Union européenne
Angela Merkel pense au « plan B »
(Photo : AFP)
La chancelière allemande voit loin. Mais, avant que l’Allemagne ne prenne pour six mois la présidence de l’Union européenne (UE), Angela Merkel doit digérer le rejet l'année dernière de la Constitution européenne par la France et les Pays-Bas et tenir compte de la poursuite des ratifications du texte comme si de rien n’était - c’est le cas, tout récent, de l’Estonie. Elle doit aussi penser aux prochaines échéances électorales, notamment l’élection présidentielle en France, l’un des pays fondateurs de l'UE avec l’Allemagne.
C’est dans ce contexte politique que la chancelière allemande s’engage pour l’Europe. « Une nouvelle fondation de l’Union européenne est plus nécessaire que jamais », a déclaré Angela Merkel devant les députés du Bundestag. Prenant du recul, elle explique que la « supériorité » de l’idéal européen s’est confirmée face au système communiste. Pariant sur l’avenir, la chancelière estime que l’Union doit à nouveau faire ses preuves. Il s’agit de relever le défi de la mondialisation et de regarder ce qui se passe du côté des pays émergents.
L’Europe est en panne depuis un an, mais pour la chancelière allemande, l’ère de la glaciation ne semble pas venue. Angela Merkel veut garder les fondamentaux de l’ex-Constitution. L’Europe doit montrer au monde qu’elle peut défendre une politique « conforme à ses conceptions ». L’Europe doit également mener « une politique qui sait distinguer l’important de l’accessoire… mettre le citoyen au centre… l’Europe n’est pas seulement une communauté d’objectifs… elle s’est toujours fondée sur des valeurs communes », déclare encore Angela Merkel dans ce discours gouvernemental.
Préparer la présidence allemande
La chancelière allemande prépare également les six mois de présidence allemande pendant le premier semestre 2007 : l’Europe a « absolument besoin d’un traité constitutionnel », affirme Angela Merkel devant ses pairs. La veille de ce discours à Berlin, Angela Merkel s’était exprimée, à Bruxelles, sur la manière de sortir les 25 de l’impasse. Elle s’était prononcée contre toute « décision précipitée ». De la modération à Bruxelles, de l’élan dans sa capitale, la chancelière l’a toutefois souligné : c’est d’abord aux gouvernements des pays membres de convaincre leurs opinions publiques du bon côté des politiques communautaires, aussi bien en économie que sur le plan social.
« 2007 sera une année préparatoire et 2008 une année déterminante », affirmait pour sa part le président en exercice de l’UE, l’Autrichien Wolfgang Schüssel, à cette même réunion de Bruxelles autour du président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, pour trouver une stratégie et sortir de l’impasse. Ce dernier a pour sa part déclaré : « On doit respecter les pays qui ont dit non et qui ont dit qu’ils n’accepteraient pas que la question soit posée à nouveau », tout en sachant que les 15 pays qui ont ratifié la Constitution ne souhaitent pas l’enterrer.
Le président de la Commission semble, en tout cas, sur la même longueur d’ondes que le président actuel de l’Union, Wolfgang Schüssel. José Manuel Durao Barroso parle de 2008 comme d’« une année déterminante ». Et même s’il affirme que son calendrier n’a « pas de lien avec la politique intérieure française », deux élections importantes seront passées en 2008, en France et aux Pays-Bas, les deux pays du « non » . En plus, la seconde partie de 2008 se déroulera sous présidence française. Enfin, cette année-là, les discussions commenceront sur la refonte du budget européen. D’ailleurs, a expliqué José Manuel Durao Barroso, « les deux questions sont liées. Quand nous discutons budget, nous discutons de questions politiques et institutionnelles ».
En attendant, du concret
Tenir jusqu’en 2008 sans laisser se détricoter les politiques européennes à 25. José Manuel Durao Barroso y pense lorsqu’il propose aux dirigeants européens d’adopter, en 2007, une « déclaration politique » qui contiendrait les « valeurs et les ambitions de l’Europe » et permettrait de relancer la machine européenne pour un « règlement institutionnel ». Les mots « Constitution européenne » ne sont pas prononcés mais pour les spécialistes de la politique de l’UE, certaines réformes d’attente permettraient d’anticiper un éventuel retour (ou rejet ?) de la Constitution en actualisant des traités déjà adoptés. La Commission voudrait transférer la coopération judiciaire et policière contre la criminalité au niveau européen. Cette politique commune était prévue dans le nouveau traité. « Doit-on attendre une autre attaque terroriste en Europe pour changer les règles du jeu ? Même les plus sceptiques sont d’accord pour une approche plus européenne face au terrorisme ou à l’immigration », a expliqué le président de la Commission. Le droit de veto que chaque pays peut exercer dans les politiques judiciaire et policière serait supprimé.
L’équipe Barroso fait une autre proposition : la Commission pourrait transmette ses propositions aux Parlements nationaux. Ces derniers pourraient proposer leurs modifications. Chaque pays membre serait ainsi plus impliqué dans les politiques européennes. Les partisans de la Constitution voient dans ces mini réformes un enterrement possible de la Constitution. « En prenant des morceaux du traité constitutionnel, Barroso retarde la Constitution », a déclaré le social-démocrate allemand Jo Leinen, président de la commission constitutionnelle au Parlement européen. Du côté des conservateurs allemands, c’est le même son de cloche. Hans-Gert Pöttering, président du groupe conservateur à Strasbourg, a critiqué cette tentation de découper la Constitution en morceaux.
Les leaders politiques allemands semblent tous sur la même ligne, souhaitant sauver de l’oubli le nouveau traité. En attendant 2008, année décisive, les 50 ans du traité de Rome seront fêtés, l’année prochaine. La Commission souhaite faire de cet anniversaire un temps fort. Dans le même temps, elle veut entrer dans le concret pour montrer aux consommateurs l’utilité des politiques européennes. Il y a eu l’obligation, pour les compagnies aériennes, de verser des compensations aux passagers lorsque leurs vols sont en retard. Bruxelles a également obtenu de faire baisser le prix du « roaming », système permettant d’utiliser son portable dans un pays étranger. Et le marché unique de l’assurance devrait bientôt voir le jour. Là encore, les prix devraient baisser. Enfin dans le domaine social, une carte des droits devrait naître, sorte de protection sociale harmonisée. Avant les grands sauts de 2007 ou de 2008, la Commission voudrait que « l’Europe des résultats » occupe le devant de la scène.
par Colette Thomas
Article publié le 11/05/2006 Dernière mise à jour le 11/05/2006 à 17:24 TU