Sri Lanka
Le spectre du retour à la guerre civile
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Colombo
« Depuis que nous sommes au Sri Lanka, le mois qui vient de s'écouler a été le pire! » lâche Helen Olafdottir, porte-parole de la mission de surveillance de la trêve entre le gouvernement et les rebelles séparatistes tamouls. Quatre ans après la signature du cessez-le-feu, le pays est en train de renouer avec ses années les plus sombres, et les plus meurtrières.
Pourtant, en début d'année, gouvernement et rebelles ont convenu de relancer les pourparler afin d'éviter un retour au conflit armé. Mais quelques semaines après la rencontre au sommet entre les Tigres de libération de l'Ealam tamoul (LTTE) et le gouvernement sri lankais, les violences sur le terrain ont fait plus de 120 morts. Le second volet de négociation, prévu à Genève fin avril, est reporté sine die à l'initiative des rebelles séparatistes.
Des raids aériens
L'attentat suicide contre le chef de l’état-major sri-lankais marque un virage décisif. Mardi dernier, une femme prétendant être enceinte se jette sur la voiture du général quelques secondes avant de déclencher sa bombe. Bilan : 11 morts. Grièvement blessé, le général Sarath Fonseka est évacué d'urgence vers l'hôpital militaire de la capitale. Colombo riposte aussitôt en lançant des raids aériens sur les positions rebelles à Trincomalee au nord-ouest de l'île.
« Trop, c'est trop, les autorités ont fait preuve de beaucoup de retenue en évitant de réagir aux attaques contre leurs soldats. Mais cette fois ci, ils ont répondu. Les Tigres ont failli tuer le commandant en chef de l'armée! », confie un diplomate occidental sous couvert d’anonymat. Pour les analystes, les raids aériens, sont une réponse « limitée » aux attaques de la rébellion. Beaucoup estiment que le gouvernement a eu raison d'agir de la sorte. Bien que le LTTE ne revendique pas cet attentat, pour le gouvernement, cette agression porte la signature de la guérilla tamoule.
Des dizaines de milliers de personnes fuient
Dans la région, les familles fuient par dizaines de milliers. Selon l'ONU, près de 21 000 personnes ont quitté leur domicile suite aux bombardements de l'armée sri-lankaise. « La tension dans la région ainsi que les opérations militaires font peur aux populations civiles et provoquent des déplacements de familles », constate Lyndon Jeffels, porte-parole du Haut commissariat aux réfugiés aux Nations unies. La route A9 qui relie Colombo aux territoires contrôlés par la guérilla séparatiste tamoule a même été fermée pendant quelques heures, pour la première fois en quatre ans. Provoquant ainsi une pénurie d'aliments et un manque d'approvisionnement en pétrole.
L'offensive aérienne déclenche la fureur du LTTE. Pas une journée ne s'écoule sans que des échanges de tirs ou des attaques à la mine n'aient lieu. Embuscades, offensives terrestre (ou maritimes), assassinat ciblés, la liste des accrochages sur le terrain est longue. Difficile de croire que le cessez-le-feu ait été signé il y a plus de 4 ans, en février 2002.
Entraîné dans une spirale de la violence, les deux parties semblent être dans l'impasse. Bien qu'elles se disent pour la paix, aucune des deux ne remplit ses engagements. Le LTTE demande au gouvernement de désarmer la faction dissidente du colonel Karuna. Ancien commandant des troupes militaires de la rébellion, ce haut gradé est considéré comme un renégat et selon les Tigres, il agirait de pair avec l'armée. Or selon le gouvernement, il n'y aurait aucune force paramilitaire opérant depuis les territoires contrôlés par l'armée. Pour sa part, Colombo demande à la guérilla de cesser toutes actions violentes. Condition sine qua non pour reprendre les discussions.
Retour à la guerre ?
En attendant, les violences continuent sur le terrain. Samedi, un site Internet proche de la rébellion affirmait qu'une opération militaire a fait une quinzaine de morts du côté de la faction dissidente du colonel Karuna. Un chiffre impossible à confirmer. Quelques heures plus tard, ce même site croit savoir que des forces gouvernementales ont tenté de sauver des membres de la milice paramilitaire du colonel Karuna. Mais pour le porte-parole de l'armée, tout cela est fabriqué de toutes pièces. « La guérilla essaie de nous impliquer en affirmant que nos soldats sont morts au combat, mais nous ne tomberons pas dans ce piège! » avertit le porte-parole.
par Mouhssine Ennaimi
Article publié le 02/05/2006 Dernière mise à jour le 02/05/2006 à 12:21 TU