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Terrorisme

Ben Laden dénonce une «croisade» anti-Hamas

Un nouvel enregistrement audio attribué au chef d'al-Qaïda, Oussama ben Laden, a été diffusé dimanche sur al-Jazira. (Image d'archives)(Photo : AFP)
Un nouvel enregistrement audio attribué au chef d'al-Qaïda, Oussama ben Laden, a été diffusé dimanche sur al-Jazira. (Image d'archives)
(Photo : AFP)
Dans un nouvel enregistrement audio diffusé dimanche par la chaîne al-Jazira, le chef d’al-Qaïda accuse les puissances occidentales d’isoler le mouvement radical palestinien et appelle à une « guerre de longue durée » au Darfour (Soudan). Le gouvernement soudanais a pris ses distances avec ces déclarations ; le Hamas également, tout en mettant en garde l’Occident contre les effets de sa politique à son encontre. La Maison Blanche, qui juge l’enregistrement authentique, affirme qu’il montre que les chefs d’al-Qaïda sont en fuite, mais « sous pression ».

On n’avait pas entendu Oussama ben Laden depuis le 19 janvier dernier, date de son précédent enregistrement dans lequel il menaçait les Etats-Unis de nouveaux attentats. Cette fois, la cassette audio diffusée dimanche par la chaîne satellitaire du Qatar al-Jazira ne comporte pas de menace précise. Mais elle multiplie les accusations et les mises en garde. Fidèle à sa rhétorique, le chef d’al-Qaïda s’en prend notamment aux Occidentaux - sa cible privilégiée -, mais aussi au roi Abdallah d’Arabie Saoudite et aux Nations unies.

Ce document sonore, authentifié par les services de renseignement américains, est difficile à dater précisément. L’événement le plus récent à y être mentionné est l’opération israélienne contre la prison de Jericho, le 14 mars dernier. Oussama ben Laden y accuse les puissances occidentales, au premier rang desquelles les Etats-Unis et l’Union européenne, de mener une « croisade » contre l’Islam. Il en veut pour preuve leur politique d’isolement à l’encontre du gouvernement palestinien dirigé par le Hamas, auquel ils ont coupé les vivres pour le contraindre à reconnaître Israël, renoncer à la violence et accepter les accords précédemment signés. Cette attitude, selon ben Laden, « démontre qu’il s’agit d’une guerre de croisés et de sionistes contre les musulmans ».

Aussitôt, le mouvement islamiste palestinien a tenu à se démarquer de cet encombrant soutien, tout en reprenant à son compte l’essentiel de son argumentaire. « Les propos d'Oussama ben Laden reflètent ses propres positions, qui sont différentes de celles du Hamas », a souligné son porte-parole Sami Abou Zohri avant de poursuivre : « Nous lançons un nouvelle mise en garde : si le siège de l'Occident continue contre le Hamas, ainsi que la politique de la famine contre le peuple palestinien, cela créera plus de tensions dans la rue palestinienne et dans la rue arabe. C'est ce que ben Laden a exprimé en parlant de croisade. » Commentaire analogue du Premier ministre palestinien issu du Hamas, Ismaïl Haniyeh : le « blocus imposé » aux Palestiniens pousse des « individus à exprimer leur solidarité avec lui (ben Laden). »

Ben Laden s'en prend au roi Abdallah d'Arabie saoudite

Pour la première fois, le chef d’al-Qaïda évoque la situation au Soudan, pays où il a vécu dans les années 90, avant d’en être expulsé par les autorités en 1996 sous la pression américaine et de se réfugier dans l’Afghanistan des talibans. A propos du conflit qui ensanglante la province du Darfour, où les milices arabes soutenues par le gouvernement combattent des tribus africaines, il exhorte « les moudjahidine et leurs partisans au Soudan (…) et dans la péninsule arabique à se préparer à une guerre de longue haleine face aux croisés dans l’ouest du pays. »

Toutefois, ben Laden fustige également Khartoum pour avoir adopté le plan de paix, soutenu par Washington, qui a mis un terme à la guérilla dans le Sud, et lui reproche de ne pas avoir imposé la loi islamique sur l'ensemble du territoire. A l’image du Hamas, le régime soudanais a pris ses distances. « Le Soudan n'est pas concerné par de telles déclarations », a affirmé un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Un des deux principaux mouvements rebelles du Darfour, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), a également rejeté ces propos.

Opposant de longue date à la famille royale saoudienne, ben Laden s'en est vivement pris aussi au roi Abdallah d'Arabie saoudite. Selon al-Jazira, le souverain saoudien est critiqué pour avoir rejeté, en février, l'idée d'un choc de civilisations entre l’Islam et l’Occident et « ses énormes tromperies, car le choc existe dans la pratique (à l'initiative) de la civilisation occidentale contre la civilisation musulmane ». Le message attribué à ben Laden appelle aussi à un boycott des produits américains et des pays européens qui se sont solidarisés avec le Danemark dans l'affaire des caricatures de Mahomet.

Ben Laden fustige également Paris pour « son intention de lancer une chaîne de télévision au Maghreb arabe afin de combattre l'éveil islamique », y voyant « une guerre des croisés et des sionistes », toujours selon al-Jazira, qui n'a pas précisé de quelle chaîne il s'agissait. Selon le média qatariote, « Oussama ben Laden a aussi critiqué l'attitude de la France envers le "hijab" (voile), qu'elle a interdit dans les écoles (publiques), et sa sévérité excessive dans le traitement qu'elle réserve aux communautés musulmanes » vivant sur le territoire français.

« Donald Rumsfeld doit démissionner  »

Enfin, l’enregistrement s’en prend à l'ONU. Le cerveau du 11-Septembre dénonce un « organisme impie » et qualifie d' « infidèles » tous ceux qui acceptent ses résolutions. « C'est un instrument de mise en oeuvre de résolutions croisées-sionistes, notamment les résolutions de guerre contre nous (musulmans) et celles qui visent à diviser et occuper nos terres. »

A Washington, la Maison Blanche doit affronter les attaques des démocrates contre l’inefficacité de l’administration Bush en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Selon le porte-parole de la présidence, l’enregistrement montre que les chefs d’al-Qaïda sont, certes, en fuite, mais « sous pression ». Au contraire, le sénateur démocrate John Kerry, rival malheureux de George Bush à la présidentielle de 2004, estime que la fuite de ben Laden est à porter à la charge du secrétaire à la Défense : « C’est l’une des raisons pour lesquelles Donald Rumsfeld doit démissionner. »

Même certains élus républicains manifestent leur mécontentement. « Je suis déçu que nous ne l’ayons pas encore traduit en justice, a regretté le sénateur Arlen Specter. Je pense que cela doit être une priorité absolue. » A Londres, le Premier ministre britannique Tony Blair a déclaré lundi que le dernier message du chef d'al-Qaïda illustrait parfaitement son « extrémisme » et sa « haine des gens » opposés à la division religieuse et raciale.


par Philippe  Quillerier

Article publié le 24/04/2006 Dernière mise à jour le 24/04/2006 à 16:03 TU

Audio

Frank Weil-Rabaud

Journaliste à RFI

«Oussama ben Laden évoque des conflits dans lesquels il voit une volonté d'opprimer les musulmans. »

[24/04/2006]

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