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Europe

Le passé Est-Ouest ressurgit à Vilnius

Le vice-président américain Dick Cheney (G.) fait face au président ukrainien Viktor Iouchtchenko (D.), lors d'un petit-déjeuner au sommet de Vilnius en Lituanie. 

		(Photo : AFP)
Le vice-président américain Dick Cheney (G.) fait face au président ukrainien Viktor Iouchtchenko (D.), lors d'un petit-déjeuner au sommet de Vilnius en Lituanie.
(Photo : AFP)
Vingt-cinq pays européens ont discuté jeudi à Vilnius du dialogue entre la Russie, l’Otan, l’Union européenne et plusieurs pays de la mer Noire. La journée a été dominée par une mise en garde adressée à la Russie par Dick Cheney, le vice-président américain. Au lendemain de cette réunion, la presse russe évoque le retour de la Guerre froide.

« Le vice-président des Etats-Unis a prononcé un discours cadre sur les liens de la Russie avec l’Occident qui reconnaît de facto le début d’une deuxième Guerre froide ». Le quotidien russe Kommersant fait cette analyse au lendemain de la réunion de Vilnius. Dans la capitale lituanienne, étaient rassemblés autour du vice-président américain, des leaders de l’Union européenne dont Javier Solana, Haut représentant pour la politique extérieure de l’Union, et plusieurs dirigeants de Bulgarie, de Roumanie, d’Ukraine, de Géorgie et de Moldavie. Le quotidien russe accompagne son commentaire pessimiste d’une photo menaçante de Dick Cheney et choisit de titrer ainsi l’évènement : « L’ennemi à nos portes ». « C’est le discours le plus sévère jamais prononcé par un dirigeant américain à l’encontre de la Russie depuis la fin de la Guerre froide », écrit encore le quotidien libéral. 

Autre journal, autre commentaire : le quotidien Vremia Novosteï estime que, « à deux mois du G8 prévu en juillet Saint-Pétersbourg, Dick Cheney a versé un baquet d’eau froide  sur le Kremlin». Pour le journal Vedemosti, le vice-président américain s’est comporté « comme le méchant policier ». Il s’agit de « faire pression sur la Russie au plus fort des discussions sur le problème nucléaire iranien et pendant la préparation du sommet du G8 ».

Des déclarations dans un contexte tendu

L’organisation en Russie du sommet mondial le plus prestigieux, le penchant de Moscou pour l’Iran dans le conflit sur le nucléaire et enfin la lutte d’influence entre Russie et Etats-Unis « pour le pouvoir dans l’espace post-soviétique » : La presse russe resitue dans le contexte international les déclarations hostiles du numéro deux américain.

Dick Cheney a essentiellement accusé la Russie de « restreindre les droits de l’homme de manière abusive et déplacée et d’utiliser l’arme du pétrole et du gaz. Il n’y a pas de cause légitime qui puisse justifier l’utilisation du gaz et du pétrole comme instrument de manipulation et de chantage ». Allusion indirecte à la coupure des livraisons de gaz destinées à l’Ukraine, en plein hiver, parce que Kiev n’acceptait pas l’augmentation des prix. « Personne ne peut justifier les actions qui ébranlent l’intégrité territoriale d’un voisin ou entravent des changements démocratiques », a poursuivi le vice-président américain. La Russie, on le sait, n’avait pas accepté l’orientation pro-occidentale du nouveau chef de l’Etat ukrainien, Viktor Iouchtchenko. Couper le gaz ressemblait à une mesure de rétorsion.

« La Russie a un choix à faire, et il n’y a aucun doute que la reprise des réformes démocratiques en Russie apporte le succès à son peuple et le respect de la part d’autres pays », a encore déclaré Dick Cheney. Le président Poutine est critiqué par l’Union européenne et les Etats-Unis qui l’accusent de faire marche arrière en matière de démocratie et d’utiliser les réserves en gaz et en pétrole de son pays pour faire pression sur ses voisins, la plupart étant d’anciens membres du bloc communiste.

Le Kremlin, à travers la déclaration d’un porte-parole, a jugé « totalement incompréhensibles » les propos tenus par le vice-président américain.

Une charge contre la Biélorussie      

La réélection d’Alexandre Loukachenko, en mars dernier, avec 83% des voix, à la tête de la Biélorussie présentait également une occasion pour Dick Cheney de critiquer cet allié fidèle de Moscou. Devant un groupe de dirigeants dont le passé fut soviétique, le vice-président américain a déclaré que Loukachenko et son administration recouraient à la fraude électorale et aux détentions arbitraires. Pour l’administration Bush, la Biélorussie représente « la dernière dictature » du Vieux Continent.

Vilnius était le bon endroit pour tenir des propos anti-russes. Les trois pays baltes, on le sait, redoutent encore leur grand voisin qui les a envahis à plusieurs reprises. Les présidents lituanien Valdas Adamkus et polonais, Lech Kaczynski, ont néanmoins tempéré les propos américains en assurant que la réunion n’était pas porteuse d’un message anti-russe. « C’était une rencontre sans la Russie, mais avec l’espoir que la Russie travaillera dans l’avenir avec nous, pour bâtir une communauté pacifique en Europe », a déclaré le président lituanien.

Javier Solana s’est pour sa part montré plus positif que le leader américain en souhaitant un engagement de la Russie à résoudre les conflits dans la région. Le chef de la diplomatie européenne a indiqué que l’UE poursuivrait ses efforts pour mettre un terme aux conflits au Nagorny Karabakh (avec l’Azerbaïdjan), en Transdniestrie (partie est de la Moldavie) et en Georgie. De son côté Dick Cheney donnait sa vision géopolitique de la région : « Le système qui a ramené l’espoir sur les bords de la Baltique (pays baltes, Pologne, ex-Allemagne de l’Est) peut apporter le même espoir sur les bords de la mer Noire ». Allusion cette fois à l’Ukraine et à la Géorgie, deux anciens pays de l’Est qui regardent avec insistance vers l’Ouest. Ces deux pays veulent entrer dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), organisation politico-militaire réunissant l’Europe et l’Amérique du nord, et rejoindre les pays membres de l’UE.

Deux chefs d’Etat, bulgare et roumain, présents à la réunion de Vilnius, ont rappelé qu’ils voulaient rejoindre l’Union européenne comme prévu, le premier janvier prochain, alors qu’il est question de retarder cet élargissement d’un an. « Nos pays peuvent apporter une énorme contribution à la production, au transport et aux livraisons de sources d’énergie », a déclaré le président bulgare Gueorgui Parvanov. La Bulgarie a un atout bien dans l’air du temps : le gazoduc Turquie-Autriche la traversera.    



par Colette  Thomas

Article publié le 05/05/2006 Dernière mise à jour le 05/05/2006 à 16:48 TU