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Energie nucléaire

Malgré les déchets, la relance

Des écologistes russes ont protesté mercredi 12 juillet contre l'importation probable de déchets nucléaires étrangers dans leur pays. 

		(Photo : AFP)
Des écologistes russes ont protesté mercredi 12 juillet contre l'importation probable de déchets nucléaires étrangers dans leur pays.
(Photo : AFP)
Alors que le dossier du nucléaire iranien est en négociation, le nucléaire représente peut-être la solution pour répondre à la demande mondiale en énergie. La question sera débattue à Saint-Pétersbourg, à l’occasion du G8. La filière produit des déchets dont il va également être question, même si l’importation de déchets nucléaires étrangers est démentie par la Russie.

A l’approche du G8, des écologistes russes ont manifesté mardi dans les rues de Saint-Pétersbourg. Ils protestaient contre l’importation probable de déchets nucléaires étrangers dans leur pays. Selon l’organisation norvégienne Bellona qui milite beaucoup en Russie, les manifestants ont été battus avant d’être arrêtés. La police a confirmé 13 arrestations sans commenter les accusations de mauvais traitements. 

La Russie, on le sait depuis la crise du gaz de l’hiver dernier, a l’intention de consacrer une grande partie de ce G8 élargi à l’énergie. Pourtant, concernant ce stockage de déchets nucléaires, la Russie a démenti. « La Russie n’a importé, n’importe et n’importera à des fins de stockage et de retraitement, que du combustible nucléaire qu’elle a livré et livre à l’étranger », a déclaré Sergueï Kirienko, chef de l’Agence fédérale russe de l’énergie atomique (Rosatom).

Négociations et démenti

Le stockage de déchets nucléaires étrangers en Russie est pourtant une affaire déjà réglée sur le papier. En 2001, malgré l’opposition de la population, la Douma a modifié la loi pour ouvrir la possibilité d’importer en toute légalité des combustibles nucléaires usagés. Vladimir Poutine était déjà au Kremlin et des responsables politiques de cette époque estimaient que la Russie gagnerait des milliards de dollars en stockant, sur un ou plusieurs de ses sites nucléaires dispersés dans le grand Est, des déchets nucléaires bien encombrants pour nombre de pays occidentaux. Ces derniers seront bientôt contraints de sortir du stockage provisoire en raison des lois adoptées par leurs Parlements ou des exigences de leurs opinions publiques.

Samedi dernier, à une semaine donc du G8 de Saint-Pétersbourg, les Etats-Unis avaient annoncé de leur côté que des discussions étaient en cours avec la Russie concernant justement les déchets nucléaires. Selon plusieurs journaux américains, il est question que la Russie devienne l’un des principaux pays de stockage des combustibles irradiés provenant des centrales américaines et des centrales d’autres pays (Corée du Sud, Taïwan) auxquels les Etats-Unis fournissent du combustible. Le site choisi serait Mayak, dans l’Oural. L’Agence internationale pour l’énergie atomique a déjà donné son feu vert à ce projet en Russie.

L’accord entre la Russie et les Etats-Unis, dont la négociation ne date pas d’hier, pourrait être signé pendant ce G8. Il serait financièrement bénéfique pour la Russie. Et pour les Etats-Unis, qui parlent depuis un certain de relancer la construction de centrales, le bénéfice serait politique. Devant l’opinion publique américaine, l’épineuse question du devenir des déchets serait réglée.

Plutonium en Russie, solution pour l’Iran

Si cet accord se concrétise, la Russie deviendra alors la plus grande réserve de plutonium au monde. Substance très radioactive, il apparaît dans les déchets pendant la combustion. Le plutonium est exclusivement destiné à fabriquer les armes les plus dangereuses qui soient. Cette confiance renouvelée en la Russie, malgré les récents relents de guerre froide, aurait une contrepartie. Le président Bush, qui s’est rallié aux discussions en cours sur l’Iran, attendrait, estime les observateurs, la coopération totale du président Poutine sur ces négociations-là.

D’autres pays participant à ce G8 élargi pourraient soutenir ce projet russo-américain tout en voulant trouver une solution avec Téhéran. Parmi les pays qui ont l’intention de donner plus de place au nucléaire, il y a l’Inde. Elle s’est rapprochée de l’Iran ces dernières années, notamment pour avoir accès à son pétrole et à son gaz. La Chine sera également l’invitée exceptionnelle de Saint-Pétersbourg. Elle fait partie du groupe de pays qui négocie avec l’Iran la fin de l’enrichissement d’uranium contre des transferts de technologie. Encore un pays qui veut construire des centrales pour répondre à la demande en électricité et qui produira des déchets.

La Russie et les Etats-Unis pourraient avoir encore un autre allié, cette fois en Europe. Il s’agit de Tony Blair. La Grande-Bretagne est parmi les six pays engagés dans la négociation avec l’Iran. Et Londres veut également relancer l’énergie nucléaire en raison de l’épuisement des réserves en hydrocarbures de la mer du Nord. De plus, le parc de centrales britanniques est vieillissant. Toutes les centrales sauf une devraient cesser leur activité à l’horizon 2020.

La France, avec son groupe industriel spécialisé dans le nucléaire, sera probablement prête à suivre les orientations impulsées par la Russie et les Etats-Unis, aussi bien sur le plan du nucléaire civil que sur la stratégie adoptée pour convaincre Téhéran. Là encore, il s’agit d’un pays qui négocie avec l’Iran au nom de la communauté internationale.

L’Europe, forcément frileuse

Reste l’attitude de l’Union européenne. Elle est actuellement dirigée par la Finlande, le seul pays de l’Union en train de construire une nouvelle centrale. Plusieurs pays membres ont dit non depuis longtemps à l’énergie nucléaire. C’est le cas notamment de l’Autriche et de l’Italie. Cette dernière, membre du G8, met déjà un bémol à la proposition de déclaration russe qui sera adoptée à Saint-Pétersbourg. « La construction de nouvelles centrales nucléaires n’est pas prévue dans le programme du gouvernement italien», indique une source diplomatique italienne. « Le gouvernement, en revanche, n’est pas contre une reprise de la recherche. Mais le souhait est que la question soit traitée dans le cadre de l’Union européenne », indique encore le responsable italien. L’Allemagne, elle aussi, aurait déjà émis des réserves sur le projet de déclaration russe, même si Berlin se pose des questions sur l’abandon programmé du nucléaire au moment où les Verts étaient au gouvernement.

Les autres pays de l’Union, inquiets d’une augmentation durable du prix du pétrole et du gaz, et conscients de leur dépendance à l’égard de Moscou, accepteront peut-être au nom du principe de réalité, une relance spectaculaire de l’énergie nucléaire.



par Colette  Thomas

Article publié le 12/07/2006Dernière mise à jour le 12/07/2006 à TU