Santé
Susciter le don d’organe
(Photo : AFP)
Vous êtes mort, accidentellement. Mais vous vous étiez inscrit sur le registre national des personnes refusant le prélèvement d’organes (RNR) : votre famille ne sera pas sollicitée. En revanche, faute d’être inscrit dans ce registre, vos proches seront contactés par le médecin afin de donner leur accord : une épreuve qui ajoutera à leur douleur si elles ne connaissent pas vos dernières volontés sur ce chapitre. Ainsi, « chaque année, des familles touchées par le deuil d’un être cher, décédé de façon brutale, se retrouvent dans la situation difficile (…). Il est donc important d’en parler en famille », souligne l’Agence de la biomédecine qui invite à lever le tabou. Dans 70% des cas, la famille s’estime en mesure de donner son feu vert, mais bien souvent elle est démunie. Or, en parler avant n’a jamais fait mourir.
En 2005, des prélèvements ont été effectués sur un total de 1 371 donneurs en état de mort cérébrale, chacun ayant pu faire don de plusieurs organes. Ce chiffre, en hausse de 6,2% par rapport à 2004, représente un taux de 22 prélèvements par million d'habitants, selon l'Agence de la biomédecine. Malgré cette progression, la situation de pénurie persiste : près de 12 000 personnes (en liste d'attente fin 2004 ou inscrites en 2005) ont eu besoin d'une greffe l'an dernier et 186 patients sont décédés faute de greffon. Les accidents de la circulation ayant continué à diminuer en 2005, le nombre de prélèvements n'a pu progresser que grâce à un meilleur recensement des donneurs décédés d'un accident vasculaire cérébral -ou « attaque ».
« Consentement présumé, gratuité du don et anonymat »
Que dit la loi ? La loi de la bioéthique de 1994 révisée en 2004 s’appuie sur trois critères : « le consentement présumé, la gratuité du don et le principe de l'anonymat. ». Tout citoyen est donneur d’organe potentiel -c’est la règle du consentement présumé- à moins qu’il n’ait exprimé son opposition de son vivant en se faisant inscrire sur le RNR. Pour les mineurs, l’autorisation écrite des deux parents ou du représentant légal est exigée. C’est l’agence de la biomédecine (ABM) qui assure la gestion de la liste d’attente, la coordination nationale des prélèvements et la répartition des organes. Pour les dons de cornées ou d’os, l’âge importe peu. Concernant les organes, c’est l’état physique du donneur plus que son âge qui est déterminant. Ce sont les médecins qui décident s’il est possible de les utiliser.
Comment s’effectue le prélèvement ? Lorsque la destruction irréversible de l’encéphale du donneur est confirmée (c'est ainsi qu'est définie la mort), que cette destruction est constatée par les tests effectués par deux médecins différents, de façon indépendante, et par deux encéphalographies cérébrales à quatre heures d’intervalle, alors seulement le prélèvement a lieu au bloc opératoire, dans l’hôpital où le donneur est décédé, et l’apparence externe du donneur est respectée. « Nous devons prendre conscience que nous sommes les seules sources d’organes et que notre corps est une richesse fabuleuse. Ne pas en faire profiter les autres est comparable à se faire enterrer avec tous ses trésors .» insiste le professeur Cabrol qui plaide en faveur du don d’organes.
Sur le modèle du RNR, la fédération des associations pour le don d’organes et de tissus humains (France Adot) réitère sa demande de mise en place d’un fichier national ou de tout autre moyen permettant aux personnes favorables au don d’organes d’obtenir l’assurance que leur volonté de faire don de tout ou partie de leurs organes après leur décès, sera respectée. Mais le public évacue encore trop souvent l’éventualité de prélèvements sur son corps ou bien fait part d’appréhensions faute d’information. Difficile de se projeter mort lorsqu’on aime la vie, difficile d’imaginer que l’on puisse par exemple « donner sa cornée » car, comme l’explique le docteur Benjamin Jany, ophtalmologiste au CHU d’Amiens « l’œil c’est l’âme ». Pourtant dans ce cas précis, il y a bien réticence liée à un manque d’information : en cas de greffe de cornée, les globes oculaires des donneurs sont préservés.
par Dominique Raizon
Article publié le 22/06/2006Dernière mise à jour le 22/06/2006 à TU
Pour en savoir plus :
- Un guide, Donneur ou pas... Pourquoi et comment je le dis à mes proches, est distribué dans les pharmacies et les hôpitaux français ainsi que par l'intermédiaire de l'Union nationale des associations familiales (Unaf) et de la Mutualité française.