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Proche-Orient

Nahariya, ville fantôme sous les roquettes du Hezbollah

Nahariya sous les tirs répétés de roquettes katiouchas. 

		(Photo : AFP)
Nahariya sous les tirs répétés de roquettes katiouchas.
(Photo : AFP)
A cette époque de l’année, Nahariya, ville côtière du nord d’Israël, est normalement envahie par les touristes. Mais les plages comme les trottoirs sont vides, les stores des magasins fermés, et il n’y a guère que des voitures de police qui circulent dans les rues. «Nous ne sommes plus que six à travailler raconte Ganga un chauffeur de taxi, les autres ont peur, alors ils restent chez eux».

De notre envoyée spéciale à Nahariya

Mercredi matin, les tirs de roquettes du Hezbollah ont fait une première victime ici, une femme de quarante ans qui prenait son petit déjeuner sur son balcon. Depuis, les habitants prennent très au sérieux les consignes de sécurité données par la municipalité. Calfeutrés chez eux, les stores fermés ou dans des abris, ils attendent «que ça passe». Le temps d’une matinée, le centre ville a repris vendredi un semblant de vie, à la faveur d’une accalmie momentanée des chutes de katiouchas. Une boulangerie, quelques marchands de journaux et deux ou trois supérettes ont ouvert pour permettre aux habitants de faire quelques provisions. A la caisse, on échange quelques nouvelles, une ou deux plaisanteries, mais on ne s’attarde pas, et à 11h30, les haut-parleurs résonnent pour ordonner aux habitants de rentrer chez eux.

Seule la mairie est là pour rappeler que quelque 60 000 personnes vivent ici. Dans l’abri du petit bâtiment, une cellule de crise a été installée, où une dizaine de personnes répondent en permanence aux appels des habitants. Au bout du fil, on réclame de l’aide pour des vitres brisées, des systèmes d’aération défaillants, on demande aussi des provisions, ou encore une aide psychologique. «Beaucoup d’appels de parents désemparés face à des enfants qui ne mangent plus, qui font des cauchemars», raconte la psychologue. Mais Ada Shenfeld n’a pas de solution miracle, et elle leur conseille surtout d’être «patients». Des gens appellent aussi de Tel-Aviv ou de Haïfa, la grande ville du nord, pour proposer d’héberger chez eux des habitants d’ici, ou tout simplement pour savoir s’ils peuvent faire «quelque chose».

Un hôpital souterrain

L’hôpital de Nahariya ces jours-ci est une sorte de condensé de la crise que traverse la ville. Jeudi, une roquette est tombée tout près du département de la gériatrie. «C’est la seconde fois que nous essuyons ce genre de tirs. Nous sommes le seul hôpital d’Israël à avoir été bombardé», affirme le médecin qui fait visiter les locaux aux journalistes. «Tous les patients qui pouvaient rentrer chez eux ont été invités à le faire. Toutes les chambres de l’aile nord et des deux derniers étages ont été évacuées dans la précipitation. Regardez, un homme a même oublié son pantalon de pyjama sur son lit ». A travers la fenêtre, des champs, et au loin, à neuf kilomètres de là, la frontière libanaise.

Les couloirs de l’hôpital sont quasi déserts. Restent quelques patients, éloignés des fenêtres ou installés dans des «chambres-abri», des pièces équipées de vitres spéciales et de murs à double épaisseur. Tous les autres, et ils sont 290, ont été transférés dans la partie souterraine de l’établissement. Une sorte d’hôpital dans l’hôpital dont la partie nord, la plus importante, construite il y a trois ans, sert pour la première fois. Les conditions d’hospitalisation sont forcément rudimentaires : du béton, des boxes serrés les uns contre les autres, et deux salles de bains pour 250 lits. «Mais au moins, ici, ils sont en sécurité», soupire Suzy, une infirmière.

Jusqu’ici, l’offensive militaire israélienne contre le Hezbollah n’a rien changé à ce qui est devenu en une semaine le quotidien des habitants de Nahariya. Faute de pouvoir arrêter la pluie de roquettes, l’Etat hébreu tient à afficher son soutien aux autorités et aux habitants. En trois jours, la ville a reçu les visites du président, Moshé Katzav, du vice-premier ministre Shimon Perez et du ministre de l’Intérieur Roni Baron. Symbole de leur impuissance, au moment même où se tenait une réunion entre les membres du gouvernement et les maires de la région dans le sous-sol d’un grand hôtel de la ville, une roquette s’est abattue sur une maison vide, non loin de là. Pendant un court instant, l’hôtel s’est retrouvé dans le noir, mais les générateurs ont aussitôt pris le relais et la réunion s’est poursuivie presque comme si de rien n’était. Mais deux cents mètres plus loin, alors que des policiers constataient les dégâts, sur le trottoir d’en face, Avi, lui, chargeait sa camionnette. «Je suis arrivé hier soir de Tel-Aviv pour convaincre mes parents de venir avec moi, au moins pour le week-end. Ils ont refusé. Mais cette fois, je ne leur laisse plus le choix. Je veux les sortir d’ici».

par Sonia  Chironi

Article publié le 16/07/2006Dernière mise à jour le 16/07/2006 à TU

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La situation à Haïfa

«Des habitants venus de Nahariya, plus au Nord, qui s'étaient réfugiés il y a deux trois jours à Haïfa ont repris la route, non pas en direction de Tel-Aviv mais carrément de Jérusalem pour se mettre à l'abri.»

[16/07/2006]

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