Nucléaire iranien
Le marathon européen de Larijani
(Photo : AFP)
Le négociateur en chef iranien pour le nucléaire Ali Larijani est en Europe mais c’est de Téhéran qu’est venue dimanche une information officielle concernant la proposition des « 5+1 » et la crise du nucléaire. Le chef de la diplomatie, Manouchehr Mottaki, a indiqué que l’Iran donnerait une réponse aux négociateurs entre les 14 et 22 août prochain : « Nous répondrons pendant la dernière semaine du mois de Mordad (mois iranien qui s’achève le 22 août)».
Dans le courant de la semaine dernière, le président Mahmoud Ahmadinejad avait déjà dit que son pays répondrait à l’offre des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies plus l’Allemagne à cette échéance.
« Des ambiguïtés »
S’exprimant en marge d’une réunion sur la sécurité en Irak qui se tenait dimanche dans la capitale iranienne, Manouchehr Mottaki a semblé également vouloir minimiser l’importance de la rencontre demain mardi, à Bruxelles, entre Ali Larijani et Javier Solana. Les six grandes puissances qui négocient avec l’Iran n’ont pas caché leur attente concernant le rendez-vous du 11 juillet : elles veulent un signal de la part des Iraniens concernant leur proposition. Toujours depuis Téhéran, le chef de la diplomatie iranienne a envoyé un message aux négociateurs. Il a déclaré que les grandes puissances « doivent répondre aux ambiguïtés que nous avons constaté (dans l’offre) et ces réponses doivent être apportées par les décisionnaires ». Et Manouchehr Mottaki d’ajouter que « ce n’est pas M. Solana qui pourrait éclaircir ces ambiguïtés ».
Le ministre iranien des Affaires étrangères n’a pas précisé quelles sont ces « ambiguïtés ». Elles laissent supposer que la rencontre de mardi ne sera pas décisive pour parvenir à un accord. On sait que l’offre présentée par la Chine, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Russie et l’Allemagne, est un ensemble de propositions pour inciter l’Iran à arrêter d’enrichir de l’uranium, activité nucléaire sensible et qui peut, selon la communauté internationale, cacher un programme militaire. Dans leur offre, les grandes puissances qui négocient s’engagent à « soutenir activement la construction de nouveaux réacteurs à eau légère » en Iran et à lui donner des « garanties pour la fourniture de combustible pour les futures centrales nucléaires ». L’ayatollah Ali Khamenei, le numéro un iranien et Mahmoud Ahmadinejad, le chef de l’Etat, ont indiqué qu’ils ne faisaient pas confiance aux grandes puissances concernant cette question du combustible nucléaire et donc de l’enrichissement, même s’ils ont reconnu que leur pays ne pourrait pas répondre à la totalité des besoins.
« Commencer à créer les conditions »
L’offre des « 5+1 » a d’autres volets, économique et technologique. Pour l’heure, Javier Solana compte bien faire avancer le dossier au cours de sa rencontre, mardi, avec Ali Larijani et les représentants du groupe de pays négociateurs. Le Haut représentant européen pour la politique extérieur ne s’est pas exprimé, mais sa porte-parole distille quelques informations : le but de la rencontre sera de « commencer à créer les conditions » des négociations afin de « nous mettre d’accord sur les termes de la négociation, c’est-à-dire sur le contenu - à partir de notre offre -, sur le calendrier, sur qui va négocier et aussi sur ce que doit faire chacun pour ces négociations : nous, nous arrêtons le processus au Conseil de sécurité de l’Onu et eux doivent arrêter l’enrichissement », a déclaré Cristina Gallach.
Depuis Ankara, Mohamed El Baradei, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a déclaré vendredi dernier qu’il restait « amplement la place pour la négociation ». Il a par ailleurs une explication sur les délais souhaités par l’Iran : « Les autorités me disent qu’elles ont besoin de temps pour fournir une réponse. Je pense qu’elles ont besoin de s’assurer que tout le monde en Iran est d’accord », a précisé le patron de l’AIEA.
Larijani dans plusieurs capitales
Malgré le ralentissement impulsé par le pouvoir à Téhéran, Ali Larijani, le négociateur iranien, semble prêt à remplir cet espace de négociation, remarqué par Mohamed El Baradei. Lundi, Ali Larijani était à Rome pour y rencontrer le chef de la diplomatie italienne, Massimo D’Alema. A la veille de son second rendez-vous à Bruxelles avec Javier Solana ainsi que des représentants français, britannique, allemand et russe (4 des 6 pays négociateurs), le responsable iranien terminait dans la capitale italienne sa série de contacts en Europe. Vendredi, il était à Madrid et a qualifié de « très amicaux » ses entretiens avec le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos. Ali Larijani y a également rencontré le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero et Felipe Gonzalez, ancien chef de gouvernement socialiste espagnol. Au cours de cette visite, le responsable iranien a exclu une réponse rapide à la proposition des six tout en qualifiant de façon positive ses contacts avec les Européens.
Samedi, Ali Larijani était à Berne pour une rencontre avec la ministre suisse des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey. Dans un communiqué, le ministère suisse a renouvelé son offre d’aide pour régler le conflit : « La Suisse se prononce pour une solution négociée dans le dossier nucléaire et est disposée, en cas de demande, à y apporter son concours dans la mesure de ses moyens ». Ali Larijani a de son côté déclaré que la Suisse, en tant que pays neutre, est « un partenaire important ». Depuis la fermeture de l’ambassade américaine à Téhéran en 1980, la Suisse gère les intérêts américains en Iran.
Après la rencontre de Bruxelles, une réunion aura lieu mercredi à Paris entre le représentant de l’Union européenne et les ministres des Affaires étrangères des six pays négociateurs. Le contenu des entretiens de la veille sera probablement examiné de près. La semaine dernière, avant donc ce nouveau rendez-vous entre Javier Solana et Ali Larijani suivi d’une journée de discussions à Paris, la Secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice avait indiqué que les Etats-Unis attendaient « une réponse substantielle » de l’Iran avant le sommet du G8, à partir du 15 juillet à Saint-Pétersbourg. Se référant à ce sommet, Manouchehr Mokkati avait déclaré que « toute décision adoptée sans la présence de l’Iran, si elle est inconsidérée, pourrait endommager l’atmosphère positive créée » par l’ouverture des discussions.
par Colette Thomas
Article publié le 10/07/2006Dernière mise à jour le 10/07/2006 à TU