Cuba
Fidel Castro cède «provisoirement» le pouvoir à son frère Raul

(Photo : José Goitia)
De notre correspondante à La Havane
«Ma santé, qui a résisté à toutes les épreuves, a été soumise à un stress extrême et a été ébranlée». Il est 21 heures 15, à La Havane, lorsque le secrétaire personnel de Fidel Castro apparaît sur le petit écran de la télévision, placé au-dessus du bar. Quelques minutes auparavant, les présentateurs du journal ont annoncé une intervention du chef de l’Etat. Mais c’est finalement son secrétaire, Carlos Valenciaga, qui prend la parole, pour lire un message de trois pages paraphé par Fidel Castro.
Dans ce café pour touristes de la vieille ville, tous les serveurs se rapprochent du téléviseur. Plusieurs éléments rendent cette allocution intrigante : l’heure inhabituelle, le ton solennel du lecteur, le fait surtout que ce ne soit pas Fidel Castro en personne qui apparaisse à l’écran, comme annoncé. Rapidement, les personnes présentes se rendent compte qu’il s’agit effectivement d’une annonce de première importance. En quelques minutes, le communiqué redessine les contours du pouvoir cubain, une situation inédite en 47 ans de révolution.
Une mesure provisoire en forme de testament
«Comme notre pays se trouve menacé par le gouvernement des Etats-Unis, explique le communiqué, j'ai pris la décision suivante : 1 - Je délègue, de manière provisoire, mes fonctions de premier secrétaire du comité central du Parti communiste de Cuba au deuxième secrétaire, le camarade Raul Castro Ruz. 2 - Je délègue, de manière provisoire, mes fonctions de commandant en chef des héroïques forces armées révolutionnaires au camarade mentionné, le général de corps d'armée Raul Castro Ruz. 3 - Je délègue, de manière provisoire, mes fonctions de président du conseil d'Etat et du gouvernement de la République de Cuba au vice-président, le camarade Raul Castro Ruz».
La succession, prévue par les frères Castro depuis les tout premiers jours de la Révolution, en 1959, se matérialise au cours de cette lecture. Selon les précisions fournies par le communiqué, Fidel Castro a dû subir une opération chirurgicale complexe, suite à des saignements intestinaux prolongés. «L'opération m'oblige a garder le repos durant plusieurs semaines, éloigné de mes responsabilités et de mes fonctions», précise en effet le communiqué. Pour autant, ce n’est pas la première fois que Fidel Castro a des ennuis de santé.
Il y a deux ans, le président cubain, qui doit fêter ses 80 ans le 13 août prochain, a fait une chute spectaculaire à la fin de l’un de ses discours. Mais il avait alors mis un point d’honneur à s’adresser immédiatement à la population cubaine, annonçant qu’il était «entier» et qu’il gardait les rênes du pouvoir. Il s’était remis en quelques mois de sa double fracture du genou et du coude. Lundi soir, au contraire, il a choisi de déléguer tous ses pouvoirs à son frère Raul, de cinq ans son cadet, ainsi qu’à plusieurs hauts-fonctionnaires cubains. Un transfert présenté comme provisoire, même si la conclusion du communiqué a une allure presque testamentaire.
«Je n'ai pas le moindre doute sur le fait que notre peuple et notre révolution lutteront jusqu'à la dernière goutte de sang pour défendre cette idée. (...) L'impérialisme ne pourra jamais écraser Cuba. (...) Vive la Patrie ! Vive la révolution ! Vive le socialisme ! Jusqu'à la victoire, toujours !» conclut le communiqué de Fidel Castro. Les médias nationaux l’ont rediffusé à plusieurs reprises dans l’heure qui a suivi, avant de reprendre leur programmation habituelle.
Les rues de la capitale cubaine sont restées calmes durant la nuit qui a suivi. Peu de passants, aucun rassemblement, pas de présence policière ou militaire particulière : il semble que tout le monde soit dans l’expectative. Ce calme contraste fortement avec les images venues de Miami, où la communauté cubano-américaine est descendue en liesse dans les rues immédiatement après l’annonce du transfert des pouvoirs.
par Sara Roumette
Article publié le 01/08/2006Dernière mise à jour le 01/08/2006 à TU