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Proche-Orient

Le Liban brûle, la diplomatie dort

Après un raid israélien à Zebqine, au sud de Beyrouth. Depuis le début de l'offensive israélienne mercredi, plus de 100 personnes ont perdu la vie au Liban. 

		(Photo : AFP)
Après un raid israélien à Zebqine, au sud de Beyrouth. Depuis le début de l'offensive israélienne mercredi, plus de 100 personnes ont perdu la vie au Liban.
(Photo : AFP)
Dans la banlieue sud de Beyrouth, des pâtés entiers d’immeubles ont été rasés par l’aviation israélienne. Des milliers de familles ont pris le chemin de l’exode et, pendant ce temps, la diplomatie des grandes puissances dort.

De notre correspondant à Beyrouth

Dans un déchaînement inouï de violence, la machine de guerre israélienne a intensifié ces dernières 24 heures ses bombardements contre la banlieue sud de Beyrouth, un des principaux bastions du Hezbollah, et la plupart des autres régions du pays. Les premières images diffusées par les télévisions, de ce quartier de deux kilomètres carrés habités par plus d’un demi-million de personnes à majorité chiites, étaient insoutenables. Des pâtés entiers d’immeubles transformés en montagnes de gravats, des rues qui n’existent plus, des ponts effondrés comme des châteaux de cartes. Les missiles israéliens n’ont fait aucune distinction entre les appartements utilisés par le Hezbollah et ses dirigeants et les zones résidentielles civiles. Pendant des heures, les chasseurs-bombardiers se sont relayés pour pilonner le quartier de Haret-Horeik, où est concentré l’essentiel des instances dirigeantes du Hezbollah. L’immeuble abritant la télévision du parti, al-Manar, a été complètement détruit. Après une courte interruption, le média a repris ses émissions, mais uniquement sur sa chaîne satellitaire.

Pendant ce temps au Liban-Sud, l’Etat hébreu a visiblement opté pour une nouvelle stratégie, après qu’il ait échoué à faire taire le Hezbollah qui a poursuivi ses bombardements du nord d’Israël malgré cinq jours de raids intensifs. L’armée israélienne a sommé les habitants de cette région de quitter leurs villes et villages. C’est plus d’un million de personnes qui sont prises au piège après la destruction de la plupart des ponts reliant le Liban-Sud au reste du pays. Et la veille, vingt civils dont dix enfants, avaient été tués lors d’un raid contre leur pick-up alors qu’ils essayaient de fuir le village de Marwahine après un ultimatum lancé par l’armée israélienne.

Malgré le danger, des milliers de familles ont pris le chemin de l’exode pour s’installer dans des écoles, des stades sportifs, des jardins publics, dans des régions du Liban moins exposées aux raids israéliens. Un mouvement de solidarité a commencé à se mettre en place pour venir en aide à ces déplacés complètement démunis. Même dans les églises, des appels à des donations ont été lancés par les prêtres à l’initiative du patriarche maronite.

Les régions chrétiennes visées

Autre développement important de ces dernières 24 heures, l’intensification des raids contre des régions dans le centre, le nord et l’est du pays. Les ports des villes chrétiennes de Jounié, Amchit et Batroun ont été pris pour cible. Un petit aéroport militaire situé à Hamat, au Liban-Nord, a été touché. Une station radar de l’armée libanaise y a été détruite, un soldat est mort et trois autres ont été blessés. Devant l’ampleur du désastre et la démesure de la riposte israélienne à la capture de ses deux soldats mercredi matin, les voix qui avaient critiqué le timing de l’action du Hezbollah se sont tues. Les appels à l’unité nationale et à la solidarité face à l’offensive israélienne se multiplient.

Dépassé par l’ampleur des dégâts occasionnés à l’infrastructure du pays, le gouvernement a lancé un appel à l’aide. Le Premier ministre Fouad Siniora a décrété le Liban «pays sinistré», mais a réaffirmé la détermination des Libanais à «faire face à l’agression». Il a en même temps défini le cadre de ce qui pourrait être une solution diplomatique. Dans une critique à peine voilée au Hezbollah, il a affirmé que «c’est à l’Etat et à lui seul que revient la décision de paix et de guerre». Il a appelé à un cessez-le-feu immédiat, assurant que le gouvernement était prêt à étendre son autorité sur l’ensemble du territoire en coopération avec les Nations unies.

Ce qui sous-entend le déploiement de l’armée au Liban-Sud, comme l’exige une des clauses de la résolution 1559 du Conseil de sécurité, ce qui permettrait d’éloigner le Hezbollah de la frontière, comme le souhaite Israël. Mais la réponse israélienne n’a pas tardé : une recrudescence des raids et une intensification des bombardements. Et une déclaration de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, affirmant qu’«un cessez-le-feu prochain n’apporterait pas une solution au problème» montre que le feu vert de Washington pour la poursuite de l’offensive israélienne est toujours de mise et que l’heure n’est pas encore propice aux démarches diplomatiques.

Le blocage de toute issue politique à la guerre a radicalisé les positions du chef du Parlement, Nabih Berry, un chiite modéré. Avant une réunion avec des émissaires de Kofi Annan, M. Berry a accusé les Nations unies de «participer au crime commis contre le peuple libanais», en ayant refusé d’accorder l’asile aux habitants du village de Marwahine. Le «Mouvement Amal» qu’il préside a décrété la mobilisation générale et annoncé la création d’une chambre d’opération commune avec le Hezbollah. Depuis cinq jours, c’est le canon qui parle. Et il va probablement continuer à parler un bon bout de temps encore.

par Paul  Khalifeh

Article publié le 16/07/2006Dernière mise à jour le 16/07/2006 à TU