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Cameroun

Dette : des attentes plein la tête

A Yaoundé on attend beaucoup de la réduction de la dette.DR
A Yaoundé on attend beaucoup de la réduction de la dette.
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Les Camerounais ont fondé de gros espoirs sur l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés ( PPTE). Le gouvernement joue de prudence. Les bailleurs de fonds, préoccupés par la lutte contre la pauvreté, en appellent à un combat plus hardi contre la corruption.

De notre correspondant au Cameroun

«  Tout ce que nous attendons, c’est l’augmentation de nos salaires ». A l’entrée du ministère de l’Economie  et des finances, une dame s’emporte. Elle est comme beaucoup d’autres fonctionnaires et agents de l’Etat, dont les salaires ont subi, en 1993,  une double baisse de l’ordre de 70%.  «  Le temps n’est plus aux discours. On attend les résultats sur nos fiches de paie », avance  un agent. Une semaine exactement après la décision des conseils d’administration de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, pas une seule administration où  l’on n’évoque les retombées de l’admission du Cameroun au point d’achèvement de l’initiative PPTE. Le temps est à l’expectative. Mais aussi au discours plus que prudent des autorités. Le président Biya en personne a donné l’exemple au lendemain de la décision de remise d’une partie de la dette extérieure du pays prévue dans les prochaines années, de la part des créanciers multilatéraux et bilatéraux. La réduction porte sur environ 1 400 milliards Francs CFA sur un total estimé à 5 000 milliards. Le président a salué «  cette importante décision », avant d’inviter les Camerounais «  à rester mobilisés dans la poursuite des réformes engagées pour que les acquis d’aujourd’hui soient le point de départ de nouvelles étapes dans la voie du progrès et du développement du Cameroun ». Une sobriété qui tranche net avec le discours gouvernemental avant l’échéance des 27 et 28 avril dernier. Le chef de l’Etat n’a même pas fait allusion à une revalorisation des traitements dans la fonction publique.

Pas encore d'augmentations de salaire

En début d’année, le gouvernement avait soumis  à l’appréciation des institutions de Bretton Woods, instaurant depuis plusieurs décennies une nouvelle politique monétaire internationale, l’idée d’une augmentation des salaires des fonctionnaires. Selon des sources proches de ces institutions à Washington, la Banque mondiale et le FMI, d’abord réservés, se seraient récemment montrés favorables à cette éventualité. Pas suffisamment pour en faire l’annonce formelle. «  Nous poursuivons l’étude de la question au sein du gouvernement. Nous ne voulons pas prendre une décision à la hâte pour ne pas tenir nos éventuels engagements auprès des fonctionnaires plus tard », explique une source bien informée dans l’entourage du Premier ministre.

Telle est d’ailleurs la nouvelle attitude des autorités : redimensionner les espoirs soulevés par le gouvernement autour de l’atteinte du point d’achèvement, qui avait pu justifier la hausse des taxes et celle consécutive des prix sur les marchés, ou même la flambée du prix des hydrocarbures suite à l’indexation des prix à la pompe sur les cours mondiaux, suivant la ferme recommandation du FMI. Autant dire que le gouvernement doit en un sens, se dédire. Et délivrer un discours plus modeste, comme d’autres acteurs. «  Le point d’achèvement n’apportera rien de décisif au quotidien des Camerounais. Ce n’est pas cette remise de la dette qui va résoudre nos problèmes », tranche Evariste Fopoussi, un haut cadre du Social Democratic Front , principal parti d’opposition, au sein duquel ce responsable est en charge des questions économiques.

Tout en nuances et en interpellations est le discours au sein de l’Union démocratique du Cameroun ( UDC): «  Si ces fonds sont bien gérés, cette remise de la dette peut avoir un impact positif sur les populations. Ne nous y trompons pas : l’atteinte du point d’achèvement est un  appel à gérer autrement les ressources. On nous invite à faire plus d’efforts de transparence et à mettre sur pied des institutions qui garantissent aussi bien la transparence que le contrôle et les sanctions pour les gestionnaires indélicats », souligne Adamou Ndam Njoya, le président de cette formation politique, deuxième force d’opposition à l’Assemblée nationale. Les partenaires du Cameroun en matière de développement ont exactement le même avis. Les chefs de mission diplomatique de l’Union européenne à Yaoundé ont dit avoir pris note «  avec satisfaction, des assurances données par le président de la République et du Premier ministre en ce qui concerne la lutte contre la corruption, la lutte contre la pauvreté au profit des populations les plus démunies, le progrès dans le domaine de la bonne gouvernance et les réformes judiciaires qui constituent les conditions préalables pour le développement socio-économique du pays, ainsi que pour l’assainissement des milieux d’ affaires, susceptibles de renouveler et renforcer la confiance d’investisseurs étrangers potentiels », selon un communiqué.

Le gouvernement sait qu’il n’a pas une grande marge de manœuvre en la matière : le pays est encore sous programme avec le FMI, dans le cadre d’un Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance ( FRPC), jusqu’en 2008.


par Valentin  Zinga

Article publié le 06/05/2006 Dernière mise à jour le 06/05/2006 à 17:21 TU