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Union européenne

La Macédoine fait un pas vers l’adhésion

La ministre macédonienne chargée de l'Intégration européenne, Radmila Sekerinska, le Premier ministre macédonien  Vlado Buckovski, la ministre des Affaires étrangères macédonienne Ilinka Mitreva, et le représentant de l’Union en Macédoine, Ervan Fuere (de gauche à droite), dans les rues de Skopje après l’annonce par l’union européenne d’accorder le statut officiel de pays candidat à la Macédoine.(Photo : AFP)
La ministre macédonienne chargée de l'Intégration européenne, Radmila Sekerinska, le Premier ministre macédonien  Vlado Buckovski, la ministre des Affaires étrangères macédonienne Ilinka Mitreva, et le représentant de l’Union en Macédoine, Ervan Fuere (de gauche à droite), dans les rues de Skopje après l’annonce par l’union européenne d’accorder le statut officiel de pays candidat à la Macédoine.
(Photo : AFP)
Le Conseil européen a décidé d’accorder à la Macédoine le statut officiel de pays candidat. Même si aucun calendrier de négociation n’a été fixé, c’est un grand pas pour la Macédoine et un signal positif pour les autres pays des «Balkans occidentaux».

A Skopje, l’heure est à la satisfaction après l’annonce de la décision de l’Union européenne d’accorder le statut de pays candidat à la Macédoine. Le Premier ministre, Vlado Buckovski, a annoncé la bonne nouvelle aux citoyens, en commentant : «Nous savons maintenant que nous avons des amis au cœur de l’Europe».

La Macédoine revient de loin. La candidature a bien failli faire les frais des dissensions européennes, et le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, lors de son récent séjour dans les Balkans, s’était officiellement prononcé contre l’octroi du statut de candidat à la Macédoine. La France plaidait, en effet, contre la perspective d’un nouvel élargissement trop rapide de l’Union. «La Macédoine est un pays méritant à appuyer, mais il faut être responsable et se donner le temps nécessaire», avait déclaré Philippe Douste-Blazy, provoquant la colère de la presse macédonienne. Le quotidien Utrinski Vesnik se demandait ainsi si la Macédoine n’était pas devenu «le minuscule prétexte à de vastes marchandages au sein de l’Union».

La discussion des Européens n’a pas tourné autour de l’avancée réelle des réformes engagées par la Macédoine, mais de la signification politique du geste. L’octroi du statut de candidat représente de toute façon une étape plus formelle que pratique, et le chemin vers l’adhésion de la Macédoine sera encore long. Une vieille polémique fait d'ailleurs toujours rage sur le nom du pays, que la Grèce refuse de reconnaître sous l’appellation de «République de Macédoine», ce terme faisant, selon Athènes, exclusivement partie du patrimoine hellénique. Le Premier ministre grec, Costas Caramanlis, a cependant déclaré à des journalistes de son pays, à Bruxelles, qu’il espérait qu’un compromis pourrait être trouvé sur cette question durant la période des négociations avec Skopje.

Un pays fragile

C’est donc un évident réalisme qui a caractérisé la décision du sommet européen. Quatre ans après le conflit déclenché par la guérilla albanaise en 2001, la Macédoine demeure toujours un pays extrêmement fragile. La mise en œuvre des dispositions des accords de paix d’Ohrid demeure difficile. Ces accords prévoient notamment une égalité constitutionnelle entre la majorité macédonienne (65% de la population totale) et les autres communautés nationales du pays (Albanais, qui représentent 25%, Turcs, Roms, Serbes, etc), mais aussi une décentralisation poussée du pouvoir, pas évidente à concevoir dans un petit pays de 25 000 km2 et de 2 millions d’habitants !

La Macédoine reste toujours fortement dépendante de son contexte régional. La perspective des négociations qui viennent de s’ouvrir sur le statut final du Kosovo entraîne un risque majeur de déstabilisation. Un Kosovo indépendant pourrait, en effet, avoir un irrépressible effet d’attraction sur la minorité albanaise de Macédoine. Mais à l’inverse, si l’option de l’indépendance était repoussée ou ajournée, les stratèges du nationalisme albanais pourraient être tentés, comme en 2001, de jouer la carte de la déstabilisation dans des pays comme la Macédoine. Skopje ne serait pas insensible et pourrait, selon certaines sources, se rallier à l’option de l’indépendance, en négociant des garanties de stabilité avec les représentants albanais du pays, notamment avec le Mouvement pour l’intégration démocratique (BDI), désormais partenaire de coalition gouvernementale des Sociaux-démocrates macédoniens, et qui regroupe l’essentiel des anciens guérilleros de l’UCK.

Un bon signal pour les pays de la région

La porte ouverte à la Macédoine est un bon signal pour l’ensemble des pays de la région. En juin 2003, le sommet européen de Thessalonique avait affirmé la «vocation» de tous les pays des «Balkans occidentaux» à entrer dans l’Union. Pour l’instant, seule la Slovénie a rejoint le club européen. La Bulgarie et la Roumanie doivent conclure leur adhésion en 2007, et la Croatie qui a déjà le statut de candidat, pourrait bénéficier de négociations accélérées lui permettant d’adhérer dès 2008 ou 2009. L’Albanie et les autres républiques post-yougoslaves - la Serbie-Monténégro et la Bosnie-Herzégovine - restent plus en retrait, tandis que le sort du Kosovo demeure hautement incertain. De même, on ne sait pas si un lien sera maintenu entre la Serbie et le Monténégro, et si ces Républiques prétendront donc ensemble ou séparément à l'adhésion européenne.

La «carotte» européenne apparaît pourtant comme la meilleure garantie pour prévenir le risque de nouveaux éclatements sanglants. Alors que la révision du cadre constitutionnel défini par les accords de Dayton paraît incontournable en Bosnie-Herzégovine, et qu’un consensus règne dans la communauté internationale pour régler au plus vite le statut du Kosovo, les Balkans se trouvent à nouveau à un tournant. Et l’Europe prendrait de très grands risques à leur fermer la porte.


par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 18/12/2005 Dernière mise à jour le 18/12/2005 à 20:11 TU