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Afghanistan

Les talibans attaquent

Au moment où les troupes de l’Otan se déploient dans le sud et l’est de l’Afghanistan, passant de 9 000 à 20 000 hommes, les attaques de ces cinq derniers jours inquiètent la communauté internationale.(Photo : AFP)
Au moment où les troupes de l’Otan se déploient dans le sud et l’est de l’Afghanistan, passant de 9 000 à 20 000 hommes, les attaques de ces cinq derniers jours inquiètent la communauté internationale.
(Photo : AFP)
Près de 300 morts en cinq jours de combats. C’est le très lourd bilan des affrontements entre rebelles et forces de sécurité dans le sud afghan. Plusieurs opérations massives des forces de la coalition en quatre ans n’auront finalement pas permis d’en finir avec la résistance au processus de paix. Les talibans, associés aux trafiquants d’opium, sont de mieux en mieux organisés. Ils n'ont certes pas les moyens de reprendre le contrôle du pays, mais leurs opérations mettent le processus de paix en danger. Ce sont les combats les plus violents en Afghanistan depuis la chute du régime fondamentaliste, fin 2001.

De notre correspondant dans la région

« Ils ont l’avantage du terrain qu’ils connaissent, ils se cachent dans les villages. Il ne s’agit pas d’une guerre conventionnelle, mais d’une guérilla, qui ressemble de plus en plus à l’Irak », affirmait samedi un expert à Kaboul. Malgré le soutien aérien américano-britannique et l’envoi de centaines de policiers et soldats afghans sur place, les talibans continuaient, lundi, d’opposer une résistance inattendue. Les affrontements ont commencé dans la nuit de mercredi à jeudi, quand plusieurs centaines de rebelles s’en sont pris à un village de la province du Helmand, dans le sud du pays, et à plusieurs postes de police dans la province voisine de Kandahar. En cinq jours, le bilan est lourd : près de 300 personnes ont été tuées, dont une majorité d’islamistes. Dans la nuit de dimanche à lundi, les bombardements de l’aviation américaine ont également tué des dizaines de civils.

« Ils sont arrivés d’un coup sur nous », témoigne un policier pris dans les premiers combats, qui ajoute : « Nous avons dû résister pendant des heures. C’était très violent. Plusieurs d’entre nous sont morts ». Désormais organisés en petits groupes qui se déplacent dans la région, les fondamentalistes s’en prennent également aux convois de ravitaillement : ce week-end, une cinquantaine de militaires afghans étaient portés disparus et au moins deux soldats français ont été tués, ainsi qu’un Canadien et un Américain. Au moment où les troupes de l’Otan se déploient dans le sud et l’est du pays, passant de 9 000 à 20 000 hommes, ces attaques inquiètent la communauté internationale. Pour le général américain James Jones, commandant des forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, « il est tentant de tout attribuer aux talibans, mais je suis persuadé que ce n'est pas le cas ». Une bonne partie des troubles, estime-t-il, a pour origine le narcotrafic, dont profitent nombre de chefs de guerre en lutte contre les campagnes d'éradication de la culture du pavot.

La province du Helmand fournit la moitié de l’opium afghan, qui donne 80% de l’héroïne vendue dans le monde. « A l’heure des récoltes, il n’est pas étonnant de constater une telle violence. Nous savons que les talibans se sont associés aux trafiquants de drogue », affirme de son côté, un responsable afghan du ministère de l’Intérieur. Les routes de l’opium sont à nouveau ouvertes, en direction du Pakistan voisin et de l’Iran. Un commerce qui rapporte plus de 2 milliards de dollars par an. Et selon les estimations des Nations unies, la récolte devrait être cette année encore supérieure aux précédentes.

Le Pakistan, base arrière des talibans

Un attentat à la voiture piégée a, par ailleurs, tué trois personnes dimanche à Kaboul. Une voiture piégée a explosé non loin de bases des forces de l’Isaf, la force internationale d’assistance à la sécurité, au moment du passage d’un convoi militaire. Le kamikaze et deux civils sont morts. Depuis mercredi et le début des opérations des fondamentalistes dans le sud du pays, trois voitures piégées ont explosé en Afghanistan. Les militants antigouvernementaux - talibans et leurs alliés - multiplient, depuis novembre 2005, les attentats-suicides. Une vingtaine ont eu lieu depuis le début de cette année.

Le ministre afghan des Affaires étrangères, Rangeen Dadfar Spanta, a affirmé, dans une claire allusion aux violences récentes : « Les chefs des talibans et des autres groupes terroristes vivent au Pakistan. C'est de là qu'ils dirigent les mouvements et communications lors de ces attaques terroristes ». Le ministre pakistanais de l'Intérieur, Aftab Khan Sherpao, a répondu que « ce genre d'allégations ne va pas aider les relations » entre les deux pays. Et pourtant, selon un diplomate en poste à Islamabad, les combats sont aussi liés à l’infiltration de centaines de militants venus des zones tribales pakistanaises. « Ils sont désormais formés par des anciens d’Irak dans les madrasas du Waziristan, malgré la présence de 80 000 militaires pakistanais », confie-t-il. L’idéologie islamiste gagne du terrain partout au Pakistan, spécialement le long de la frontière avec l’Afghanistan.


par Eric  de Lavarène

Article publié le 23/05/2006 Dernière mise à jour le 23/05/2006 à 12:29 TU

Audio

Véronique Rigolet

Journaliste à RFI

«L'offensive de la coalition occidentale en Afghanistan répond à des mois d'opérations des talibans.»

[23/05/2006]

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