Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Santé

Des pharmaciens pour des médicaments plus sûrs

Déjà en 2002, le corps médical sénégalais prévenait des dangers des contrefaçons : <em>«Les médicaments de la rue, ça tue.»</em>(Photo : AFP)
Déjà en 2002, le corps médical sénégalais prévenait des dangers des contrefaçons : «Les médicaments de la rue, ça tue.»
(Photo : AFP)
Le Forum pharmaceutique international, la rencontre annuelle des professionnels du médicament en Afrique, est organisée en 2006 à Brazzaville (1-3 juin). Ce rendez-vous de tous les acteurs qui jouent un rôle dans l’approvisionnement et la distribution des médicaments (pharmaciens, acheteurs des gouvernements africains, responsables nationaux des autorisations de mise sur le marché, représentants des industries pharmaceutiques, des organisations non gouvernementales) donne l’occasion de faire le point sur la situation sanitaire du continent et les initiatives nécessaires pour l’améliorer. Le problème fondamental n’est plus uniquement, aujourd’hui, l’accès aux médicaments, dont l’offre a augmenté et le coût diminué. Il se situe aussi au niveau du développement d’infrastructures de santé fiables et de la lutte contre les contrefaçons.

Avoir des pharmaciens sur le terrain : c’est l’un des enjeux de la santé sur le continent africain. Comme pour les médecins ou les infirmiers, l’Afrique est en manque de pharmaciens. Et cela contribue à y rendre la situation sanitaire particulièrement précaire. Car ils jouent un rôle à la fois pour aider les patients à bien gérer leur traitement et leur garantir qu’ils ont accès à des molécules de qualité.

L’organisation d’un Forum annuel des pharmaciens en Afrique, qui en est cette année à sa septième édition, participe à donner un rôle dynamique à cette profession sur le continent. Cette initiative est née à la suite de la création, à l’instigation de Jean Parrot, le président de la Fédération internationale pharmaceutique (FIP), d’une association des pharmaciens francophones, au sein de laquelle a germé l’idée d’organiser une réunion des pharmaciens africains. Chaque année, le nombre de participants augmente (environ 400) et le cercle s’élargit à l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans l’achat et la distribution de médicaments. Les organisations non gouvernementales et les industries pharmaceutiques sont désormais, elles aussi, représentées dans ce Forum.

Former des pharmaciens en Afrique

Cette année, à Brazzaville au Congo, les professionnels du secteur auront l’occasion de faire le point sur l’implication des pharmaciens dans la prise en charge des maladies dites «émergentes et réémergentes» auxquelles doivent faire face les Africains (sida, paludisme, tuberculose, Ebola, trypanosomiase, grippe aviaire…). Et de voir comment ils peuvent participer à mieux les combattre.

L’un des objectifs prioritaires est de trouver les moyens de former des pharmaciens en Afrique. Un projet d’école de pharmacie est en cours d’élaboration. Hyacinthe Ingani, le président de l’Ordre des pharmaciens du Congo, explique que «l’étude de faisabilité» est presque finalisée et que l’on peut espérer une réalisation «d’ici deux ans maximum». L’Organisation de coordination pour la lutte contre les endémies en Afrique centrale (Oceac) est à l’origine de cette initiative qui bénéficie du soutien de la Commission économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et de l’Université de Montpellier. Deux villes sont candidates pour recevoir un tel établissement, à vocation régionale, Brazzaville (Congo) et Yaoundé (Cameroun).

L’enjeu est important, comme l’explique Jean Parrot, car il s’agit «de maintenir les pharmaciens dans leurs pays» en leur offrant sur place la formation qu’ils vont, pour le moment, chercher en France ou ailleurs. Ce qui augmente le risque de les voir renoncer ensuite à venir exercer dans leur pays d’origine. Le président de la FIP insiste sur le fait que les problèmes sanitaires de l’Afrique ne pourront pas être résolus tant que l’on n’aura pas assuré «le développement de structures de santé stables». Et selon lui, cela passe par une formation locale des professionnels et non par l’envoi de volontaires dans le cadre de l’aide humanitaire. Il estime même que lorsque celle-ci prend trop d’ampleur, elle représente un handicap en instaurant un système entièrement basé sur du «précaire».

L’amélioration de la situation sanitaire en Afrique nécessite aussi un renforcement de la chasse aux contrefaçons. Et dans cette lutte, le développement de réseaux structurés d’officines pharmaceutiques est indispensable. Pierre Savart, de la direction des Affaires européennes et internationales du Leem (groupement des entreprises du médicament), explique que «les médicaments doivent être distribués par le circuit des pharmacies sinon on s’expose à des problèmes… L’offre qui passe par les circuits non officiels ouvre la voie à la contrefaçon». Avec tous les risques que cela induit pour la santé des patients qui peuvent prendre, de bonne foi, des traitements inefficaces ou dangereux, et pour l’émergence des résistances.

Requalifier la contrefaçon de médicaments en «crime»

Pour lutter contre ce phénomène, le Leem, qui défend les intérêts des laboratoires pharmaceutiques, a proposé aux Etats africains de faire tester la qualité des médicaments «non labellisés» qu’ils souhaitent importer dans un laboratoire (la Centrale humanitaire médico-pharmaceutique) mis à leur disposition gratuitement. La multiplication des fabricants de génériques dans des pays comme la Chine ou l’Inde rend, en effet, impossible un contrôle à la source. Et si certains producteurs sont fiables (comme Ranbaxy en Inde), ce n’est pas le cas de tous. Il peut donc arriver que des contrefaçons entrent légalement sur le marché.

Pour Jean Parrot, la contrefaçon de médicaments n’est pas «une contrefaçon de marchandises banales». Car elle représente un danger pour la santé de celui qui la consomme. C’est pour cette raison que le président de la Fédération internationale pharmaceutique plaide pour une requalification de cette fraude en «crime». De manière à ce qu’elle soit plus sévèrement sanctionnée. Cela permettrait peut-être de convaincre les autorités nationales de mener à leur niveau une lutte plus efficace et déterminée contre les trafiquants. Car Hyacinthe Ingani l’affirme : «Le problème est avant tout politique».



par Valérie  Gas

Article publié le 31/05/2006Dernière mise à jour le 31/05/2006 à 17:37 TU