Thaïlande
Le Premier ministre Thaksin annonce son départ
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Bangkok
Lundi soir, Thaksin Shinawatra donnait l’impression de vouloir se battre bec et ongles pour défendre son poste de Premier ministre. Mardi soir, après avoir été reçu en audience par le roi de Thaïlande dans une station balnéaire au sud de Bangkok, il a décidé de jeter l’éponge. Emu et solennel, il a annoncé lors d’une intervention télévisée son intention de ne pas accepter de prendre la tête du gouvernement quand la nouvelle assemblée nationale, élue lors des élections de dimanche se réunira. Son parti, le Thai Rak Thai (les Thaïlandais aiment les Thaïlandais) a remporté largement le scrutin, boycotté par les partis d’opposition et marqué par un nombre record de votes blancs. Depuis deux mois, des manifestations massives ont été organisées à Bangkok pour dénoncer la vente détaxée de sa firme de télécommunications à Singapour. Il est aussi accusé d’avoir enrichi sa famille en exploitant sa position à la tête du gouvernement.
L’audience avec le roi a, clairement, été l’élément déterminant de sa décision. Il y a deux mois, il avait indiqué que si le roi lui « murmurait » à l’oreille de quitter le pouvoir, il s’exécuterait immédiatement, une remarque qui avait considérée par beaucoup comme irrespectueuse. Lors de son allocution mardi soir, il a déclaré qu’il « fallait nettoyer la maison et mettre un terme à la confusion » avant les célébrations du 60ème anniversaire du règne du roi Bhumibol Adulyadej, le plus ancien monarque de la planète qui est adulé par les Thaïlandais. Durant les deux mois de crise qui ont paralysé la capitale, de nombreux leaders du mouvement de contestation ont demandé au roi d’intervenir, par exemple, en nommant un premier ministre d’un gouvernement intérimaire. Mais le souverain s’est gardé de tout commentaire.
Un intérim d’un mois ou deux
Dans l’immédiat, Thaksin va rester Premier ministre intérimaire du gouvernement jusqu’à ce que le quorum de députés soit suffisant pour pouvoir convoquer l’Assemblée nationale élue dimanche. Cela pourrait prendre un ou deux mois, car le nombre très important de votes blancs a amené l’annulation des élections dans 38 circonscriptions. Une première série d’élections partielles va se tenir d’ici deux semaines. Une fois l’assemblée réunie, un autre leader du parti Thai Rak Thai, probablement le vice-Premier ministre Somkid Jatusripitak, prendra la tête d’un gouvernement chargé de réformer la constitution, pour renforcer les mécanismes de contre-pouvoir. Certains doutent de la sincérité de l’annonce de Thaksin. « A mon avis, c’est encore un subterfuge. Il n’a pas démissionné, or c’est ce que les gens réclament. Il pourrait démissionner immédiatement ce qui permettrait au roi d’intervenir », estime Prasong Soonsiri, ancien ministre des Affaires étrangères. Selon la constitution et la pratique constitutionnelle, le roi ne peut nommer un premier ministre intérimaire qu’après la démission du chef de gouvernement en poste. Le cas s’est produit en mai 1992, quand, après la répression sanglante des manifestations pro-démocratiques, le roi a contresigné la nomination par le président de l’Assemblée nationale d’Anand Panyarachun comme nouveau Premier ministre.
De leur côté, les partis d’opposition ont donné à Thaksin jusqu’au 30 avril pour démissionner. « Si la situation continue à se détériorer pendant la période intérimaire, Thaksin peut démissionner à tout moment. Je pense que son intention de démissionner est très sérieuse », considère le politologue Somchai Phagaphavivat.
par Arnaud Dubus
Article publié le 04/04/2006 Dernière mise à jour le 04/04/2006 à 18:36 TU