Australie/Chine
De l’uranium australien pour la Chine
(Photo : AFP)
La Chine, en raison de son boum économique, a de gros besoins en énergie. Cet immense pays est le deuxième consommateur mondial d’énergie, estiment les experts. Fin mars, le Premier ministre Wen Jiabao dévoilait sa stratégie afin de répondre à la demande en énergie de son pays. Et s’il est prévu, dans le 11ème plan, de faire des économies d’énergie, la relance du nucléaire est également programmée. La Chine a construit neuf centrales, dont la capacité de production frôle les 7 000 mégawatts. Le nucléaire représente 2% de la production totale d’électricité chinoise. Cette part devrait passer à 4% en 2020. Le programme prévoit la construction de deux à trois réacteurs par an.
Dans le secteur de l’énergie nucléaire, les investissements sont lourds et programmés longtemps à l’avance. Avec ces projets de réacteurs, la Chine sait qu’elle aura besoin de plus de combustible nucléaire. Il lui faut donc de l’uranium, dont l’Australie est riche, afin de fabriquer ce « carburant » indispensable aux centrales nucléaires. En signant un accord, à Canberra, en Australie, avec le Premier ministre australien John Howard, le Premier ministre chinois Wen Jiabao sécurise l’approvisionnement de son pays en uranium. Il obtient un accès aux immenses réserves australiennes et entre dans le club des clients sélectionnés par Canberra.
Un accord sur « la coopération dans l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire » a été signé entre les deux pays, sous la houlette de leurs chefs de gouvernement respectifs. Cet accord politique était l’une des conditions posées par l’Australie pour exporter de l’uranium en Chine. « L’accord que nous avons entériné aujourd’hui fournit des garanties pour une coopération nucléaire à des fins pacifiques », a expliqué le Premier ministre chinois au cours d’une conférence de presse conjointe avec John Howard.
Deux partenaires dans le TNP
L’Australie et la Chine ont toutes deux signé le Traité de non prolifération (TNP), chargé de limiter les risques de guerre nucléaire tout en favorisant l’usage pacifique de l’atome. L’Inde, qui a tout récemment obtenu des concessions de la part de George W. Bush, à l’occasion de sa visite à New Delhi, n’a pas eu la même chance avec l’Australie. Si le président américain a décidé de passer outre le boycott instauré par son pays et de fournir du combustible à New Delhi, le gouvernement australien n’a pas la même attitude. Le voyage, début mars, dans la capitale indienne, du chef du gouvernement australien n’a pas donné les résultats escomptés par l’Inde. Comme cette dernière n’a pas signé le TNP, l’Australie applique un embargo sur la fourniture d’uranium. « Nous n’allons sûrement pas changer notre politique en la matière, juste parce que les Indiens et les Américains sont parvenus à un accord », avait déclaré John Howard, au moment de son voyage en Inde.
A Canberra, le Premier ministre chinois a déclaré que son pays était un membre responsable de la communauté internationale et qu’il respecterait les règles établies par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) comme les principes établis par le TNP. Se disant « satisfait », John Howard a promis que « les garanties seront respectées ».
Des organisations écologistes australiennes avaient par avance critiqué cet accord, accusant la Chine de vouloir détourner de l’uranium pour développer son armement nucléaire. En Australie, le Premier ministre Wen Jiabao s’est voulu rassurant. Il a souligné qu’au cours des 20 dernières années, la Chine a réduit les effectifs de son armée de 1,7 million d’hommes et que la part du Produit intérieur brut (PIB) affectée aux dépenses militaires a baissé. Avec 2,3 millions de soldats, l’armée chinoise reste cependant la première force militaire mondiale. Pékin a récemment annoncé une hausse de 14,7% de son budget militaire pour 2006, après l’avoir déjà augmenté en 2005. « La modeste hausse des dépenses militaires de la Chine vise principalement à améliorer le bien-être de ses soldats, à renforcer sa capacité de défense et à garantir la réunification nationale », a expliqué le chef du gouvernement chinois au cours d’un déjeuner de travail.
Un accord bouleversant
Des responsables australiens estiment que, dans les années à venir, 20 000 tonnes d’uranium australien seront exportées chaque année vers la Chine. Cette estimation représente le double de la production actuelle de l’Australie. Les premières livraisons devraient intervenir aux alentours de 2010. Le ministre australien des Ressources et de l’Industrie, Ian Macfarlane, a indiqué que les besoins à court terme de la Chine pourraient être en partie satisfaits par la production des mines d’uranium existantes, mais qu’il faudrait « une expansion substantielle » de l’industrie australienne de l’uranium pour fournir les quantités requises à long terme par la Chine. Le carnet de commande du secteur est plein jusqu’en 2008, a encore précisé le ministre australien.
« De toutes les relations importantes que l’Australie entretient avec d’autres pays, aucune n’a subi des transformations aussi profondes lors de ces dix dernières années que nos relations avec la Chine », avait déclaré, avant même la signature de l’accord, le Premier ministre australien. Laissant de côté la question des droits de l’Homme, John Howard et Wen Jiabao, au cours de la visite du responsable chinois, ont mis l’accent sur leur volonté de progresser vers un accord de libre-échange.
L’Australie a, pour le moment, seulement trois mines d’uranium en exploitation. L’une d’entre elles se trouve a ux abords du parc national de Kakadu, dans les Territoires du Nord, sur des terres appartenant aux aborigènes. Ils ne semblent pas avoir donné l’autorisation de prospecter le gisement, situé à 250 kilomètres de Darwin, un gisement auquel s’intéresse l’industrie minière française.
Peu de temps avant la finalisation de l’accord entre les chefs de gouvernement australien et chinois, un journal australien annonçait l’arrivée d’une holding de Hong-Kong, CITIC Pacific, contrôlée par le gouvernement chinois, dans le capital de la compagnie privée australienne Mineralogy. Avec cette transaction qui tourne autour du milliard de dollars, CITIC Pacific a pris une option d’achat sur un gisement de fer situé dans l’ouest de l’Australie. L’accord porte également sur l’extraction de magnétite, un minerai aux propriétés magnétiques. Selon le patron de Mineralogy, cité par West Australian, cet investissement chinois couronne vingt années d’efforts pour trouver des débouchés à cette mine de fer australienne.
A Pékin, le président Hu Jintao et son homologue turkmène Saparmourat Niazov ont eux aussi signé, ce lundi, un accord dans le domaine de l’énergie. Le Turkménistan va fournir du gaz à la Chine. Les deux pays vont également construire le gazoduc pour transporter le gaz du pays producteur au pays consommateur. Aucun détail n’a été fourni sur le contenu de cet accord. La Chine, en tout cas, cherche à nourrir sa forte croissance en trouvant de nouvelles ressources en énergie et en matières premières.
par Colette Thomas
Article publié le 03/04/2006 Dernière mise à jour le 03/04/2006 à 17:23 TU