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Commerce mondial

OMC : Scepticisme sur les nouvelles négociations

La clé des négociations pour parvenir à l'ouverture des marchés est agricole. 

		(Photo : AFP)
La clé des négociations pour parvenir à l'ouverture des marchés est agricole.
(Photo : AFP)
Les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se retrouvent à partir de jeudi pour essayer de faire avancer les discussions sur la libéralisation des échanges. En décembre dernier, la réunion de Hong Kong avait été un échec. Celle de Genève s’annonce un peu comme celle de la dernière chance. Car avant même l’ouverture des travaux, chacun campe sur ses positions.

« Je ne pense pas que nous puissions reporter la décision ». Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a donné le ton mercredi, à la veille de l’ouverture des travaux de l’organisation qu’il dirige, travaux devant théoriquement permettre l’ouverture des marchés mondiaux de l’agriculture, des industries et des services. Etant probablement informé du scepticisme ambiant, le patron de l’OMC a déclaré que « le moment de vérité » est arrivé pour les 149 pays membres. Leurs représentants, dont une soixantaine de ministres, doivent se mettre d’accord sur plusieurs points litigieux. Les négociations sont toujours bloquées à cause de l’agriculture. Elles ont commencé il y a quatre ans et demi, elles auraient dû aboutir fin 2004. Et le sommet de Hong Kong de décembre dernier est considéré comme un échec même si les pays en développement les plus pauvres ont obtenu une ouverture pour exporter une partie de leurs produits.

Si le directeur général de l’OMC cherche à mettre les délégués au pied du mur, c’est d’abord parce que, mardi, la représentante américaine au Commerce, Susan Schwab, a déclaré qu’une absence d’accord à cette réunion de Genève ne voudra pas forcément dire que les négociations globales, dans le cadre du cycle de Doha, ont échoué. « Nous n’allons pas nous faire bousculer pour conclure un accord, juste pour respecter une date limite », avait estimé Susan Schwab devant la presse américaine.

Côté français, la ministre déléguée au Commerce se dit « assez dubitative » sur les chances de trouver un accord à Genève. Comme sa collègue américaine qui a à l’esprit les élections législatives  américaines de « mid-term », en novembre prochain, Christine Lagarde sait que les périodes pré-électorales « entraînent une crispation des positions qui rend difficiles des concessions qui affectent les intérêts intérieurs du pays ». La ministre française a évoqué directement les échéances électorales au Brésil et aux Etats-Unis, mais n’a pas parlé de la France.

Christine Lagarde a également mis en garde le commissaire européen au Commerce, au cas où il serait tenté d’aller plus loin que prévu dans son mandat de négociateur. Déjà lors de la conférence de Hong Kong, la France, pays le plus agricole de l’Union européenne, avait surveillé de près le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson. Paris redoute toute concession européenne en raison de l’impact prévisible sur le secteur agricole français.

La France méfiante

La France « préfère un échec à un mauvais accord », a pour sa part expliqué Dominique Bussereau, le ministre de l’Agriculture, dans une interview au quotidien économique Les Echos. Pour le ministre français, il n’est pas question de trouver un accord « à sens unique » dans lequel l’Europe accepterait d’ouvrir davantage ses frontières aux produits agricoles américains ou brésiliens sans obtenir de contreparties. Ces dernières, on les connaît : la France comme le reste de l’Union européenne souhaite exporter plus de produits industriels et de services dans ces pays.

La position française repose sur la défense de la Politique agricole commune (PAC). Paris considère qu’il s’agit d’une « ligne rouge » que l’Europe ne doit pas franchir. Le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson pourrait en effet proposer une baisse des droits de douane sur les produits agricoles entrant dans l’Union. Ces taxes servent à financer les subventions européennes dont la France est la principale bénéficiaire.

Si le ministre français de l’Agriculture redoute que le représentant européen fasse des concessions dans ce domaine des droits de douane sur les produits agricoles, c’est parce que Peter Mandelson a laissé entendre que si les Etats-Unis et les pays émergents faisaient de leur côté des concessions, l’Union européenne pourrait bouger. Mais le ministre français de l’Agriculture Dominique Bussereau redoute que la nouvelle proposition américaine soit de pure forme : « Il faut être attentif au risque d’une nouvelle offre agricole américaine qui serait purement cosmétique et à laquelle on nous demanderait de répondre », estime le ministre français.    

A la veille de la reprise des négociations sur l’ouverture des marchés, Pascal Lamy les a comparé à « une cathédrale gothique » dont les trois principaux piliers (subventions agricoles, droits de douane agricoles et droits de douanes industriels) doivent parvenir à se caler à la même hauteur pour que l’ensemble de l’édifice tienne debout. Pourtant, l’agriculture est le secteur clé et si dans ce domaine il n’y  a pas d’évolution, il y a peu de chance que la situation se débloque pour l’industrie et les services. « Plus de la moitié des sénateurs américains se sont prononcés contre toute ouverture agricole », indique encore le ministre français de l’Agriculture dans son interview au journal Les Echos.

La clé est agricole

La France, indique encore le ministre, compte sur le soutien d’une quinzaine de pays sur les 25 membres de l’Union. En principe, la politique agricole européenne actuelle est programmée jusqu’en 2012, prochaine échéance pour sa renégociation. Il a été décidé à Hong Kong, qu’à cette date, les aides européennes à l’exportation des produits agricoles disparaîtront. En contrepartie, les Américains se sont engagés à mettre fin à l’aide alimentaire en nature fournie à des pays en développement en cas de crise alimentaire, ce qui permet au secteur agricole américain d’écouler ainsi une partie de sa production.

«Remettre la décision à plus tard sur la réduction des subventions (agricoles) et des droits de douane (sur les produits industriels), c’est la meilleure méthode pour échouer », pronostiquait mercredi Pascal Lamy. Dominique Bussereau, le ministre français de l’Agriculture ne fait pas la même analyse : « Depuis le début, l’agriculture absorbe tout le choc de la négociation. Et rien ne bouge chez nos partenaires, qu’il s’agisse des Etats-Unis sur l’agriculture ou des pays émergents dans les domaines de l’industrie et des services. L’Europe est déjà le membre de l’OCDE qui importe le plus de produits agricoles en provenance des pays en développement et notamment d’Afrique. Elle ne doit pas accepter d’être le seul banquier du cycle de Doha », estime Dominique Bussereau.

Le ministre indien du Commerce pour sa part a mis en garde contre un échec « catastrophique » de ces nouvelles négociations. Kamal Nath estime que se posera alors la question de l’utilité de cette organisation.      



par Colette  Thomas

Article publié le 28/06/2006Dernière mise à jour le 28/06/2006 à TU