Soudan
Darfour : négociations de paix reportées de 48 heures
(Photo : AFP)
Cela fait plus de deux ans que l’Union africaine, ainsi que les Etats-Unis et d’autres gouvernements, essaient de convaincre les différentes parties impliquées de mettre fin au conflit du Darfour, qui atteint une des zones les plus pauvres du continent et dont les effets débordent vers d’autres Etats, notamment le Tchad.
Les médiateurs de l'Union africaine (UA) chargés des négociations entre les rebelles du Darfour et le gouvernement soudanais ont été obligés d’annoncer dimanche 30 avril que les pourparlers seraient prolongés de 48 heures, jusqu'à mardi minuit, alors que les rebelles avaient rejeté plus tôt le projet d'accord soumis par les médiateurs. Les rebelles veulent de nouvelles garanties quant au désarmement des milices appuyées par Khartoum. En revanche, le gouvernement soudanais se disait «prêt à signer» ce compromis.
Le porte-parole du principal mouvement rebelle, le Mouvement/Armée de libération du Soudan (SLM/A) a déclaré lundi à Abuja que les propositions de l’Union africaine ne prenaient pas en compte ses principales demandes, notamment le poste de vice-président de la république soudanaise et la création d’une seule province formée par les trois états actuels du Darfour. Le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) a présente des exigences identiques et ses délégués, présents dans capitale nigériane, demandent que le texte soumis à leur approbation soit plus clair au sujet du désarmement des milices arabes pro-gouvernementales djandjaouids. Les deux mouvements rebelles veulent aussi des compensations pour les populations victimes de guerre et des garanties formelles quant au partage des richesses, tout en exprimant des réserves au sujet des modalités d’application du texte de l’accord.
Il faut noter que les Etats-Unis avaient demandé ce délai supplémentaire, soulignant qu'il va permettre de débloquer les négociations sur deux points clés : le désarmement des milices djandjaouids et l'intégration des forces rebelles dans l'armée soudanaise.
La plus grave crise humanitaire de la planète
Le conflit au Darfour est considéré comme l’un des plus graves, sinon le plus grave, actuellement en Afrique, étant donné les dimensions de la crise humanitaire qui touche cette province soudanaise, depuis plus de trois ans. Cette guerre aurait ainsi provoqué entre 180 000 et 300 000 victimes et plus de deux millions de déplacés, selon les organisations internationales. Il s’agit d’un conflit qui a des répercussions régionales importantes, car beaucoup de ces déplacés se sont installés dans les pays voisins, notamment au Tchad.
La guerre civile entre les rebelles et les forces appuyées par le gouvernement de Khartoum a débuté vers février 2003. Les rebelles ont accusé, à plusieurs reprises, le gouvernement du président Omar el-Béchir d’avoir envoyé des milices armées arabes pour réprimer les populations de cette région pauvre et aride qui s’étaient révoltées contre le pouvoir central, l’accusant de vouloir abandonner la province et de laisser mourir ses habitants. Il ne s’agissait pas d’une rébellion religieuse, comme celle qui s’était produite dans les zones chrétiennes et animistes au sud du Soudan. En réalité, les populations du Darfour sont à 100% musulmanes, tout comme les responsables du régime de Khartoum qui à l’époque devaient faire face à la rébellion sudiste dirigée par John Garang et avec lequel un accord de paix a été conclu en février 2005.
C’est en avril 2004 que les Nations unies ont lancé un cri d’alarme affirmant que le Darfour vivait la plus grave crise humanitaire à l’échelle mondiale. Un premier cessez-le feu de 45 jours fut conclu le 8 avril de la même année. Un mois après, les forces gouvernementales soudanaises et les milices appuyées par les autorités de Khartoum ont été accusées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dans un rapport des Nations unies sur les droits humains.
Le président el-Béchir avait promis de désarmer toutes les milices dans cette région, une promesse qu’il n’a jamais respecté. Un cessez-le-feu a été annoncé en mai 2004 et des forces de paix du Nigeria et du Rwanda ont été déployées dans le Darfour, mais ce cessez-le-feu a été violé à plusieurs reprises. En mars 2005, les Nations unies ont été obligées de retirer tout leurs collaborateurs étrangers, suite aux menaces des milices arabes contre les convois de l’organisation internationale. Les mouvements rebelles ont été aussi accusés d’attaques contre les missions d’assistance humanitaire et le gouvernement de Khartoum s’est même permis de déclarer persona non grata le Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des Affaires humanitaires.
Les organisations humanitaires manquent de moyens
Le Darfour est donc tombé dans le chaos, avec une vague de banditisme incontrôlable, qui n’épargne pas les opérations d’aide de la communauté internationale. Les organisations humanitaires se plaignent entre-temps de manquer de moyens. L’Unicef affirme que la malnutrition chez les enfants a atteint des niveaux très préoccupants. L’Unicef se plaint de n’avoir reçu que 15 des 89 millions de dollars dont elle avait besoin. De même, le Programme alimentaire mondial n’a reçu que 238 millions de dollars, un quart du montant nécessaire pour pouvoir assister six millions de Soudanais, dont la moitié vivant au Darfour. Le PAM va être obligé de réduire de moitié ses rations alimentaires, en raison de ce manque de fonds.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, s’est déclaré profondément déçu par la non adoption du projet d’accord de paix, soulignant que «l’UA tiendra les parties et leurs dirigeants pour responsables de leurs décisions en ce qui concerne la paix au Darfour». Tandis que le gouvernement soudanais s’engageait à appliquer l’accord «de bonne foi». les rebelles disaient que le document ne sera pas signé, car il ne traite pas des problèmes qui les concernent : «Nous connaissons très bien le gouvernement du Soudan. Il ne respecte jamais ses engagements. Donc nous avons besoin de garanties fermes et fiables de la communauté internationale». La communauté internationale semble quelque peu fatiguée d’un conflit qui se prolonge et dont les conséquences humanitaires continuent de s’aggraver.par Antonio Garcia
Article publié le 01/05/2006 Dernière mise à jour le 01/05/2006 à 17:46 TU