Chine
La nouvelle Grande Muraille
(Photo: AFP)
C’est la fin des travaux de génie civil, c’est-à-dire la construction en tant que telle de l'immense barrage de 2 309 mètres de long. Mais il faudra encore plus de deux ans pour que celui-ci soit opérationnel, en 2008. Il reste à installer les derniers générateurs ainsi que les structures et l'écluse qui permettront aux navires d'emprunter le réservoir formé par le barrage.
Oeuvre titanesque, elle dresse un mur de béton de 185 mètres de haut contre les eaux de l'ancien Fleuve Bleu, créant ainsi une retenue de 39 milliards de m3. Vingt-sept millions de mètres cubes de béton auront été nécessaires à sa construction. « Le barrage des Trois Gorges est une excellente preuve de ce que les Chinois peuvent accomplir », a exulté Cao Guangjing, vice-président de la société China Yangtze Three Gorges Project Development Co. « Ce projet va inspirer le peuple chinois », a-t-il assuré.
Quelque 1,13 million de personnes déplacées
« J'ai commencé en 1993, sorti tout droit de l'université et je n'ai pas bougé d'ici depuis », témoigne Wang Zilin, un ingénieur de 43 ans. « C'est toute ma vie. J'ai même rencontré ma femme ici ». La construction est destinée à domestiquer les eaux du plus long fleuve du pays, le Yangtsé (6 360 km), dont les crues sont souvent meurtrières. En 1998, l'une d'elles avait fait fuir des millions de foyers, tuant plus de 1 500 personnes. Dans les années 1930, deux inondations encore plus importantes avaient chacune causé plus de 140 000 morts.
A l'heure où la croissance galopante de la Chine semble ne connaître aucun répit, le barrage a également pour but de lever les craintes de pénurie énergétique. Vingt-six groupes turbo-alternateurs produiront chaque année 84,7 milliards de kilowatts/heure. D'ores et déjà, tandis que la production n'a pas encore atteint son maximum, l'énergie fabriquée égale celle du barrage d'Itaïpu, jusqu'alors la plus grande centrale hydroélectrique du monde située à la frontière du Brésil et du Paraguay.
Le barrage va également permettre aux navires marins de s'enfoncer jusque vers l'immense métropole de Chongqing, de plus de trente millions d'habitants, ouvrant ainsi le « Far West chinois » à un développement économique dont son isolement l'avait jusqu'à présent largement privé.
Le projet a cependant été vivement critiqué pour son impact sur l'environnement, le patrimoine architectural et les populations locales. Quelque 1,13 million de personnes ont dû être déplacées, dont des communautés qui, parfois, vivaient dans la région depuis des millénaires. Et les transferts pourraient ne pas être terminés. L'organisation écologique Les Amis de la Terre évaluent ainsi à « près de 2 millions » le nombre de déplacés « avec des réinstallations (qui) se font parfois à la matraque et au bulldozer », ajoute l'ONG, dénonçant des « violations des droits humains brutales et massives. »
par Philippe Quillerier (avec AFP)
Article publié le 21/05/2006 Dernière mise à jour le 21/05/2006 à 10:38 TU