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Thaïlande

Ferveur monarchiste

Près d’un demi-million de Thaïlandais, vêtus de jaune et bougie à la main, ont envahi l’esplanade royale pour entonner à l’unisson l’hymne royal et fêter le 60ème anniversaire du règne du roi Bhumibol Adulyadej. 

		(Photo : AFP)
Près d’un demi-million de Thaïlandais, vêtus de jaune et bougie à la main, ont envahi l’esplanade royale pour entonner à l’unisson l’hymne royal et fêter le 60ème anniversaire du règne du roi Bhumibol Adulyadej.
(Photo : AFP)
La Thaïlande fête le 60ème anniversaire du règne du roi Bhumibol Adulyadej, le souverain vivant qui a été le plus longtemps en fonction. Le clou d’une série de cérémonies grandioses sera, lundi 12 juin, une procession de 52 barges royales sur le fleuve Chao Phraya, à Bangkok. C’est l’occasion pour la population thaïlandaise de montrer sa ferveur pour un monarque, âgé de 78 ans, que chacun reconnaît ici comme «le père de la Nation».

De notre correspondant à Bangkok

Vendredi 9 juin, à 19h19 pile, près d’un demi-million de Thaïlandais ont envahi l’esplanade royale, face au Grand Palais de Bangkok, pour entonner à l’unisson l’hymne royal, chacun tenant une bougie à la main. Un moment d’émotion intense où nombreux sont ceux qui n’ont pas pu retenir leurs larmes car «le roi est l’esprit protecteur des Thaïlandais, il représente tout pour les Thaïlandais. C’est celui qui montre le chemin pour que nous puissions mener une vie heureuse et réussie», confie Areerat, une étudiante.

«C’est le meilleur roi dans l’histoire du pays. Il n’y a aucun autre roi qui puisse lui être comparé», renchérit Pissanou Nongyemyod, un commerçant âgé de 30 ans. Cette adoration, qui ne manque pas de surprendre les visiteurs étrangers, est davantage due à la personnalité du souverain actuel qu’à une révérence traditionnelle pour l’institution monarchique. En fait, la monarchie était tenue en piètre estime par une majorité de Thaïlandais après l’abdication du roi Rama VII en 1935 et pendant la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.

Une aura de composition

Nommé roi à 19 ans le 9 juin 1946, après la mort mystérieuse par balle de son frère le roi Ananda Mahidol (Rama IX), Bhumibol Adulyadej a du longtemps composer avec les dictateurs militaires qui ont dominé le pays jusqu’à la fin des années 80. Mais le jeune roi, doté d’un sens politique aigu, a réussi dans les années 50 et 60 à se rendre populaire par un dévouement constant - et soigneusement médiatisé - aux plus mal lotis des Thaïlandais. «Si vous regardez l’histoire, vous pouvez voir que l’aura entourant le monarque est une invention créée de toutes pièces. La monarchie a été systématiquement promue», explique Giles Ungphakorn, politologue à l’université Chulalongkorn.

La Constitution limite en théorie le rôle du roi à contresigner les décisions du gouvernement, comme dans les autres monarchies constitutionnelles. Mais l’autorité morale du roi Bhumibol est telle, qu’il a pu intervenir, avec succès, lors de graves crises politiques menaçant l’unité ou la stabilité du pays, particulièrement lors des répressions violentes des manifestations pro-démocratiques d’octobre 1973 et de mai 1992. Ses interventions ont toujours reflété des décisions collectives prises avec l’élite politique et économique du pays et après consultation du Conseil privé du roi, composé d’anciens hommes d’Etat et de militaires à la retraite, mais le rôle de «protecteur de la Nation» attribué au roi en a été fortement renforcé.

Le roi a toujours raison

Beaucoup de Thaïlandais ont une relation quasi-mystique à leur souverain et, lors des cérémonies de l’esplanade royale, nombreux sont ceux qui le révèrent les mains jointes comme devant une représentation du Bouddha. La Constitution interdit toutes critiques envers le souverain. Un livre intitulé «Le roi qui ne sourit jamais», publié par les éditions Yale University Press, est interdit de vente en Thaïlande et sa parution, prévue le 31 mai, a été reportée à la fin juillet sous la pression des autorités thaïlandaises.

Lors de son dernier discours d’anniversaire le 4 décembre dernier, le roi lui-même avait pourtant invité les Thaïlandais (et les étrangers) à le critiquer, prenant à contre-pied la règle selon laquelle «le roi ne peut jamais avoir tort». «Mais même si le roi invite les gens à le critiquer, il n’est, en fait, pas possible de le faire», indique un juriste. Certains intellectuels considèrent que le lourd protocole royal, qui exige par exemple que les Thaïlandais se prosternent et rampent en présence du roi, constitue un frein à une véritable modernisation des mentalités dans le pays.



par Arnaud  Dubus

Article publié le 10/06/2006Dernière mise à jour le 10/06/2006 à TU