Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Tchad

Election présidentielle : vote sur fond de tension

Le président sortant, Idriss Deby Itno.(Photo: Laurent Correau/RFI)
Le président sortant, Idriss Deby Itno.
(Photo: Laurent Correau/RFI)
L’élection présidentielle a été maintenue au Tchad où le président sortant, Idriss Deby, affronte ce mercredi des candidats aux allures de faire-valoir alors que la capitale bruisse de la crainte d’une nouvelle attaque des rebelles.

De notre envoyée spéciale

Il est à peine plus de vingt-deux heures, dans le centre ville de N’Djamena. Le chauffeur de taxi désigne d’un geste résigné les rues sombres et désertées : «les Tchadiens ne sortent plus », soupire-t-il. « Les rebelles ont dit qu’ils allaient attaquer, alors les gens restent chez eux. On ne sait vraiment pas ce qui va se passer… »

Le Parlement tchadien a été touché par les combats d'avril 2006.(Photo: Laurent Correau/RFI)
Le Parlement tchadien a été touché par les combats d'avril 2006.
(Photo: Laurent Correau/RFI)

En cette veille d’élection présidentielle au Tchad, l’atmosphère n’est pas, loin s’en faut, à la compétition électorale. Le président sortant, Idriss Deby Itno, est donné partout comme grandissime favori face à quatre candidats de moindre envergure : trois d’entre eux sont issus de partis représentés au gouvernement et le quatrième, qui se réclame de l’opposition, est un novice en politique, peu connu du grand public. L’opposition radicale, elle, a appelé au boycott du scrutin, de même que les organisations de la société civile, qui ont réclamé en vain un dialogue national en préalable à toute consultation des électeurs.

Au cours des dernières semaines, d’autres voix ont réclamé un report des élections. A demi-mots, le sous secrétaire d’Etat adjoint américain aux Affaires africaines, Donald Yamamoto, a expliqué à la presse la semaine dernière à N’Djamena « qu’il n’était jamais trop tard pour faire quoi que ce soit »… Même son de cloche de la part des représentants de la commission de l’Union africaine (UA), qui ont passé quelques jours au Tchad à l’appel de la commission de paix et de sécurité de l’UA.

Le véritable adversaire d’Idriss Deby : son homologue soudanais

Le président de la commission électorale nationale indépendante devant le matériel destiné aux bureaux de vote.(Photo: Laurent Correau/RFI)
Le président de la commission électorale nationale indépendante devant le matériel destiné aux bureaux de vote.
(Photo: Laurent Correau/RFI)

Tous ces appels seront restés lettre morte. Le ministre tchadien des Affaires Etrangères, Ahmat Allami, a répondu en expliquant qu’il était exclu de demander au Tchad de se mettre dans l’illégalité par rapport à sa propre Constitution. Et le président sortant, Idriss Deby Itno, a répété inlassablement au cours de ses meetings que ceux qui demandaient un report « n’étaient pas de vrais démocrates » et donnaient à la population des conseils « machiavéliques ». L’adversaire désigné, finalement, au cours de cette campagne, aura donc été le président soudanais, Omar Hassan el-Béchir. Car ici, dans la terminologie officielle, on ne parle pas de rebelles, mais bien des « mercenaires soudanais à la solde du traître Béchir ». Car les mouvements de l’opposition armée ont prévenu : ils affirment qu’ils mettront tout en œuvre pour empêcher la tenue des élections. Le ministre de l’Administration territoriale a publié lundi soir un communiqué dans lequel il renvoie dos à dos tous ceux qui mettent en cause la tenue du scrutin, c’est à dire les rebelles et l’opposition radicale.

Un calme apparent qui ne masque pas l’appréhension

La grande inconnue de ce vote sera donc le taux de participation. Certains expliquent qu’ils n’iront pas voter pour un scrutin dont le résultat est connu d’avance, d’autres iront voter pour ne pas céder aux menaces. D’autres encore expliquent qu’ils préfèrent rester chez eux par peur de débordements. A la sortie de l’église, une mère de famille explique : « chaque soir, je rassemble mes enfants et je leur demande de prier pour la paix parce que quand les petits enfants prient, dieu entend leur voix. Tu comprends, ajoute-t-elle, nous les pauvres on n’a pas d’argent pour partir. Il ne reste plus qu’à prier ».

Au marché de Ndjamena, Mohamed explique : « les rebelles ont dit qu’ils allaient attaquer, le gouvernement maintient les élections alors on a acheté du riz pour avoir un peu de stock à la maison ». Et d’ajouter : « mais dites-nous, si vous, vous savez quelque chose ! »

Dans les rues de la capitale tchadienne, la vie s’écoule normalement. Un calme étrange, une apparence de normalité qui ajoute à l’appréhension des citoyens. Ici, la guerre, on la connaît trop. Certains bâtiments, au centre-ville, portent encore les stigmates des combats de la fin des années soixante-dix. Et ce sont ces souvenirs-là qui remontent aujourd’hui, le spectre de la guerre.

Dans le centre ville de N’Djamena.(Photo: Laurent Correau/RFI)
Dans le centre ville de N’Djamena.
(Photo: Laurent Correau/RFI)

L’attaque du 13 avril contre N’Djamena a rendu palpable une menace qui n’arrivait jusque là qu’assourdie, en écho depuis les régions lointaines de l’est du pays, près de la frontière soudanaise. Aujourd’hui, certains Tchadiens remarquent avec fierté qu’Idriss Deby a été, dans l’histoire, le premier président tchadien à sortir victorieux d’une attaque contre la capitale. Ce qui ne les empêche pas de se demander de quoi demain sera fait.


par Donaig  Ledu

Article publié le 02/05/2006 Dernière mise à jour le 02/05/2006 à 16:08 TU

Dossiers

(Montage : C.Wissing / RFI)

Audio

Donaig Ledu

Envoyée spéciale de RFI au Tchad

«A Ndjamena, tout le monde voudrait bien savoir de quoi demain sera fait...»

[02/05/2006]

Articles

émissions


[01/05/2006]