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Thaïlande

Elections partielles et risques de confusion politique

Les élections sénatoriales de mercredi ont montré que la chambre haute, qui, selon la constitution, doit être composée de personnalités indépendantes, est devenue l’instrument des partis politiques.(Photo : AFP)
Les élections sénatoriales de mercredi ont montré que la chambre haute, qui, selon la constitution, doit être composée de personnalités indépendantes, est devenue l’instrument des partis politiques.
(Photo : AFP)
La crise politique thaïlandaise, qui s’est apaisée depuis l’annonce, le 4 avril, de la prochaine démission du Premier ministre Thaksin Shinawatra, risque de rebondir ce week-end avec une série d’élections partielles. Des scrutins doivent se tenir dans 39 circonscriptions, principalement dans le sud du pays, où les législatives du 2 avril ont dû être annulées du fait du très grand nombre de votes blancs.

De notre correspondant à Bangkok

Techniquement, l’Assemblée nationale ne peut être convoquée – et nommer le nouveau Premier ministre – qu’une fois les 500 sièges de députés attribués. Une majorité des analystes estiment que la confusion politique va s’amplifier après le vote de ce week-end. Il est vraisemblable en effet que le nombre de votes blancs restera important, notamment dans le sud qui est, depuis cinquante ans, un bastion du parti démocrate, principale formation de l’opposition. Vingt quatre candidats du parti Thai Rak Thai, du Premier ministre intérimaire Thaksin Shinawatra, se présentent dans ces circonscriptions sans rivaux. La loi électorale exige qu’ils obtiennent au moins 20 % des suffrages exprimés pour que le scrutin soit validé.

Or de nouvelles révélations ont avivé les soupçons de l’opposition quant à l’impartialité de la Commission électorale, provoquant une brutale hausse de la température politique. Lors du scrutin du 2 avril, un officiel de la Commission a illégalement modifié les fichiers informatiques pour favoriser le parti Thai Rak Thai du Premier ministre intérimaire. De surcroît, cette formation a payé des membres de petits partis pour qu’ils se portent candidats, dans l’espoir d’échapper à la stricte règle des 20 % en cas de candidature unique.

La crédibilité déjà sérieusement entamée de la Commission électorale, organisme censé être indépendant et nommé par les sénateurs, subit donc un nouveau choc. La Commission ne peut s’en remettre qu’en punissant rapidement les fautifs. «La Commission a violé la constitution de façon répétée. Les commissaires devraient tous quitter leur poste», estime Somchai Srisuthiyakorn, coordinateur d’un réseau citoyen d’observateurs électoraux.

La Commission électorale et le Sénat sur la sellette

Le manque d’indépendance des agences créées par la constitution – commission électorale, commission anti-corruption, cour constitutionnelle, agence anti-blanchiment – est une des accusations clés des opposants au régime autoritaire du Premier ministre Thaksin. Leur nomination par les sénateurs est, en principe, la garantie de leur neutralité. Mais comme l’ont montré les élections sénatoriales de mercredi, la chambre haute, qui, selon la constitution, doit être composée de personnalités indépendantes, est devenue l’instrument des partis politiques. Environ les trois-quarts des sénateurs élus mercredi ont des relations claires avec des formations politiques. Souvent, les sénateurs sont les époux, les épouses ou les enfants de députés. «Le sénat a un rôle de contrôle des politiciens. Comment un mari peut-il contrôler sa femme ?», s’indigne un analyste politique.

Bien que toujours officiellement en fonction, le Premier ministre Thaksin Shinawatra, qui rentre d’un séjour en Europe, s’est mis en vacances, délégant ses pouvoirs au vice-Premier ministre Chidchai Wannasathit. Mais les opposants craignent que Thaksin continue à dominer le gouvernement en coulisses et exigent qu’il quitte son poste de président du parti Thai Rak Thai.

Tous les ingrédients pour une prolongation de la confrontation sont donc réunis, même si la crise prend désormais un visage plus complexe. La démission annoncée du Premier ministre a brisé l’élan des manifestations. L’approche des festivités du 60ème anniversaire du règne du roi Bhumibol Adulyadej, début juin, joue en faveur de Thaksin et du gouvernement en place. Ces derniers peuvent en prendre prétexte pour bloquer le jeu politique. Les leaders du mouvement de contestation sont harcelés par des dizaines d’accusations de diffamation et de lèse-majesté supervisées avec enthousiasme par la police. Tout semble indiquer que la «démission» du Premier ministre constitue plus un changement de tactique pour conserver le pouvoir qu’une vraie rupture avec le monde politique.

par Arnaud  Dubus

Article publié le 21/04/2006 Dernière mise à jour le 21/04/2006 à 19:25 TU