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Droits de l’homme

Le «Boucher de la presse» au Conseil des droits de l’homme

Les protestations se multiplient suite à la présence du procureur de Téhéran Saïd Mortazavi à la séance inaugurale du Conseil des droits de l'Homme. 

		(Photo : AFP)
Les protestations se multiplient suite à la présence du procureur de Téhéran Saïd Mortazavi à la séance inaugurale du Conseil des droits de l'Homme.
(Photo : AFP)
Procureur général de Téhéran depuis 2003, Saïd Mortazavi est accusé par le Canada de «crimes contre l’humanité». Il compte parmi les membres de la délégation iranienne au tout nouveau Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Le Canada demande à la communauté internationale de mettre en œuvre «tous les moyens juridiques disponibles pour arrêter» ce magistrat qu’il tient pour responsable de la mort de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi, en 2003 à Téhéran.

La présence du procureur général de Téhéran Saïd Mortazavi, accusé par le Canada de «crimes contre l’humanité», parmi la délégation iranienne pour participer au tout nouveau Conseil des droits de l’homme des Nations unies a provoqué un tollé général. Certains pays et associations de défense des droits de l’homme ont exprimé leur indignation sur cette présence. Le Canada s’est dit «outré» et selon son Premier ministre, Stephen Harper, «les services du ministère des Affaires étrangères ont demandé aux Allemands d'arrêter le procureur de Téhéran Saïd Mortazavi, avant qu'il ne quitte l'Allemagne, afin qu'il puisse être poursuivi pour crimes contre l'humanité». Berlin dément avoir officiellement reçu une telle demande : «Nous n'avons reçu aucune demande écrite» pour interpeller M. Mortazavi, a déclaré une porte-parole du ministère allemand de la Justice. Saïd Mortazavi aurait quitté Genève et devait transiter par l’aéroport de Francfort pour repartir vers l’Iran.

Le Conseil des droits de l’homme tient sa première session jusqu’au 30 juin à Genève. Dans la nouvelle instance des Nations unies la République islamique a perdu son statut de membre et elle siège en tant que simple observateur. Pour le chef de la diplomatie canadienne Peter MacKay «La présence de M. Mortazavi au sein de la délégation iranienne montre que le gouvernement de l'Iran méprise totalement les principes des droits de la personne reconnus à l'échelle Internationale». Dans un communiqué, Reporters sans frontières, l’organisation de défense de la liberté de la presse, tout en se félicitant de la réaction canadienne, condamne fermement la présence à Genève de Saïd Mortazavi et demande aux Nations unies que «la condamnation du Canada ne reste pas lettre morte».

De la même manière, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et son affiliée la Ligue pour la défense des droits de l’homme en Iran (LDDHI), dans une lettre ouverte à l’attention de Luis Alfonso De Alba, président du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, à Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, et Louise Arbour, Haut commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, expriment «leur profonde indignation autant que leur vive préoccupation». Elles considèrent que la présence de Saïd Mortazavi au Conseil des droits de l’homme constitue « un risque majeur pour la crédibilité du Conseil tout entier ». « En envoyant Saïd Mortazavi comme représentant des droits de l’homme à Genève, le gouvernement de l’Iran a montré son vrai visage », s’est également indigné Stephan Hachemi, le fils de Zahra Kazemi, la journaliste irano-canadienne, décédée le 11 juillet 2003 dans un hôpital de Téhéran pendant sa détention.

«Le cauchemar» des journalistes

Le procureur général Saïd Mortazavi, surnommé le «Boucher de la presse», est mis en cause personnellement dans la mort de Zahra Kazemi. Arrêtée le 23 juin 2003 devant la prison Evin (nord de Téhéran) où elle prenait des photos d’une manifestation, Zahra Kazemi est torturée et violée pendant son incarcération. Elle meurt trois semaines plus tard des suites d'une hémorragie cérébrale consécutive à des coups. Selon ses avocats des traces de tortures étaient visibles sur son corps. Le Canada rappelle que deux enquêtes officielles du gouvernement iranien montrent que «le procureur général Mortazavi avait ordonné l'arrestation et la détention illégales de la journaliste canadienne Zahra Kazemi, qui ont mené à sa torture et à sa mort».

Sur ses ordres, plus de 120 journaux et revues ont été fermés et plusieurs journalistes arrêtés et torturés. «Si je veux résumer en un mot ses traits de caractère je dirai qu’il est un ‘malade mental’», affirme une journaliste iranienne, actuellement réfugiée en France, qui avait été interrogée quelques années auparavant par le procureur général Mortazavi à Téhéran. «Il n’aime pas qu’on réponde à ses questions, sauf quand on accepte ses accusations», se souvient-elle. Selon elle, Saïd Mortazavi est le «cauchemar» des journalistes iraniens.

Le Premier ministre canadien Stephen Harper a demandé vendredi à la communauté internationale d’utiliser «tous les moyens juridiques disponibles pour arrêter» et juger le procureur iranien. Le département d'Etat américain a annoncé son soutien à la démarche du Canada. La République islamique d’Iran a été maintes fois accusée par la Commission des droits de l’homme des Nations unies et des associations de défense des droits de l’homme de procéder à des exécutions sommaires, tortures, et violations des droits de l’homme.



par Darya  Kianpour

Article publié le 23/06/2006 Dernière mise à jour le 23/06/2006 à 18:54 TU