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Energie

Le baril sur la mauvaise pente

Une opération militaire américaine pourrait perturber la production iranienne de pétrole.(Photo : AFP)
Une opération militaire américaine pourrait perturber la production iranienne de pétrole.
(Photo : AFP)
Les records historiques atteints mardi par le pétrole, qui a dépassé les 70 dollars le baril, inquiètent. Même si la cote est redescendue, des prix élevés ont toutes les chances de s’installer. Des facteurs géopolitiques et d’autres, saisonniers, alimentent la tendance à la hausse.

Mercredi, les cours du pétrole sont à nouveau passés au-dessous de la barre des 69 dollars le baril. Les transactions concernant le marché électronique en Asie l’ont montré. La veille, à Londres, le pétrole provenant de la mer du Nord avait atteint 69,70 dollars le baril. Et à New York il avait coûté, en fin de journée, 70,38 dollars les 159 litres. Le prix du baril de pétrole a donc fait de nouvelles poussées, en dépassant ou en approchant les 70 dollars. Ce fut déjà le cas l’été dernier. Le 30 août 2005, le baril coûtait 70,85 dollars. C’était après le passage des ouragans sur le sud des Etats-Unis. Plusieurs raffineries installées dans le golfe du Mexique étaient alors immobilisées ou endommagées. Certaines le sont toujours. 

« La poussée des cours s’est un peu essoufflée avant les 70 dollars, mais le marché a semblé déterminé à se lancer à l’assaut de ce seuil », a commenté un analyste britannique. Les économies redoutent en effet que le cap des 70 dollars soit bientôt durablement dépassé. Car le prix du pétrole dépend plus du contexte géopolitique mondial que d’un risque de rupture dans les approvisionnements.

Pour les spécialistes, la tension entre les Etats-Unis et l’Iran est la principale responsable de cette remontée des prix. La République islamique d’Iran ne veut pas céder et renoncer à l’enrichissement d’uranium qui lui servira à fabriquer le combustible de ses centrales nucléaires, ce qui lui vaut de fortes pressions internationales. Washington serait même en train de réfléchir à nouveau à une intervention militaire pour mettre fin au programme nucléaire iranien. C’est en tout cas ce qu’écrivait, le week-end dernier, le journal américain le New Yorker. Comme l’Iran est le troisième exportateur mondial de pétrole, ces bruits de bottes ont fait réagir les cours mondiaux. Pourtant les analystes estiment que le marché pétrolier avait appris à vivre avec ces tensions. Cette fois, il anticiperait une détérioration de la situation politique. Des opérations militaires priveraient les consommateurs d’une partie de la production iranienne. Le transport pétrolier dans le Golfe Persique pourrait, lui aussi, être perturbé.

L’escalade Iran/Etats-Unis

Chaque fois que pèse un risque sur l’approvisionnement, la logique spéculative se met en route. Les investisseurs achètent, ce qui provoque la hausse des prix. L’Iran produit environ 4 millions de barils par jour. Ce pétrole est exporté essentiellement en Asie et en Europe, mais pas aux Etats-Unis. «Pour que les prix grimpent encore, il faudrait qu’on monte d’un cran sur l’échelle des spéculations relatives à l’Iran», estimait un analyste britannique. La stratégie d’escalade entre les Etats-Unis et l’Iran suscite des réactions sur les marchés pétroliers.  

L’autre inquiétude des intermédiaires chargés d’acheter le pétrole est la situation au Nigeria. Les attaques des rebelles contre les installations pétrolières du sud du pays privent le marché international de 600 000 barils par jour. Par ailleurs, les raffineurs aiment le brut nigérian. Il est léger et cette qualité permet de le transformer facilement en essence. « La pénurie de brut léger nigérian est d’autant plus inquiétante que l’on s’approche de la haute saison de consommation d’essence aux Etats-Unis, sur un marché particulièrement serré », estimait un autre analyste. L’été approche, les réserves américaines en essence sont en baisse continue. Avec au moins 15% des importations, le Nigeria est l’un des principaux fournisseurs des Etats-Unis. Il a supplanté l’Arabie Saoudite mais un risque de guerre civile plane actuellement sur le premier pays producteur d’Afrique. 

Ryad regarde vers l’Asie

L’Arabie Saoudite, justement, va recevoir, à partir du 22 avril, la visite du président chinois. Le premier exportateur mondial de pétrole cherche de nouveaux marchés en Asie. « Avec la hausse très élevée et continuelle de son produit national brut, la Chine a besoin de pétrole pour alimenter sa croissance », indique un économiste saoudien, Ihsan Bou Houlaiga. L’année dernière l’Arabie Saoudite a exporté plus de 20 millions de tonnes de brut vers la Chine, ce qui a représenté 17% des importations chinoises. La visite du président Hu Jintao intervient peu de temps après une tournée en Asie du prince héritier saoudien, Sultan ben Abdul Aziz. Pour Ryad, la Chine est une priorité. Ses besoins énergétiques ne cessent d’augmenter. Ses importations pétrolières ont augmenté de plus de 25% en un an alors qu’elle est déjà le deuxième consommateur de pétrole.

Les experts estiment que la demande va s’accélérer, notamment en raison des besoins des pays émergents. Pour y faire face et éviter de nouvelles flambées des cours, l’Indonésie va demander aux autres pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) d’augmenter la production.

Il existe 45 000 champs pétroliers à travers le monde, dont une centaine fournit plus de la moitié de la production. Ces 100 gisements sont vieux et on ne peut pas augmenter leur production, commente Kjell Aleklett, président de l’ASPO (association pour l’étude des pics de production de pétrole et de gaz naturel). Kjell Aleklett est professeur à l’université d’Uppsala, en Suède.


par Colette  Thomas

Article publié le 12/04/2006 Dernière mise à jour le 12/04/2006 à 17:56 TU

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Francis Perrin

Directeur du bimensuel «Pétrole et gaz arabe»

«La demande pétrolière mondiale continue à augmenter. 2006 devrait être une année assez dynamique pour la demande. Une demande tirée par la Chine, quelques pays asiatiques comme l'Inde et bien sûr les États-Unis.»

[12/04/2006]

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