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Koweït

L’émir convoque des élections anticipées

L'émir du Koweït Cheikh Sabah Al Ahmed Al Sabah a dissous le Parlement et décidé de convoquer des élections anticipées pour sortir de la crise politique que traverse le pays.(Photo : AFP)
L'émir du Koweït Cheikh Sabah Al Ahmed Al Sabah a dissous le Parlement et décidé de convoquer des élections anticipées pour sortir de la crise politique que traverse le pays.
(Photo : AFP)
Après dix jours de bras de fer entre gouvernement et députés de l’opposition autour d’un projet de réforme du système électoral, Cheikh Sabah Al Ahmed Al Sabah a annoncé la dissolution du parlement. La nouvelle assemblée sera élue le 29 juin prochain, lors d’un scrutin législatif auquel les Koweitiennes participeront pour la première fois.

De notre correspondant dans le Golfe

L’intervention à la télévision dimanche soir n’aura duré qu’une dizaine de minutes, le temps pour l’émir d’annoncer « une décision difficile » qu’il n’aurait « jamais souhaité prendre ». « Il était de mon devoir de préserver la sécurité, la stabilité et l’unité nationale du pays », a solennellement expliqué Cheikh Sabah Al Ahmed Al Sabah, avant de sonner la charge contre l’opposition parlementaire. Selon lui, « certaines pratiques avaient dévié du comportement normal ».

Dans sa ligne de mire, 29 députés libéraux, islamistes et nationalistes, regroupés au sein d’une nouvelle « Alliance pour le changement » et engagés dans un bras de fer avec le gouvernement depuis une dizaine de jours. En cause, un projet de réforme de la loi électorale déposé par son neveu, le Premier ministre. Dans la perspective des législatives de 2007, Cheikh Nasser Al Ahmed proposait de réduire le nombre de circonscriptions de 25 à 10. Sur le principe, l’Alliance était d’accord mais en exigeait cinq seulement, afin « d’empêcher vraiment la fraude, en particulier l’achat de voix dans des zones où il y a peu d’électeurs », pour citer un de ses membres. Le gouvernement a refusé de revoir sa copie.

Mobilisation dans et hors du parlement

Appuyé par des députés conservateurs et ceux issus de la minorité bédouine, le Premier ministre a au contraire fait renvoyer le texte devant le tribunal constitutionnel pour le faire valider et gagner du temps. Dans la foulée, il a aussi convoqué une séance extraordinaire ce lundi, pour forcer le débat et l’examen du projet de loi. Deux initiatives qui ont provoqué l’ire des députés de l’opposition et leur mobilisation dans et hors de l’enceinte du parlement.

Dans l’assemblée, grâce à une courte majorité, leur coalition a obtenu la convocation du chef du gouvernement pour une séance de question, une première dans l’histoire de la monarchie pétrolière où des ministres ont déjà été interrogés, mais jamais leur chef. A l’extérieur de l’édifice, ils ont galvanisé leurs supporters en annonçant le boycott de la séance extraordinaire de ce lundi, en dénonçant aussi « un gouvernement composé d’éléments corrompus qui bloquent une réforme profonde », selon un vétéran, le député Ahmed Al Saadoun. Conséquence de cette escalade, une crise politique sans précédent et un climat de tension comme l’émirat n’en n’avait pas connu depuis bien longtemps. La semaine dernière, la police était même intervenue pour encadrer des protestataires décidés à camper aux abords du parlement.

Combats d’ego et place des femmes

Pour ramener le calme, l’émir arrivé sur le trône il y a seulement 5 mois après une succession difficile, a préféré trancher et dissoudre l’assemblée, c’est la quatrième fois depuis l’indépendance de l’ancien protectorat britannique. « On peut ne pas être d’accord mais sans devenir hostile, on peut critiquer mais sans diffamer », s’est justifié Cheikh Sabah Al Ahmed Al Sabah, dans son allocution télévisée. Le Premier ministre garde donc sa confiance et reste en place, les députés retourneront eux devant les électeurs, dans 25 circonscriptions puisque la réforme du découpage électoral tant réclamé n’a pu aboutir.

« Certains penseront que la décision de l’émir entrave la route du Koweït vers la démocratie mais il est bien connu que des députés ont abusé de leur position », écrivait lundi matin Abdelrahmane Alyan, l’éditorialiste du Kuwait Time. Même critique de la part d’Ali Al Bagli, ancien ministre du Pétrole. Dans les colonnes de l’autre grand quotidien anglophone du pays, il dénonçait le « manque de coopération des députés avec le gouvernement ». Autre son de cloche en revanche chez un parlementaire de l’opposition : pour Abdulwahab Al Haroun, la décision de l’émir est «constitutionnelle mais néanmoins  injuste, car c’est le gouvernement qui a mené le pays à la crise ».

Seule voix discordante dans cette ambiance de règlement de compte, celle des femmes. Un an après avoir obtenu la reconnaissance de leurs droits politiques, mais douze mois avant l’échéance prévue, elles pourront voter et se présenter aux élections anticipées du 29 juin. « Chaque camp a montré son obstination sur cette affaire de circonscriptions, c’est un affrontement d’ego et non une confrontation d’idées », commente Khawala Al Attequi, une militante qui regrette que la bataille pour faire entrer les femmes au parlement se déroule « dans un climat politique défavorable »  et « sans voir eu le temps de se préparer ».


par Aurélien  Colly

Article publié le 22/05/2006 Dernière mise à jour le 22/05/2006 à 15:44 TU