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Défense américaine

Un poste avancé en Europe

Selon le New York Times, les Etats-Unis enivsageraient d'installer un bouclier antimissile en Europe centrale. Ici, un missile Patriot.(Photo : www.wsmr-history.org)
Selon le New York Times, les Etats-Unis enivsageraient d'installer un bouclier antimissile en Europe centrale. Ici, un missile Patriot.
(Photo : www.wsmr-history.org)
La guerre des étoiles revient. Fini le grand projet -avorté- lancé par le président Reagan dans les années 80. Cette fois, Washington veut construire une barrière anti-missiles en Europe dans le but d’intercepter des missiles iraniens. Selon les informations publiées par la presse américaine et britannique, le projet serait très avancé entre les Etats-Unis et un pays d’Europe de l’Est. La République tchèque dément mais la Pologne, avec laquelle le projet semble presque finalisé, se tait.

« Installer une base anti-missiles des Etats-Unis sur le territoire de certains pays européens est juste une idée, il n’y a eu aucune proposition concrète ». Cette mise au point du ministère tchèque de la Défense fait suite aux informations publiées par la presse américaine et relayées par la presse britannique. Les quotidiens anglophones expliquaient que les Américains étaient à la recherche d’un site, dans un pays d’Europe de l’Est et donc membre de l’Union européenne, pour y installer une barrière antimissile. 

Si le démenti vient de Prague, c’est probablement parce que le projet ne se fera pas avec la République tchèque. Dans son édition de lundi, le New York Times explique qu’elle a évité toute discussion publique sur le sujet. Le gouvernement redouterait l’impact d’une telle décision sur les élections législatives de juin prochain. Varsovie, pour sa part, n’a pas démenti.

Pour le New York Times, c’est en effet avec la Pologne que les négociations sont les plus avancées. Début avril, une délégation américaine, composée de représentants du département d’Etat et du Pentagone, était à Varsovie pour discuter du choix du site. Les Polonais sont intéressés, leur ministre des Affaires étrangères l’a dit publiquement. A l’époque, la presse polonaise s’interrogeait sur les bienfaits de cette décision. Puis le ministre polonais de la Défense Radoslaw Sikorski a indiqué qu’il avait rencontré Donald Rumsfeld, la semaine dernière, à Washington. Dans le même temps, des diplomates américains en poste dans la capitale polonaise ont rencontré des représentants de l’opposition pour les tenir au courant du projet. Enfin, selon la presse polonaise, la firme américaine Boeing serait mandatée par le gouvernement américain pour réaliser le projet. Des entrepreneurs polonais seraient associés à la construction de cet équipement militaire. Le constructeur aéronautique américain n’a pas confirmé ces informations publiées par la presse polonaise.

La Pologne, la plus proche des Américains

Le projet de bouclier spatial anti-missiles de la guerre des étoiles fut inventé à l’époque du président Reagan, dans les années 80. Il n’a pas progressé au rythme escompté, faute d’argent et de motivation. La menace d’une attaque de missiles ne s’était pas confirmée. Cependant, après le choc des attentats du 11-Septembre, en décembre 2002, le président Bush relance le projet de bouclier pour protéger les Etats-Unis. Il décide alors de déployer des missiles intercepteurs sur tout le territoire américain.

Si le 11-Septembre a montré la vulnérabilité des Etats-Unis, l’événement a également fait savoir que le danger venait de bien plus loin, du Moyen-Orient et plus globalement d’une région située aux confins de l’Europe et de l’Asie. Comme cette fois encore, le bouclier va coûter cher, ne suscite pas l’enthousiasme des Américains, et que le Canada voisin ne veut pas y participer, pourquoi ne pas délocaliser le projet au plus près des tensions ?

Les stratèges américains savent que les missiles iraniens n’ont pas une portée assez longue pour atteindre les Etats-Unis. Mais ils savent également que Téhéran peut travailler avec la Corée du Nord pour réduire ce handicap. Installer cette barrière anti-missile sur le sol européen, c’est prendre les devants.

La Pologne serait donc le pays où le projet d’implantation de cette barrière serait le plus avancé. Varsovie n’a jamais caché son désir de se rapprocher des Etats-Unis. C’est le cas également de la plupart des pays de l’ancienne Europe de l’Est, jadis intégrés dans le Pacte de Varsovie, l’organisme de défense soviétique. Les séquelles laissées par l’histoire sont tenaces et la peur demeure que la séparation d’avec Moscou soit fragile. Du coup, les coopérations militaires se sont multipliées entre les Etats-Unis et ces pays, dont le plus grand nombre est désormais membre de l’Union européenne.

Varsovie est située à moins de 3 000 kilomètres de Téhéran alors que la capitale iranienne est à plus de 10 000 kilomètres de Washington. A la vitesse où avancent les missiles actuels, les 3 000 kilomètres laisseraient quelques heures à la Pologne pour voir venir. Pour les Américains, installer une dizaine d’intercepteurs de missiles en Pologne leur assurerait une maîtrise plus importante de la situation au Moyen-Orient, en particulier en Iran.

Il est donc question que des militaires américains s’installent dans ce pays qui a une longue frontière avec la Russie. Même si Moscou a été informé et même si le projet n’est pas de grande ampleur, les réactions sont négatives en Russie. Les dirigeants russes soupçonnent les Américains d’hostilité à leur égard.

La Russie a laissé l’Union européenne grandir et l’Otan s’étendre jusqu’à sa frontière. L’arrivée d’une unité militaire américaine sophistiquée, qui s’installerait dans un pays voisin et pour surveiller -si ce n’est provoquer- un pays ami, l’Iran, irrite Vladimir Poutine. L’Union européenne pour sa part, absorbée par le référendum au Monténégro, n’a pas encore réagi.


par Colette  Thomas

Article publié le 22/05/2006 Dernière mise à jour le 22/05/2006 à 17:51 TU

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François Heisbourg

Conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique

«Les observateurs savaient depuis deux ou trois ans que les Américains avaient fait des approches pour obtenir un site dans le sud de la Pologne et que de telles approches avaient pu être faites en République tchèque.»

[22/05/2006]

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