Coupe du monde 2006
France: reconstruire
(Photo : AFP)
Plus on avance dans la compétition et plus la défaite est lourde à digérer. La France s’est réveillée complètement groggy après son échec de la finale et le départ, sur un coup de tête, de Zinedine Zidane. Il y a un mois, ils étaient plus de 80% à penser que les Bleus n’iraient pas loin dans la compétition. A la veille de la finale, ils étaient tout aussi nombreux à déclarer leur flamme pour la même équipe, convaincus qu’elle allait mettre le feu à la défense italienne. Avec des si, dit justement le dicton, on mettrait Paris en bouteille. L’heure de regrets, des remords peut-être pour Zidane et pour Trézéguet, celui qui a raté son tir au but, a sonné. Et, comme le titre joliment le quotidien L’Equipe («regrets éternels»), les regrets sont souvent éternels. Pourtant il faudra tout oublier très vite. Dès le début du mois de septembre, l’équipe de France entamera, face à son vainqueur de Berlin, les éliminatoires de l’Euro 2008. Avec une équipe nouvelle, sans Zidane, sans Makélélé et sans quelques autres probablement.
Zidane s’en va puis revient
Reconstruction. Tel avait déjà été le maître-mot du nouvel entraîneur Raymond Domenech au soir de sa nomination (12 juillet 2004) en lieu et place de Jacques Santini qui venait d’échouer avec les Bleus au Portugal (éliminés par la Grèce en quart de finale). Les Zidane, Thuram, Makélélé et Desailly avait choisi de tirer un trait sur l’équipe de France, soit pour se retirer définitivement, soit pour se consacrer exclusivement à leur club. Domenech avait tâtonné, cherché de nouvelles solutions, introduit de nouveaux visages, sans parvenir à trouver la formule idéale. Le moral des troupes et des supporteurs avait fini par en prendre un coup. Dans un groupe éliminatoire très largement à sa portée, le onze tricolore ne parvenait pas à prendre son envol. Les messages adressés aux « pré-retraités » se faisaient de plus en plus nombreux. Il devenait urgent de rappeler les cadres de réserve. Au nom du patriotisme sportif, ils n’avaient pas le droit de refuser. La patrie était en danger, la qualification pour l’Allemagne apparaissait compromise. Domenech, dont il se disait qu’il n’était pas triste d’avoir vu partir quelques anciens, semblait s’être fait une raison et les héritiers de la bande à Zizou aussi. Ils auraient, laissait-on entendre dans les « milieux bien informés », voulu tuer le père. L’évidence était devenue trop flagrante : il fallait rappeler Zidane et avec lui Thuram et Makélélé. Et commencer par le convaincre. Ce qui fut fait, on ne saura d’ailleurs jamais exactement par qui. Mais c’est une histoire déjà ancienne, dépassée. Maintenant il faut rebâtir mais vite, presque dans l’urgence. Car l’échéance européenne débute dans quelques semaines.
Un seul être vous manque et l’équipe est dépeuplée
Comment remplacer Zidane, élu meilleur joueur de la Coupe du monde au lendemain de la finale ? La question s’était déjà posée il y a deux ans sans trouver de réponse. Elle n’en a pas plus aujourd’hui. C’est toute l’organisation, la mise en place de l’équipe qui se trouve comme orpheline. On a assez chanté les louanges du chef d’orchestre pour qu’on lui imagine un remplaçant, sans parler d’un héritier qui n’existe pas. Ce n’est pas Ribéry, dans un registre totalement différent qui fera l’affaire, pas plus que Malouda. Dhorasoo n’est plus un tout jeune. Il faudra peut-être se résoudre à changer de stratégie, en renforçant le secteur offensif avec un homme supplémentaire, le système à un attaquant de pointe isolé n’ayant pas vraiment été concluant, et revenir à quatre hommes au milieu de terrain (classique 4-4-2). Patrick Vieira qui devrait continuer deviendra le patron de la sélection avec probablement Thierry Henry, mais ni l’un, ni l’autre n’est le distributeur, le dépositaire du jeu. Ce ne sont pas les joueurs de talent qui manquent en France, mais ceux qui sont capables de tirer une équipe, rôle souvent confié dans les clubs de l’hexagone à des joueurs étrangers. Et voilà la France comme saisie par l’urgence car les éliminatoires de l’Euro démarrent dans moins de deux mois. Les Bleus sont tombés dans un groupe qui ne sera pas facile avec l’Italie, on l’a dit, l’Ukraine, l’Ecosse, la Lituanie, la Géorgie et les îles Féröé. Tout sauf facile. Et il faudra impérativement terminer à l’une des deux premières places.
Emporté par son rêve allemand, le football français a un peu rapidement gommé son avenir à plus long terme, le pensant plus loin qu’il n’était. Or l’avenir se conjugue désormais au présent. Raymond Domenech qui sera probablement reconduit dans ses fonctions – à moins qu’il refuse un nouveau bail – devra trouver très vite une nouvelle équipe car la génération Zidane s’en est allée. Effacer une décennie glorieuse n’est jamais tâche ni aisée, ni spontanée. Quelques années de souffrance ne sont pas à écarter.
par Gérard Dreyfus
Article publié le 10/07/2006Dernière mise à jour le 10/07/2006 à TU