Pologne
L’extrême droite au gouvernement
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Varsovie
A l’issue de six mois de négociation, les conservateurs au pouvoir s’assurent la majorité au Parlement en pactisant avec le diable : il ont fait entrer vendredi au gouvernement l’extrême droite – La Ligue des familles polonaises, et les populistes de l’ancien syndicat paysan – L’Autodéfense. Les intégristes de la Ligue des familles, proches de la station de Radio Maryja, connue pour ses dérapages antisémites, décrochent deux postes : l'un de vice-Premier ministre en charge de l'Education attribué à leur leader, Roman Giertych ; l'autre poste de ministre est celui de la Pêche, un portefeuille créé pour l'occasion. Le patron de l’Autodéfense, Andrzej Lepper, devient, lui, vice-Premier ministre chargé de l'Agriculture. L’Autodéfense reçoit aussi le Travail et le Bâtiment. Le cabinet Marcinkiewicz, quasiment paralysé depuis sa formation en septembre faute de majorité, dispose désormais de 240 sièges sur les 460 de la chambre des députés.
« C’est la fin de l’espoir pour ceux qui attendaient une coalition entre le Droit et la justice, le parti conservateur au pouvoir, et la Plate-forme citoyenne (PO), le parti libéral », a déclaré Grzegorz Schetyna, le secrétaire général de PO, commentant la composition de la nouvelle équipe gouvernementale. PO est la formation qui est arrivée seconde aux dernières législatives et qui comptait s’allier aux conservateurs gagnants. Le président Lech Kaczynski, le frère jumeau du leader du parti conservateur le Droit et la Justice, a estimé pour sa part que la création d’une majorité stable rendra désormais possible les réformes inscrites au programme des conservateurs.
Des journaux très critiques
La presse polonaise critique sans appel la nouvelle coalition en rappelant le parcours douteux des nouveaux coalisés. Andrzej Lepper, 52 ans, un ex-boxeur, aujourd’hui propriétaire de 300 hectares, est connu pour ses sorties fracassantes à l’Assemblée, ses procès en diffamation et les blocages routiers qu’il organisait dans les années 90. Il a pourtant évolué et son discours anti-européen s’est adouci. En revanche Roman Giertych, le leader de l’extrême droite, reste campé sur ses positions : il voudrait que la Pologne quitte l’Union européenne, milite contre l’avortement, l’euthanasie et l’homosexualité. Le Dziennik, un nouveau quotidien lancé par le groupe allemand Axel Springer, a publié ce samedi, en première page, la photo du nouveau ministre de la Pêche – Rafal Wiechecki, le visage figé dans un méchant rictus. Cette photo a été prise en 1998. Rafal Wiechecki a été, à 19 ans, un supporter de foot et un membre actif de la Jeunesse de la Grande Pologne, une formation d’extrême droite connue pour ses actions brutales contre les féministes et les homosexuels. Cet avocat de formation est désormais une étoile montante de la Ligue des familles polonaises.
Jaroslaw Kaczynski, le leader du Droit et de la justice, rejette la responsabilité de cette coalition sulfureuse sur ses anciens alliés, aujourd’hui ennemis - les libéraux de la Plate-forme citoyenne - et explique sa décision par la nécessité de trouver une majorité au Parlement. Le Premier ministre tente quant à lui de minimiser la portée de ce remaniement en assurant que rien ne va changer et que le programme à réaliser reste le même. Tout le monde ne partage pas leur enthousiasme. D’après un sondage express effectué pour le Gazeta Wyborcza, le plus grand quotidien du pays, plus de 60% de Polonais seraient mécontents de voir le leader d’extrême droite Roman Giertych ainsi que le populiste Andrzej Lepper devenir vice-premiers ministres. Tous deux ont milité contre l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne, tous deux sont aujourd’hui vice-Premiers ministres. Des jeunes du Parti démocrate ont manifesté vendredi à Poznan et devant le palais présidentiel contre le nouveau gouvernement.
par Maya Szymanowska
Article publié le 07/05/2006 Dernière mise à jour le 07/05/2006 à 11:28 TU
