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Soudan

Un accord au forceps

Signature de l'accord de paix pour le Darfour à Abuja. Minni Minawi (G.) de l'Armée de libération du Soudan serre la main du chef de la délégation de Khartoum, Majzoub Al-Khalifa.(Photo : AFP)
Signature de l'accord de paix pour le Darfour à Abuja. Minni Minawi (G.) de l'Armée de libération du Soudan serre la main du chef de la délégation de Khartoum, Majzoub Al-Khalifa.
(Photo : AFP)
L'Union africaine et les Etats-Unis ont obtenu la signature d'un accord de paix entre le gouvernement soudanais et le principal groupe de rebelles au Darfour. Cependant la situation dans cette province va demeurer incertaine.

De notre  correspondante au Nigeria

Dans une grande salle du palais présidentiel nigérian, les rebelles soudanais font face à des dizaines d’organisations internationales et de pays, au premier rang desquels les Etats-Unis. Pendant les rares moments de pause, les yeux rougis par la fatigue, ces représentants fument une cigarette ou font les cent pas. «Une telle pression internationale est rare» constate un diplomate. La nuit avance. Vendredi, à l’aube, la partie semble perdue. Mais coup de théâtre, deux heures plus tard, la faction du Mouvement de libération du Soudan dirigée par Minni Minawi accepte de signer le plan de paix sur le Darfour, fruit de deux ans de pourparlers dirigés par l’Union africaine. En fait de date butoir, fixée initialement au 30 avril, c’est sur un non franc et massif que la communauté internationale a buté.

Diplomates réjouis

Hier vendredi, à l’aube, le ouf de soulagement a résonné d’Abuja à Washington. En 2004, les autorités américaines avaient été les premières à qualifier la tragédie du Darfour de génocide. Récemment, l’acteur George Clooney a pris fait et cause pour les populations civiles de l’ouest du Soudan, les manifestations ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes. «Même les étudiants se mobilisent, le Darfour devient une question de politique intérieure» confie une source proche de la délégation américaine. La secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, avait de son côté déclaré : « Il est temps de secouer le cocotier »

Unanimement saluée, la médiation de l’Union africaine recueille les fruits de deux ans de travail. « L’Afrique peut traiter ses problèmes sérieusement, épaulée par la communauté internationale » a souligné le président nigérian Olusegun Obasanjo. Une manière de remettre dans son contexte un accord qui fait un peu figure de « Pax Americana ».

Rebelles convaincus à l’arraché

Face à des rebelles divisés, multipliant les erreurs tactiques, « Khartoum a joué impeccablement de ses cartes », souligne un observateur international. Mais selon le secrétaire d’Etat adjoint américain, Robert Zoellick, qui a mené les négociations de la onzième heure, « l’accord impose des obligations à Khartoum, notamment le désarmement des milices Djandjawid », accusées d’avoir commis de nombreuses atrocités à l’encontre des populations du Darfour. A la mi-octobre, ce désarmement devra être « complet et véritable ».

« Chef militaire transformé en dirigeant politique », unanimement salué, Minni Minawi et son mouvement ont obtenu  que soit fixé à 5 000 le nombre d’ex-combattants rebelles à réintégrer l’armée et la police soudanaise. Quelque 3 000 autres pourront bénéficier de formation. « Ces arrangements sécuritaires nous ont convaincu, c’est important pour nos combattants qui souffrent sur le terrain », a expliqué le porte-parole du MLS-Faction Minni, Saif Heddine Haruon.

Les irréductibles

Les deux autres mouvements ont été intraitables. Avec fracas, le Mouvement pour la justice et l’égalité a refusé de signer. Il pourrait être déclaré hors-la-loi par la communauté internationale, ses dirigeants sont passibles de sanction. Quant à Abdel Wahid Mohammed Al-Nour, le chef de l’autre faction du Mouvement de libération du Soudan, il a discuté pendant des heures avec le président nigérian. A la fin de la journée, Olusegun Obasanjo n’a pas caché son mécontentement quand Abdel Wahid et ses hommes sont revenus s’asseoir dans la grande salle. Se levant, le président nigérian s’est frayé un chemin dans la salle bondée, pour aller murmurer quelques mots à l’oreille du chef rebelle. Sa délégation a alors quitté la salle. Mais l’Union africaine laisse la porte ouverte, les mécontents pourront toujours prendre le train en marche.

Appliquer le plan de paix

Reste à savoir si ce plan de paix obtenu à l’arraché sera appliqué. « La méfiance entre le gouvernement et les rebelles se double d’une méfiance entre les rebelles eux-mêmes », souligne Henri de Coignac, envoyé spécial de la France. Déployés sur un territoire grand comme l’hexagone, les 7 000 soldats de l’Union africaine n’ont jamais pu faire respecter un cessez-le-feu. Les Etats-Unis préconisent l’envoi de troupes onusiennes, ce qui n’est pourtant pas encore d’actualité. Le temps presse, deux millions de déplacés de guerre vivent dans des conditions d’insécurité croissante, « la saison des pluies approchent et si les gens ne peuvent pas cultiver à temps, ils vont être forcer de rester dans les camps », souligne Samy Bock.

Il faut aussi compter avec le facteur tchadien. Le MJE et une partie des hommes de Minni Minawi sont des fidèles du président Idriss Déby. Ce dernier fait face à une rébellion soutenue par Khartoum. « Nous espérons que l’accord de paix pour le Darfour va favoriser la paix et la stabilité au Tchad », a souligné le Congolais Denis Sassou Nguesso, président en exercice de l’Union africaine. Le destin des deux voisins semble indissolublement lié.


par Virginie  Gomez

Article publié le 06/05/2006 Dernière mise à jour le 06/05/2006 à 15:21 TU

Audio

Saif Heddine Haruon

Porte-parole de la faction majoritaire du Mouvement de libération du Soudan

«Ce qui nous a convaincu ce sont les arrangements sécuritaires.»

[06/05/2006]

Denis Sassou N'Guesso

Président de l'Union africaine

«Dans les prochains jours, les prochains mois, il y aura ralliement total du peuple du Darfour pour ces accords de paix.»

[06/05/2006]

Robert Zoellick

Secrétaire d'Etat adjoint des Etats-Unis

«Il y a une obligation pour toutes les parties à respecter un cessez-le -feu.»

[06/05/2006]

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