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Union européenne

Malgré tout, le club grandit

Au lendemain du report de la décision de Bruxelles sur l'adhésion de la Roumanie, Jose Manuel Barroso rencontre le Premier ministre roumain, Calin Popescu Tariceanu.(Photo : AFP)
Au lendemain du report de la décision de Bruxelles sur l'adhésion de la Roumanie, Jose Manuel Barroso rencontre le Premier ministre roumain, Calin Popescu Tariceanu.
(Photo : AFP)
La Roumanie et la Bulgarie attendront le mois d’octobre pour savoir si elles rejoindront, le premier janvier 2007, l’Union européenne. La Commission n’a pas pris sa décision à la date prévue. Et tandis que plusieurs pays parmi les plus «vieux» sont dans le désenchantement depuis le rejet de la Constitution, les candidats à l’adhésion, eux, semblent toujours aussi motivés.

Mardi, la Commission n’a pas tranché. Elle n’a pas décidé si la Roumanie et la Bulgarie adhéreront, comme prévu, le premier janvier prochain ou si l’entrée de ces deux pays dans l’Union sera retardée d’un an. Il en est question depuis plusieurs mois. Plusieurs pays membres ont plaidé en faveur d’un report, afin de « maintenir la pression » sur les deux pays pour qu’ils finalisent les réformes demandées. 

La Commission reporte donc sa décision de quelques mois. Au lendemain de cette annonce, José Manuel Durao Barroso a entamé une mini tournée dans les capitales des deux pays candidats. Il s’est rendu d’abord à Bucarest en compagnie du commissaire européen à l’Elargissement. « Nous sommes venus à Bucarest pour féliciter les Roumains de leurs progrès clairs et nets et pour transmettre un message d’encouragement et de confiance », a déclaré le président de la Commission, à l’occasion d’une conférence de presse, en présence du Premier ministre roumain Calin Tariceanu.

Faisant allusion au fait que la Commission n’a pas tranché, José Manuel Durao Barroso a indiqué : « Le moment est venu de montrer que vous êtes capables de faire un effort supplémentaire, même si cela va écourter vos vacances. Il est de notre devoir de nous assurer que la Roumanie est entièrement prête à adhérer à l’UE ». Le Premier ministre roumain s’est pour sa part déclaré « persuadé » que l’adhésion de la Roumanie était possible en janvier 2007. « Le rapport rendu mardi par la Commission nous mobilise. Nous avons déjà un plan d’action très bien mis au point. Dans les jours qui viennent, plusieurs équipes d’experts européens viendront en Roumanie afin de nous aider à rattraper le retard », a-t-il précisé.

Au cours des derniers mois, la Roumanie avait accéléré les réformes imposées par Bruxelles pour adhérer à l’Union. Bucarest a notamment amplifié la lutte contre la corruption et contre la criminalité organisée. Malgré ces efforts, l’Europe n’a pas confirmé le calendrier. La Commission estime qu’il y a encore trop d’écart entre les critères européens et roumains dans deux domaines : la  sécurité alimentaire et la pollution industrielle.

La Roumanie « plombée » par la Bulgarie

Au cours de son étape roumaine, José Manuel Durao Barroso l’a rappelé : la Commission souhaite que la Roumanie et la Bulgarie rejoignent en même temps les 25. La presse roumaine, mercredi, avait anticipé cette annonce, estimant que la Roumanie « perdait à cause de la Bulgarie ». Les journaux parlaient même de demi échec pour leur pays, en l’absence du feu vert espéré. En plus, un représentant de l’UE basé à Bucarest a laissé entendre, sous couvert d’anonymat, que « si la Roumanie avait été seule, elle aurait pu obtenir le feu vert de l’Union européenne pour 2007 ». Cependant, ce report de la décision européenne « peut envoyer un message bénéfique à la classe politique roumaine, particulièrement au Parlement », a encore expliqué ce représentant. Il a rappelé le manque d’enthousiasme de la majorité des élus roumains à réformer la justice et à prendre des mesures contre la corruption. Aujourd’hui, justice et affaires intérieures ont disparu de la liste des points noirs à régler par la Roumanie pour son projet d’adhésion.

Seconde étape du déplacement du président de la Commission : Sofia. Le report de la décision européenne sur l’adhésion de la Bulgarie « n’est pas une bonne nouvelle pour les milieux d’affaires qui ont investi pour répondre aux exigences de l’UE », a déclaré Bojidar Bojinov, le président de la Chambre de commerce et d’industrie. La Bulgarie a été mise en demeure de réformer sa justice pour que la lutte contre le crime organisé donne des résultats. Au cours de sa courte visite, le président de la Commission européenne a déclaré qu’une adhésion de la Bulgarie en 2007 est « faisable » si le pays répond à « la priorité des priorités » qui est de rendre sa justice efficace.

Au lendemain du report de la décision des 25, le Premier ministre bulgare a décrété la « mobilisation extrême ». Serguei Stanichev a même promis « des temps difficiles pour ceux qui sont habitués à violer les règles et à vivre dans la corruption et la criminalité ». Le procureur général bulgare a annoncé de son côté que le parquet et la police étaient en train d’enquêter sur « des figures emblématiques du trafic de drogue et de la fraude ».

La Commission estime que six points noirs persistent, empêchant l’entrée de la Bulgarie au sein de l’Union, trois relevant du domaine judiciaire. Cet inventaire n’est pas de pure forme. Bruxelles a menacé de faire de la « rétention des paiements » si la bonne utilisation des fonds européens n’est pas garantie. Leur versement est programmé avant l’adhésion. Ils sont destinés à aider le pays à mettre sa législation en accord avec celle des pays membres. Ces financements figurent déjà dans les budgets prévisionnels 2007 des entreprises, a encore précisé le responsable de la Chambre de commerce et d’industrie de Sofia.

Le FMI est de la partie

Le Fond monétaire international (FMI) est lui aussi en train d’imposer une discipline à l’économie bulgare dans la perspective de son adhésion à l’UE. En contrepartie, l’organisation financière internationale a promis son aide à Sofia en cas de nécessité. Mercredi, l’accord a été prolongé entre le gouvernement et le FMI. Ce dernier a demandé à Sofia, à la suite du report de la décision de Bruxelles, « une amélioration du climat des affaires », une accélération des réformes du marché du travail, du secteur de l’éducation, du système de santé, ainsi que la privatisation du secteur de l’énergie.

Si la Commission prend son temps pour décider de nouvelles adhésions, cela montre une évolution, estime une analyste du centre d’études de la politique européenne, basé dans la capitale belge. « Avant, la Commission était soucieuse de respecter les délais fixés, aujourd’hui elle veut beaucoup plus montrer que le processus est sous contrôle et que chacun doit totalement remplir son contrat ».

« C’est une question relative à la fameuse capacité d’absorption de l’UE », a pour sa part commenté le commissaire à l’Elargissement, Olli Rehn. Ce concept a été inventé lorsque les négociations d’adhésion ont commencé avec la Turquie, ce qui avait provoqué des réactions de rejet de plusieurs hommes politiques, d’opinions publiques, au sein des 25.

Au moment où l’adhésion de deux pays des Balkans est en question, les pays ayant rejoint l’UE en 2004 commencent à entrer dans la zone euro. C’est le cas de la Slovénie. Elle remplit tous les critères imposés par le traité de Maastricht. Avec l’entrée de la Slovénie dans la zone euro le premier janvier 2007, « ce sera le premier élargissement de la zone euro depuis le lancement de la monnaie unique (1999) », a indiqué Joaquin Almunia, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires. Ljubljana deviendra le treizième membre de la zone euro, le premier janvier 2007. Auparavant, le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement aura entériné le feu vert de la Commission.

En revanche la candidature de la Lituanie à rejoindre la zone euro est pour le moment rejetée en raison d’une hausse des prix légèrement supérieure au niveau de référence, hausse qui est en train de s’accélérer. Le gouvernement lituanien a vivement contesté la décision prise par la Banque centrale européenne (BCE) et par la Commission. « Le gouvernement est d’avis que l’entrée dans la zone euro ne devrait pas être retardée pour un pays dont l’économie se développe rapidement ». Les économistes estiment que l’application, à la lettre, des critères, est injuste. Son inflation dépasse de 0,2% la limite maximale autorisée. Et son déficit est contenu à 0,5 % de son produit intérieur brut (PIB), résultat qui a de quoi faire envie à plusieurs grands pays de l’Union. 

Tandis qu’un pays fondateur comme la France ose à peine parler encore d’Europe depuis le « non » au référendum de 2005, d’autres croient encore aux bienfaits de l’Union, qu’elle soit politique ou monétaire.      


par Colette  Thomas

Article publié le 17/05/2006 Dernière mise à jour le 17/05/2006 à 16:57 TU