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Soudan

UA-Onu : passer le relais sans aveu d'échec au Darfour

L’ONU veut substituer une force internationale à celle de l’UA (Union africaine).(Photo: AFP)
L’ONU veut substituer une force internationale à celle de l’UA (Union africaine).
(Photo: AFP)

Réuni à huis clos à Addis-Abeba le 10 mars, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) «a décidé d'apporter son soutien de principe à un transfert de la Mission de l'Union africaine au Soudan (Amis) à une mission des Nations unies, afin de promouvoir la paix et la sécurité». Pour autant, pris entre la menace internationale de lui couper les vivres et l’hostilité farouche de Khartoum vis-à-vis d’une intervention onusienne, mais aussi soucieux de ne pas donner à penser que l’UA a failli au Darfour, le CPS «a décidé d'étendre le mandat de la mission de l'Amis jusqu'en septembre 2006», le temps, espère-t-il, de «parvenir à un accord de paix», de sécuriser les populations du Darfour et «d’améliorer les relations entre le Tchad et le Soudan». Reste que pour faire ses preuves, la force africaine a besoin d’une rallonge financière.


Comme le souligne, dans son rapport, le président de la Commission africaine, Alpha Oumar Konaré, après le partage du pouvoir et des richesses pétrolières entre le Nord et le Sud, le nouveau gouvernement soudanais «d’unité nationale» reste résolument hostile à toute idée d’intervention militaire internationale au Darfour où, depuis février 2003, d’autres rebelles réclament leur part. On se rappelle la prompte réaction de Khartoum en 2004, le président Omar al-Bachir exhortant ses compagnons de prière à combattre tout casque bleu qui poserait le pied au Soudan, après avoir suggéré que les Occidentaux veulent intervenir au Darfour pour donner un coup d’arrêt à l’islam.

Aujourd’hui, le discours de Khartoum n’a pas varié, malgré l’air panafricain entonné par le nouveau ministre des Affaires étrangères soudanais, l’ancien rebelle sudiste Lam Akol. A ses yeux, le transfert de la mission africaine à l’Onu marquerait «l’échec de l’UA dans le règlement du conflit». Pour éviter un tel camouflet, ajoute-t-il, Khartoum est prêt à payer ce qu’il faut pour que la force déployée au Darfour reste africaine, des hommes du rang jusqu’au commandement. Finalement, le chef de la diplomatie soudanaise a donc effectivement lieu de se féliciter de «l'extension du mandat de l'UA pour 6 mois supplémentaires, une victoire pour l'Afrique».

L'UA veut «conclure un accord de paix avant la fin avril»

Alpha Oumar Konaré recommandait une «transition» technique de neuf mois. Dans l’intervalle, indique le communiqué final de la réunion de vendredi, «le CPS a insisté sur la nécessité de conclure un accord de paix avant la fin avril 2006», ce qui constitue une traduction presque littérale de la position du gouvernement soudanais. Le président de la Commission africaine rappelle d’ailleurs les arguments soudanais selon lesquels «étant sorti du colonialisme, le continent devrait pouvoir résoudre ses propres problèmes». Citant Lam Kol, il indique que c’est «dans cet esprit que son gouvernement avait accepté le déploiement de l’Amis en 2004».

Aujourd’hui, Khartoum persiste à prophétiser que les casques bleus «risquent d’être attaqués» si l’Onu intervient au Darfour - «société islamique» sensible et réactive -, avant la résolution du conflit avec les rebelles du Mouvement pour la justice te l’égalité (JEM) et du Mouvement de libération du Soudan (SLM). Ces derniers demandent au contraire l’intervention de l’Onu ou celle de l’Otan. Leur donner satisfaction constituerait un «signal négatif», menace Lam Kol.

Le 7ème round des pourparlers inter-soudanais qui s’est ouvert à Abuja (Nigeri) le 29 novembre 2005 piétine. Mais l’UA estime que «des progrès notables ont été réalisés au sein de la commission sur les arrangements sécuritaires». Les principaux obstacles qui restent à lever concernent la «commission sur le partage des richesses où un accord a été conclu par les parties sur l’essentiel des huit points sur dix inscrits à l’ordre du jour». Compte tenu des fractures apparues à l’intérieur des rébellions, mais aussi et surtout, de leur intérêt à s’arranger avec Khartoum avant de nouvelles ingérences extérieures, l’UA s’affiche optimiste.

Washington veut un «transfert le plus rapide possible à une force de l'Onu».

L’objectif panafricain est «de transmettre une mission réussie [concernant] la stabilisation de la situation sécuritaire et la conclusion d’un accord de paix pour le Darfour». Mais pour cela, explique Alpha Oumar Konaré, il faut muscler la mission africaine et gagner en crédibilité sur le terrain, en améliorant la situation humanitaire des populations civiles menacées de «génocide», selon la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, qui plaide en faveur d’un substitut onusien à l’Amis. L’ambassadeur américain à l'Onu, John Bolton, répète en effet que «l’objectif demeure un transfert le plus rapide possible à une force de l'Onu, afin de minimiser les meurtres et les déplacements forcés des populations du Darfour».

Tous comptes faits, l’UA n’a pas les moyens de financer sa force de quelque 7 000 hommes au-delà du 31 mars. Alpha Oumar Konaré a chiffré ses besoins à «une moyenne mensuelle de 22 857 719 dollars américains en espèces». De fait, transfert ou pas, l’Onu ne peut pas se substituer du jour au lendemain à l’UA. Il faut trouver les soldats, la logistique et le financement nécessaire. Du reste, si finalement le transfert de compétence se réalise, les mêmes troupes africaines pourraient coiffer le casque bleu. Mais la question du commandement se pose déjà. En outre, quelle que soit la décision finale, en attendant, il paraît raisonnable d’entretenir les troupes africaines présentes sur place. C’est le pari de l’accord de principe. Il donne quelques mois de plus aux Africains et aux Soudanais pour relever le défi de la paix, à leur manière.


par Monique  Mas

Article publié le 11/03/2006 Dernière mise à jour le 11/03/2006 à 17:12 TU

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Saïd Djinit

Commissaire chargé de la paix et de la sécurité à l'Union africaine

«L'Union africaine va décider du moment venu de la force qu'il faudra mettre en place pour prendre le relais de la mission africaine.»

[11/03/2006]

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