte à de graves conflits internes ».

« Ceux qui misent sur l’échec du Hamas se trompent »

Depuis Damas, Khaled Mechaal, le chef en exil du bureau politique du Hamas, a aussitôt accusé Abbas, sans le nommer, de comploter contre le gouvernement. « Ce qui se passe en Palestine est une politique exécutée par un gouvernement parallèle, a-t-il affirmé, un contre-gouvernement qui nous prive de nos prérogatives et des droits de notre peuple. Le coup d'Etat militaro-sécuritaire soutenu par les sionistes et les Américains ne réussira pas et le peuple palestinien mettra le complot en échec », a ajouté Mechaal, avant de lancer violemment: « Ceux qui estiment que l'échec de ce gouvernement leur permettra de réintégrer le pouvoir sur un tapis rouge israélo-américain se trompent ».

Dans la foulée de ces déclarations, des milliers de militants du Fatah ont paradé vendredi soir dans les villes palestiniennes, en scandant « Mechaal est vendu à l’Iran et à la Syrie » et « vive le président Abbas ». Des heurts entre étudiants des deux camps ont fait une trentaine de blessés samedi autour des universités de Gaza. En dépit de l’appel au calme lancée par des responsables des deux factions à l’issue d’une réunion de conciliation, les troubles ont repris dimanche. Deux partisans du Fatah, ainsi qu'un policier et un quatrième individu, ont été blessés dans des échanges de tirs au ministère de la Santé à Gaza avec des membres du Hamas chargés de la sécurité de l'immeuble. Les fusillades ont éclaté à la suite d'une querelle entre des militants des Brigades des martyrs d'al-Aqsa, venus présenter des récriminations au ministère, et les gardes qui exigeaient qu'ils quittent les lieux. A Naplouse dans le nord de la Cisjordanie, une vingtaine de partisans en armes du Fatah ont occupé brièvement dimanche le bâtiment de la mairie.

La moindre étincelle peut relancer les affrontements

La situation semble stabilisée depuis. Dans un effort d’apaisement, le Fatah a annulé les défilés qu’il avait prévus. Mais à la moindre étincelle, les affrontements pourraient reprendre. Les lacunes de la constitution palestinienne, inadaptée à un régime de cohabitation, laissent présager de nouveaux conflits entre la présidence et le gouvernement. Le Hamas, conscient que le boycottage de la communauté internationale accule son gouvernement à l’échec, n’est pas prêt pour autant à céder le pouvoir au Fatah. La création du nouveau service de sécurité vise à consolider ses positions dans l’hypothèse d’une bataille ouverte pour le contrôle du régime.

Quant au Fatah, qui a sciemment refusé de rallier le gouvernement, il table sur un lent pourrissement de la situation à son profit. « Le scénario le plus probable, dit un haut responsable du Fatah c’est que le Hamas n’arrivera pas à rétablir l’ordre et à assurer le financement du régime,. Dans ce cas là, d’ici quelques mois, le président pourra choisir de nommer un nouveau Premier ministre. Si les députés Hamas refusent de lui voter la confiance, Abbas aura la possibilité d’appeler à de nouvelles élections. Comment réagira le Hamas ? Je ne sais pas mais nous sommes prêts à toute éventualité ».


par Benjamin  Barthe

Article publié le 24/04/2006 Dernière mise à jour le 24/04/2006 à 14:49 TU

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